Pompier par vocation et fondateur du festival ODP par passion, Sébastien Lussagnet revient sur une folle aventure qui dure depuis neuf ans déjà. Entretien.
Avec sa cause, l'Oeuvre Des Pupilles Orphelins des pompiers de France (ODP), son lieu, le parc Peixotto à Talence, et sa programmation pop rock, le festival ODP s'est fait une belle place dans l'agenda des festivités de l'été en Gironde. Une réussite collective, 1 000 bénévoles y travaillent sans compter leurs heures pendant quatre jours, mais une réussite aussi individuelle, celle de Sébastien Lussagnet, son fondateur. Entretien avec Monsieur ODP.
Pompier toujours, festivalier 4 jours
Pompier de métier, rien ne destinait sur le papier Sébastien Lussagnet à devenir organisateur de festival. La preuve ? Avant de créer ODP, il n'allait pas dans les festivals ! Aucune chance de tomber sur lui aux Vieilles Charrues, aux Eurockéennes ou au Printemps de Bourges. Mais il a suffi qu'il devienne bénévole au Brive Festival (Lovely Brive Festival dans sa dénomination actuelle) pour rencontrer celui qui allait devenir son ami et son acolyte à ODP : Stéphane Canarias.
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"C'est à Brive, auprès de Stéphane, que j'ai compris comment fonctionnait un festival, quelle en était la mécanique, devant et derrière la scène, précise-t-il. Aujourd'hui, c'est Stéphane qui assure la programmation d'ODP".
Une histoire d'amitié qui s'inscrit dans le temps : la fidélité est une des clés du succès du festival. Si les dates ont été modifiées selon les années entre mai et septembre, deux piliers assurent la pérennité du festival : la cause et le lieu.
Esprit ODP, es-tu là ?
Le festival anime la famille pompier. "La cause nous tient vraiment à cœur, ajoute Sébastien Lussagnet. Sans l'énergie des 1 000 bénévoles, il ne régnerait pas le même esprit de camaraderie et de solidarité."
Et les résultats sont là : depuis sa création, le festival a reversé plus de 300 000€ à l'Oeuvre des Pupilles. Du cash en plus de toute la visibilité qui est donnée à l'association.
Autre marqueur de l'identité du festival : le parc Peixotto de Talence. "On veut garder notre âme, explique Sébastien Lussagnet, nous n'avons pas vocation à partir. Ce site est un cadeau. Il a été créé par Samuel Peixotto pour être un lieu de réception et de festivités. La jauge de 9 000 personnes permet d'organiser un festival à taille humaine. On n'y accueillera jamais Muse ou Coldplay, on est bien d'accord, mais ce n'est pas notre volonté non plus. Nous voulons conserver cette ambiance familiale, cet esprit bon enfant. Nous connaissons notre cadre, qui nous permet de proposer un festival élégant et sécure. Et surtout garder la relation de proximité entre les pompiers, qui assurent une partie de la sécurité et les festivaliers."
Se maintenir d'année en année depuis presque une décennie ne peut que se faire qu'avec une implication sans faille. Faire venir Juliette Armanet, Clara Luciani, Gaëtan Roussel (le parrain), IAM, Véronique Sanson ou Catherine Ringer ne doit rien au hasard.
Pour des milliers de festivaliers, ODP, c'est quatre jours par an. Pour lui, c'est un "gros" mi-temps à l'année, en plus de son métier de pompier, avec une seule vraie coupure au mois d'août. Une activité chronophage certes, mais excitante. Il a toujours autant de plaisir à aller à la caserne, et n'envisage pas de se professionnaliser en tant qu'organisateur de festival. "Si je ne faisais que ça, reconnaît-il, je perdrais ce côté de folie, cette montée d'adrénaline." Pourtant, installer un festival dans la durée relève d'une course d'obstacles. Et le Covid ou une tempête n'en sont qu'un exemple.
Durer : un challenge permanent
Le contexte a changé depuis la première édition. D'abord pour déterminer la programmation. "C'est une chance d'avoir l'Arena Arkea, les Bordelais attendaient depuis longtemps une salle de concert digne de ce nom, mais cela nous complique la tâche. Des artistes qui sont sur la route, capables de faire 11 000 personnes à l'Arena et de refaire 8 ou 9 000 personnes quelque temps après, il n'y en a pas des dizaines. Et il faut tenir compte de la proposition des festivals voisins. Cette année s'annonce très bien et cette bonne nouvelle vient de la billetterie : on a battu notre record de ventes et une soirée est complète depuis déjà deux mois."
L'aspect budgétaire est évidemment aussi une question. " Si on rentrait dans la spirale du "toujours plus", on irait droit dans le mur, explique Sébastien Lussagnet. À prestations égales, on prend 10 à 15 % de frais fixes en plus d'une année sur l'autre. On a été obligé cette année d'en répercuter une partie sur le prix des billets. Il est hors de question que nous perdions de l'argent : nous avons une cause à soutenir. Il est difficile d'être bénéficiaire et nous l'avons été au bout de trois ans. Grâce aux bénévoles, aux partenaires et aux mécènes. ODP, c'est un budget de 1,6 million d'euros et on repart l'année d'après avec entre 3 000 et 5 000 euros sur les comptes."
Un équilibre fragile, que la défection d'un partenaire important ou d'un mécène pourrait remettre en cause. Et Sébastien Lussagnet ne mâche pas ses mots. "Nous sommes au cordeau. Nous avons le soutien de partenaires fidèles et de la mairie de Talence, mais, malgré le fait que nous supportions une cause et que nous proposions du gratuit, nous n'avons plus de subventions de la région et du département. Notre dossier, déposé l'année dernière à la région, est toujours à l'étude et, en septembre, le conseil départemental m'a invité pour me donner une fin de non-recevoir. La répartition des deniers publics, la logique qui consiste à donner beaucoup à certains et rien à d'autres me dépasse. Et me met en colère. Certaines promesses n'ont pas été tenues bien que nous soyons un petit festival qui ne cherche pas à s'agrandir."
Bientôt 10 ans
Si les voyants sont au vert pour cette année, le travail pour l'édition 2025 est déjà entamé. "Nous cherchons à améliorer encore l'expérience "festivalier", à leur faire passer un bon moment. On veille à rester raisonnable sur le prix des boissons, on tient à ce que le public voit bien l'artiste quelle que soit sa place sur le site. Stéphane Canarias travaille sur la programmation : on pose des jalons. On a des idées, des envies. Si on peut faire un "plus", une surprise, pour les 10 ans, on le fera, mais façon ODP : sans prendre de risques et sans se mettre dans le rouge. Le festival nous fait rencontrer des gens fabuleux, c'est magique. Et nous ne voulons pas perdre notre âme."
Souvenirs, envies... Sébastien Lussagnet en video
Le festival ODP aura lieu du 13 au 16 juin. France 3 Nouvelle-Aquitaine est partenaire depuis la toute première édition.
Les places se font rares, mais si vous voulez gagner deux invitations par soirée, répondez au quiz en cliquant ici.
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