"Je ne suis pas venue ici pour faire de la politique", rappelle Shenaya, lycéenne menacée d'expulsion

La pétition pour s'opposer à l'obligation de quitter le territoire de Onel Shenaya Fernando, lycéenne à Bordeaux, a dépassé les 30 000 signatures. Dans le même temps, son lycée a été pris pour cible par l'extrême-droite. La lycéenne regrette de cristalliser les débats sur l'immigration.

En une semaine, tout s’est accéléré. Interviewée, le 29 septembre dernier, Shenaya Fernando expliquait sa situation. Élève modèle au lycée Magendie, en classe de Terminale, elle s’est vue notifier le 6 septembre d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français)  de la préfecture de Gironde. Elle lance alors une pétition, qui cumule aujourd’hui plus de 33 000 signatures.

“Je ne m’attendais à ce que ça devienne aussi grand. Il y a eu beaucoup de médias, de messages positifs et négatifs aussi”, explique la lycéenne de 18 ans.

"J'attends un miracle"

Interview dans les médias, rassemblements, depuis une semaine, la vie de la jeune Sri-lankaise a basculé. “Je suis très reconnaissante de cette médiatisation, parce que j’ai pu gagner des signatures sur ma pétition. Sans tous ces soutiens, je n’aurais pas tenu”, poursuit la jeune fille.

En parallèle de la pression médiatique, la jeune femme continue ses démarches. “Je rencontre mon avocat ce mardi pour finaliser les détails du recours. Je le déposerai mercredi normalement.” Contactée par France 3 Aquitaine, la préfecture avait en effet annoncé qu’elle réétudierait le dossier de Shenaya si elle déposait un recours.

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Face à la déferlante médiatique et des réseaux sociaux, Shenaya n’était pas seule. À ses côtés, son amie Ana-Maria Baciu, une jeune Moldave, qui se retrouve dans une situation similaire.  La jeune fille a du quitter son pays afin d'être soignée à Bordeaux pour une tumeur au cerveau.  Elle aussi, attend désormais une décision de la préfecture, après son recours. “Elle me dit que les dossiers sont en cours d’instruction. J’ai l’espoir qu’ils vont vraiment se rendre compte qu’on mérite de rester en France. J’attends un miracle”, explique la jeune Moldave dans un français irréprochable.

300 personnes 

Ce lundi 9 octobre, 300 lycéens, professeurs et syndicats s’étaient réunis pour leur apporter leur soutien. “Les professeurs ont tenu à exprimer leur solidarité envers Shenaya et Ana-Maria, en attendant les décisions du préfet qui, on le souhaite tous, seront positives”, explique Clément Vauchelles, professeur de français au lycée Magendie.

Le rassemblement est ponctué de prises de paroles et de discours éminemment politiques, dont veulent se détacher les deux jeunes filles. “On a cru que j’étais une militante de gauche, je ne suis encartée nulle part. Je ne suis pas venue ici pour faire de la politique", veut rappeler Shenaya.

Mon objectif, c'est d'avoir un titre de séjour ici, et de pouvoir construire mon avenir ici.

Shenaya, lycéenne sri-lankaise

à rédaction web France 3 Aquitaine

Ciblée par l'extrême-droite

Ana-Maria, à ses côtés, se confie. “C’est un peu chaud. On reçoit des messages qui nous accusent d’être des militantes. On ne parle pas au nom de tous les sans-papiers. Notre parti, c’est nous”, regrette la lycéenne “stressée” par tout l’engouement, “même si tous ces soutiens nous font vraiment du bien”.

Car cette mobilisation attise autant les soutiens que les détracteurs. Derrière les drapeaux de Révolution Permanente, de la FSU et de Sud, des lettres rouges trônent sur le mur du lycée . “La France aux Français” y est écrit, signé par Action directe nationaliste, un groupuscule d’extrême-droite venu tagguer l'établissement scolaire pendant la nuit. L’autre partie a été effacée. Elle ciblait nominativement la jeune Sri-Lankaise. “On voit ce genre de messages sur nos téléphones aussi”, glisse Ana-Maria.

Loi immigration

Malgré elles, leurs combats sont devenus politiques : en s'appuyant sur leurs expériences, syndicats d'enseignants et de lycéens dénoncent la loi immigration de Gérald Darmanin. Un discours repris par Réseau Éducation sans frontières, venu en soutien. “Au travers de leur cas, ce sont tous ces jeunes qui reçoivent des OQTF à tour de bras alors qu’ils sont scolarisés, travaillent même en France pour ceux qui sont en apprentissage. C’est une politique inhumaine”, illustre Brigitte Lopez, membre du Réseau Éducation Sans frontière à Bordeaux.

Pour elle, la situation empire depuis quelques mois. “En Gironde depuis quelques semaines, nous recevons de plus en plus de cas de jeunes qui sont visés par des OQTF, ce n’était pas autant le cas avant”, regrette Brigitte Lopez.

Dans la foule, Loïc Prud’homme, député insoumis de la Gironde, est venu apporter son soutien. “C’est d’abord la situation de Shenaya qui m’a interpellé. Puis l’apparition de ces tags n’a fait que confirmer la nécessité de mettre un coup d’arrêt à la droitisation de la France et à ces idées xénophobes”, détaille le député.

Loi immigration, montée de l’extrême-droite, les deux jeunes femmes se sont retrouvées en quelques semaines au cœur des débats politiques. Elles, préfèrent rester en retrait. Leur seul objectif : pouvoir enfin construire définitivement leur avenir français.

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