Alors que ce lundi 4 mars, le Congrès doit voter le projet de loi constitutionnelle sur l’IVG, l’accès à ce droit reste complexe dans certains territoires. Dans les zones rurales, les femmes concernées font face à de multiples freins entre distances et désinformation.
Le droit à l’IVG pourrait bientôt être inscrit dans la Constitution française. C'est l'objet du vote qui se tiendra ce lundi 4 mars, au Congrès. Une manière pour les politiques de sanctuariser ce droit, accordées à toutes les femmes depuis 1975.
Si les associations se félicitent “d’une gifle magistrale aux anti-choix”, elles dénoncent les inégalités qui persistent sur son accès. “En France, c’est un droit qui est effectif, qui n'a cessé d’évoluer, mais la diminution des lits hospitaliers dans les hôpitaux de proximité et l’absence d’un réseau de professionnels adéquat montre que la réalité n’est pas égalitaire”, avance Annie Carraretto, présidente du Planning familial de Gironde.
Contre-la-montre
À Bordeaux, les hôpitaux et médecins qui pratiquent les interruptions volontaires de grossesse sont légion. Ce n’est cependant pas le cas, une fois la frontière de la métropole franchie. “On a un territoire très étendu et pour une large partie rurale. Quand on regarde la liste des praticiens, il y a une forte concentration dans la métropole”, analyse Annie Carraretto, présidente du Planning Familial, association incontournable du combat pour l’IVG depuis 60 ans.
Dans le département, les secteurs de Langon, Bazas, Libourne, Blaye ou encore le Médoc et le bassin d’Arcachon manquent de médecins formés à l’IVG. Ils sont sept référencés sur le Bassin d’Arcachon, en Médoc, il n’en reste qu’un seul.
⇒ Sur la carte : les médecins qui pratiquent l'IVG en Nouvelle-Aquitaine.
Pour les femmes résidentes dans ces secteurs, il faut donc se déplacer pour obtenir un rendez-vous. “Il y a là une première inégalité liée à la mobilité. Sachant qu’une IVG se fait en plusieurs rendez-vous”, rappelle Annie Carraretto.
Par voie médicamenteuse, il s’agit de faire un rendez-vous pour “éclairer le choix” de la patiente, deux autres pour les prises de médicament. Par voie instrumentale, un premier rendez-vous pour s’assurer du choix est organisé. Il est ensuite suivi d’une opération. “On a souvent affaire à des personnes jeunes majeures ou mineures qui ont besoin d’être accompagnées. Ces distances ne facilitent pas leur démarche”, regrette Annie Carraretto.
À ce premier frein s’ajoute celui des délais. En France, l’IVG peut être pratiquée jusqu’à la 14ᵉ semaine de grossesse, jusqu’à la 7ᵉ pour l’IVG médicamenteuse. “Certains praticiens refusent de la pratiquer après la dixième semaine, parce qu’ils considèrent qu’après le fœtus est trop gros ou que les méthodes sont trop invasives”, souligne la présidente du planning familial.
Des délais restreints généralement difficiles à tenir pour les femmes éloignées qui doivent attendre avant d’obtenir un rendez-vous. “Il arrive souvent que des IVG médicamenteuses se transforment en instrumentales parce que les patientes n’ont pas eu de rendez-vous à temps”, précise Annie Carraretto.
Désinformation sur les réseaux
Pour le Planning familial qui œuvre sur tout le département de la Gironde, ces problématiques sont également liées à un manque d’information ou de désinformation. “Nous ne sommes pas toujours en contact de proximité avec les femmes du département. Et en parallèle, elles reçoivent continuellement de la désinformation, notamment sur les réseaux sociaux avec le mouvement des anti-choix”, regrette la présidente de l’antenne girondine de l’association.
Les femmes en zone rurale qui veulent avoir recours à l'IVG n’ont souvent pas les bonnes informations au bon moment.
Annie Carrarettoprésidente du Planning familial de la Gironde
Pour pallier ces manques, le Planning familial de Gironde a lancé un site, Ton plan à toi, qui recense toutes les thématiques abordées par l’association, qu’il s’agisse de sexualité, de violence ou encore de santé. Une carte interactive avec les lieux pratiquant les IVG y est d’ailleurs associée. “Il y a également un numéro vert (0 800 08 11 11) pour celles qui auraient des questions ou des craintes. Elles seront dirigées vers un professionnel selon leurs besoins”, ajoute Annie Carraretto.
Depuis deux ans, pour redonner vie aux déserts médicaux, les sages-femmes sont habilitées à pratiquer les IVG médicamenteuses, au même titre que les médecins. Pour certaines, elles peuvent, depuis octobre 2023, pratiquer aussi les IVG instrumentales. “C’est le palliatif parfait aux médecins et gynécologues qui sont absents des campagnes”, martèle la présidente du Planning Familial de Gironde. En 2020, selon le service ministériel des statistiques du ministère de la Santé , 5584 IVG ont été pratiquées dans le département.