Face à l'érosion menaçant les côtes de Nouvelle-Aquitaine, des travaux de stabilisation sont entrepris, mais leur coût élevé suscite des inquiétudes quant à leur financement durable. Le tourisme est menacé et des relocalisations sont envisagées. Scientifiques et politiques s'emparent de cette problématique qui concerne une grande partie du littoral de la région.
(1ʳᵉ publication le 28/03/2024)
Chaque année, l'océan avance sur les terres. Et chaque nouvelle tempête aggrave le phénomène un peu plus. Le constat est alarmant et inéluctable. Certaines communes, comme celle de Lacanau dans le Médoc, est l'une des plus touchées. Plusieurs chantiers sont en cours pour limiter le recul du trait de côte.
À Lacanau, consolidation et renaturation
"Alors oui, il y a le bruit des tractopelles, ce n'est pas agréable, mais c’est important de protéger cet endroit. Moi, je suis retraitée, mais je pense aux vacanciers des congés payés qui viennent ici en été en vacances", réagit une riveraine des travaux de consolidation, qui habite un immeuble proche de la mer.
La ville de Lacanau travaille depuis dix sur le phénomène d'érosion et de gros travaux sont en cours sur plusieurs types de chantiers." Il va falloir relocaliser le poste de secours, les parkings du front de mer et la Maison de la glisse. Et en même temps, on aménage le centre-ville pour une nouvelle mobilité et des espaces "renaturés" en désimperméabilisant les sols, pour rendre à la nature ce qu'elle n'aurait jamais dû quitter", explique le maire Laurent Peyrondet.
Pour Henri Sabarot, président du GIP (Groupement d'intérêt public du littoral), "le combat n'est pas vain". "Une partie du front de mer de Lacanau va être "renaturée", et plus au nord, il sera défendu. Ce combat est à mener.", insiste-t-il.
On sait que la mer va monter et que le trait de côte va encore reculer, c'est important de protéger ce qui est derrière.
Henri SabarotPrésident du GIP
Tourisme menacé
De Bidard dans le Pays basque, aux marais charentais, de l’île d’Oléron à Lacanau, les 900 km de côtes de la Nouvelle-Aquitaine sont couverts par ces stratégies de lutte contre l'érosion.
"Il faut définir une stratégie régionale pour ne pas laisser faire" . Le président de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset a le ton grave en s'adressant à l'assemblée réunie ce mercredi à Lacanau. "La hausse du niveau marin et les tempêtes amplifieront, quoi qu’il arrive, l’érosion côtière, l’intrusion saline et le niveau de submersion et d’inondation, surtout en cas d’évènements extrêmes du type de la tempête Xynthia", a-t-il déclaré. Lors de la tempête Xynthia, en février 2020, le recul a été de quinze mètres.
Le front de mer de Lacanau risque d’être sous les eaux dans 30 ans. L’érosion côtière en cours pourrait affecter 7 000 bâtiments en Nouvelle-Aquitaine.
Alain Rousset,président de la Région Nouvelle-Aquitaine
Ces phénomènes menaceront notamment l’activité touristique littorale, secteur majeur de l’activité économique, avec 49 000 emplois directs.
Un coût chiffré entre 8 et 17 milliards d'euros
"Près de 60 millions d'euros ont été consacrés par la région à ce budget, dont treize millions de crédits européens, précise Alain Rousset. Il y a dix ans que la prise de conscience collective s'est faite dans la région".
"La Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine a chiffré le coût total de l’inaction face au recul du trait de côte : entre 8 et 17 milliards d’euros à l’horizon 2050. Donc anticipons !," poursuit-il. En clair, il faut que l'État mette la main à la poche. Trouver des financements pour accélérer la réalisation des projets
Des maisons de particuliers sont menacées, mais aussi de nombreux campings, qui font le plein tous les étés dans la région. "Aujourd’hui, tous les Français bénéficient de ce littoral, que ce soit pour leurs loisirs et vacances, ou par les produits des activités de pêche, d’ostréiculture, ou encore d’exploitation forestière. La Nouvelle-Aquitaine en appelle donc à la solidarité nationale", a lancé le président de Région. Alain Rousset a également rappelé au ministre de la Transition écologique Christophe Béchu qu’il avait promis l’inscription de crédits dédiés dans le projet de loi de finance 2025, lors de la destruction du bâtiment du Signal (NDLR le Signal est cet immeuble construit face à l'océan à Soulac-sur-mer et qui a dû être évacué puis détruit à cause de l'érosion).
Un comité national pour émettre des propositions
Le préfet de Gironde, présent aussi au colloque, a rappelé que l'état participait à hauteur de 50 % dans les travaux opération trait de côte à Lacanau. "Il y a ensuite une réflexion qui est en cours et l'Etat a saisi le comité national du Trait de côte dirigé par une députée de Gironde, Sophie Panonacle, qui est chargée de faire des propositions", a précisé le préfet Étienne Guyot.
La députée Sophie Panonacle a posté ses propositions sur son compte Facebook.
Qui va payer et à quelle hauteur ? Le rapport du Comité national du Trait de côte servira de base pour établir la future politique de lutte contre l'érosion. Les questions de financement seront alors tranchées sachant que la facture s'annonce déjà très élevée et ne pourra pas être assumée par les seules collectivités locales.