"Enfin, nous sommes entendus". Accusé de nuisances par ses riverains, le port de Bordeaux doit revoir ses projets d'aménagement

Suspecté d’effectuer des aménagements plus vastes que prévus et de mener des activités néfastes pour l’environnement et la santé des riverains, le port de Bordeaux a neuf mois pour se conformer aux exigences du tribunal administratif, sous peine de voir ses projets compromis.

“Enfin, nous sommes entendus !” Entre deux rayons de soleil, du haut de son balcon, avec vue imprenable sur le Bassin à flots, Hélène Szalay voit l’espoir renaître après des années de combat. Retraitée, elle vit depuis 2015 dans ce secteur historiquement industriel de Bordeaux, réhabilité en lieu de vie accueillant bars, restaurants, écoles et lieux culturels. Une nouvelle facette du quartier qui, selon elle, est complètement ignorée par les aménagements portuaires. En témoignent ces 2,5 hectares de parc finalement réduits à  6000 m². “Le port reprend progressivement tout ce qu’il nous avait accordé en terrain, regrette-t-elle. On devait avoir un immense jardin, maintenant on n’a qu’un petit jardin affublé d’une usine.”

"On ne peut plus faire confiance au port"

Membre d’un collectif devenu en 2021 Association de défense de l’environnement et de la qualité de vie des Bassins à flots, elle dénonce surtout les conséquences environnementales et sanitaires des activités portuaires pour les 15 000 habitants du quartier : “Nous subissons, certains plus que d’autres. Les résidences en face des radoubs respirent maintenant toutes les poussières émises pendant les opérations de carénage.
En 2022, ils ont démantelé un bateau de 350 tonnes en émettant des fumées incroyables pendant un mois et 14 jours, sans prévenir personne et sans tenir compte des habitants. On a respiré ça. Quand on voit des comportements comme celui-là, on ne peut plus faire confiance au port.”

À quelques dizaines de mètres de commerces et d’habitations, on ne peut pas faire n'importe quoi.

Norbert Fradin, promoteur immobilier et fondateur du Musée de la mer et de la marine

Initié par les habitants, ce combat est aussi relayé par Norbert Fradin, fondateur du Musée de la mer et de la marine voisin. “On ne veut pas annihiler toute activité du port, mais lorsque la collectivité a décidé d'urbaniser ce quartier, il avait été convenu que les choses puissent cohabiter d’une façon aimable, relève-t-il. Il y a des activités portuaires qui peuvent ne pas être polluantes ou bruyantes, et d'autres qui ne sont pas compatibles avec le nouvel environnement de ce lieu. À quelques dizaines de mètres de commerces et d’habitations, on ne peut pas faire n'importe quoi.”

Au même titre que les riverains, le promoteur immobilier réclame notamment une étude d’impact qui peut amener à une étude environnementale de manière à définir quels sont les risques pour les habitants, les utilisateurs, et quels peuvent être les risques en particulier en termes de santé.”

Vers une annulation du permis de construire ?

Après avoir déposé un recours gracieux rejeté en novembre 2021, la SAS Musée de la mer et de la marine de Bordeaux et la SCI Fradin Grand Sud demandent aujourd’hui l’annulation du permis de construire du Hangar 37. Selon ses opposants, ce permis, accordé par la préfecture en septembre 2021, serait utilisé par le port pour mener des opérations de réaménagement bien plus vastes. Le tout,  en méconnaissance des plans de prévention des risques naturels d’inondation et du plan local d’urbanisme intercommunal. 

Dans sa décision du 3 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux reconnaît en effet que “l’affichage du permis de construire est entaché de plusieurs insuffisances. [Il] ne désigne qu’une partie seulement des opérations qui y sont envisagées, c’est-à-dire celles qui sont relatives au hangar « H37 », alors que le projet comporte en réalité des opérations et des travaux plus larges et qui excèdent amplement le périmètre du seul hangar. (...) Cette inexactitude, qui entretient une confusion à la fois sur le périmètre et le contenu exacts du projet en litige, a été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.”

Régularisation avant janvier 2025

S’il y avait d'autres projets, nous aurions mécaniquement été soumis à une autorisation environnementale. Mais dès le départ et au moment de la délivrance du permis, cela n’était pas le cas.

Jean-Frédéric Laurent, directeur général du port de Bordeaux

Selon les opposants, le port profiterait des 6 500 m² prévus dans le projet du Hangar 37 pour mener à bien l'ensemble de ses aménagements sur une plus grande surface cadastrale (80 000 m²) sans mener d'étude d'impact, alors que la loi l'exige pour tous les projets de plus de 10 000 m². Contacté, le directeur général du port de Bordeaux se défend. “Il s'agit d’un projet circonscrit au périmètre du H37 qui en effet se situe sur une parcelle cadastrée beaucoup plus large, mais le projet en lui-même ne concerne que le bâtiment, explique-t-il. Si effectivement, il y avait d'autres projets dans le cadre de cette autorisation, nous aurions mécaniquement été soumis à une autorisation environnementale au cas par cas. Mais de notre point de vue, dès le départ et au moment de la délivrance du permis, cela n’était pas le cas.” 

Le port doit désormais régulariser ce permis de construire devant les autorités qui statueront sur l’obligation d’une évaluation environnementale. Il a jusqu'en janvier 2025 pour se conformer aux exigences du tribunal administratif, sous peine de voir ses projets de réaménagement compromis.

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