Des étudiants pour conduire les tramways : la solution de TBM pour lutter contre la pénurie de conducteurs

Le Réseau de Transport de la Métropole (TBM) souhaite recruter des étudiants ingénieurs pour conduire les tramways, face aux difficultés de recrutements de conducteurs à Bordeaux dès la rentrée de septembre. Cette mesure a été testée dans d'autres grandes villes. Certains syndicats y voient "un danger" pour les usagers et "la casse" du métier de traminot.

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Bonne ou mauvaise idée ? Ce recrutement de conducteurs de tramways sera proposé aux étudiants ingénieurs d'une grande école publique installée à Talence, sur le campus de Bordeaux. Une solution avancée par Kéolis, l'opérateur de transports publics qui a la gestion du réseau métropolitain bordelais, car il y a un manque de conducteurs titulaires.

Des étudiants conducteurs de tram

En 2024, ce sont 245 conducteurs supplémentaires qui doivent être recrutés. Depuis le début de l’année, Keolis Bordeaux Métropole Mobilités a embauché 83 conducteurs en CDI, selon les chiffres de la direction fin mai.

"Afin de faire face aux difficultés de recrutement, Keolis Bordeaux Métropole Mobilités continue ses actions pour recruter de nouveaux conducteurs pour le réseau TBM. L’entreprise souhaite explorer une nouvelle solution, déjà testée sur les réseaux de Nantes, Lyon, Orléans, en proposant aux étudiants de l’Enseirb-Matmeca de Talence un job étudiant conducteur de tram.

L’embauche d’étudiants à la conduite des trams permettrait de libérer des journées de repos pour les conducteurs titulaires tout en maintenant l’offre de transport.

Keolis Bordeaux Métropole Mobilités

Les étudiants ingénieurs suivront, dans un premier temps, la même formation à l’habilitation tram que les conducteurs de métier. Ils pourront par la suite commencer à conduire dès la rentrée. Leurs jours de travail se répartiront sur les weekends, les jours fériés et les vacances scolaires.

Ceux-ci seront amenés à circuler sur les lignes de tram A et B. Les étudiants concernés étudient à l’Enseirb-Matmeca, une École nationale supérieure d’électronique, informatique, télécommunications, mathématique et mécanique de Bordeaux, qui a la réputation de former des ingénieurs de qualité. 

Une mesure déjà testée ailleurs

À Nantes, par exemple, ce dispositif existe déjà depuis 2022. Des étudiants conduisent les trams le week-end et pendant vacances. Le transporteur du réseau de Nantes (TAN) leur paie le permis aussi. 

À Lyon, le même procédé  est en place depuis le début des années 2010. Ce sont des étudiants en sciences appliquées de l’INSA qui sont formés pour conduire les tramways et les métros lyonnais. Ce job étudiant fait également office de stage ouvrier selon l’école d’ingénieurs.

À Bordeaux, ce dispositif serait donc en place à partir de septembre 2024. Keolis nous a précisé les conditions requises : avoir 21 ans minimum, avoir le permis de conduire B depuis au moins deux ans, l'obtention de l’habilitation tramway à la fin de la formation.

Les qualités recherchées : être ponctuel et autonome, avoir le sens de la qualité du service rendu à la clientèle, faire preuve de rigueur, et avoir le sens des responsabilités. 

"Une mesure inquiétante"

"Je ne remets pas du tout leur intelligence et leurs compétences, ce sont de futurs ingénieurs, mais le travail de traminot est un métier à part entière, pas un boulot saisonnier. Cela dévalorise notre métier" s'indigne Mathieu Obry de la CGT-TBM qui assure que de graves accidents ont eu lieu à Lyon avec des trams conduits par des étudiants.

Pour le syndicat CGT-TBM, cette mesure n'est clairement pas une bonne idée, pire, c'est une mesure irresponsable au plan social et sécuritaire. La direction de Keolis a annoncé leur volonté de faire appel à des étudiants lors du CSE du 24 mai dernier. "On n'a pas du tout été consulté avant, et nous avons été étonnés. La direction ne nous a pas donné plus de détails sur le calendrier et la formation de ces étudiants", regrette Mathieu Obry qui accuse la direction de créer elle-même la pénurie de conducteur.

"Depuis 2017, elle ne recrute plus ou pas suffisamment prétextant que les personnes n'ont pas le profil requis. Par ailleurs, en 2023, il y a eu 61 démissions et 40 licenciements pour inaptitudes, et dans 90 % ce sont des conducteurs qui s'en vont pour des raisons de salaires et de conditions de travail", assure le syndicaliste qui a diffusé une vidéo sur Facebook.

Le travail est pénible, on fait les 3/8 et on travaille vingt week-ends sur cinquante.

Mathieu Obry

Représentant CGT-TBM



Et la sécurité des usagers ?

Au plan sécuritaire, le recrutement d'étudiants pose également un problème. "Un salarié futur traminot est formé sept heures par jour durant cinq semaines, et il faut au moins un an pour maîtriser l'aspect technique et les zones compliquées qui sont à risque. Comment seront formés ces gamins ? On n'en sait rien !", s'agace le syndicaliste CGT qui se dit "inquiet". Les accidents sont nombreux, environ deux cents par an à Bordeaux. "Humainement, il faut être prêt. Un accident grave, c'est déjà compliqué pour un adulte expérimenté, mais il ne faut pas que ça arrive aux gamins, cela peut être dévastateur !"

Certains de ces accidents sont mortels. Encore récemment, le 3 juin, un homme de 90 ans est décédé dans une collision avec un tramway, dans le quartier des Chartrons, au niveau de l'arrêt Paul Doumer. Son petit-fils qui l'accompagné était en état de choc, tout comme la conductrice qui a été prise en charge par les secours. "Conduire un tramway n'est pas anodin".

"Un suivi attentif sera effectué entre les équipes de KB2M et Enseirb-Matmeca", indique la direction pour répondre aux inquiétudes. Afin de garantir la sécurité de circulation, qui est la priorité de KB2M, un accompagnement spécifique, en sus de la formation initiale, sera déployé auprès des étudiants retenus".

Cette solution, qui sera expérimentée cette année avec une première promotion d’étudiants, offre plusieurs avantages selon Keolis. "Elle permet à KB2M d’élargir son périmètre de recrutement, elle offre à des étudiants un travail à temps partiel, sur leurs jours disponibles, qui leur permet de contribuer au financement de leurs études, tout en leur donnant accès à une mission à responsabilité très utile pour leur avenir professionnel. Elle permet aussi de libérer des jours de repos supplémentaires les weekends et lors des vacances pour les conducteurs de tramway titulaires".

Le réseau TBM compte 1 800 conducteurs qui assurent le trafic bus et tram. Les étudiants ne feront que la conduite des tramways.

Au niveau national, et pour tous les profils, Kéolis recrute et propose des "jobs" sur son site internet, 23 offres d'emploi sont proposées sur Bordeaux actuellement, notamment des conducteurs de bus et de tramways. 

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