Municipales à Bordeaux : comment les quatre candidats voient le monde de demain

Du jamais vu depuis 1947 sur l’échiquier bordelais : Nicolas Florian, les Républicains, Pierre Hurmic l’écologiste, le marcheur Thomas Cazenave et l’anticapitaliste Philippe Poutou iront au second tour. Décryptage de leur crédo post-Covid19.
 

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Sauf coup de théâtre de dernière minute, le dépôt des listes, fixé du 29 mai au 2 juin, confirmera certainement une quadrangulaire.
Il n’y a pas eu d’alliances, candidats et colistiers nous disent pourquoi.

Nicolas Florian en tête au premier tout

Nicolas Florian, conduit la liste divers droite, arrivée en tête avec 34,56 % des suffrages soit 96 voix de plus que Pierre Hurmic son challenger. L’héritier d’Alain Juppé qui a continué d’administrer la cité en pleine crise du Coronavirus aura cependant un vrai défi à relever puisque depuis plus de 70 ans il n’y a jamais eu de deuxième tour à Bordeaux.
A la question : y a-t-il un avant et un après crise sanitaire, le maire actuel, faisant valoir que le temps de la campagne n’est pas encore là, son premier adjoint et colistier Fabien Robert répond.

Oui Il y a un avant et un après, nous avons repriorisé notre programme : économie, alimentation, santé, nous voulons aller plus vite.  

Si la crise a révélé l’importance de certains secteurs, Fabien Robert ne manque pas d’insister sur la réactivité de l’équipe municipale en place. "Pour l’alimentaire par exemple, nous avons fait bouger les lignes. Des agriculteurs sont venus dans le centre de Bordeaux, des partenariats ont été crées avec les quartiers, nous avons encouragé de nouveaux modes de consommation."  L’équipe municipale a donc un nouvel objectif : faire en sorte que cela dure.   

Autre changement pour Fabien Robert, la santé qui n’est pourtant pas une compétence municipale mais l’élu fait valoir un changement de doctrine. " Jamais nous n’aurions imaginé devoir doter les habitants d’un outil sanitaire le masque. Nous l’avons fait avec le CHU et l’ARS." Il enchaîne :

Ce type de virus peut revenir. Par conséquent, nous devons nous impliquer davantage dans la santé. Cela passe par le maillage des professionnels avec l’installation de pôles de santé supplémentaires. Il faudra aussi que l’on soit capable de redéployer les outils actuels : centres de dépistages, masques, gels.
Fabien Robert - Premier adjoint au maire de Bordeaux -

Mais l’axe primordial, c’est maintenant la relance de l’économie. "  Nous allons vivre à partir de l’automne une crise sociale majeure. Au niveau municipal, nous y travaillons déjà : exonération des taxes pour les restaurateurs, création d’un fonds d’urgence métropolitain pour les petites entreprises, nouveau dispositif de prêts, redonner son attractivité à la ville pour faire repartir le tourisme."

Y a-t-il eu discussion pour une alliance?

Dans ce contexte l’élu Modem estime que les cartes sont rebattues, l’heure n’étant plus aux négociations. " Nous sommes dans notre couloir, nous n’avons pas voulu courir derrière une alliance. Nous voulons au contraire que cette élection soit un rassemblement. "

On l’aura compris. L’équipe veut montrer qu’elle travaille et que le jeu politicien et la campagne électorale restent secondaires. Il précise que celle-ci sera courte et sobre. " Il n’y aura ni porte à porte ni rencontres physiques.  Nous utiliserons le numérique, le téléphonique et le médiatique."

Pierre Hurmic le second du premier tour

Pierre Hurmic consolide son socle et ses fondamentaux : environnement et santé plus que jamais d’actualité doublée d’une politique économique moderne.  Arrivé second avec 34,38% des voix, on aurait pu penser que Pierre Hurmic le leader de « Bordeaux respire » s’était mis au vert pendant le confinement tant il s’est fait discret en dehors des réseaux mais il rectifie aussitôt. " Nous avons fait le choix de suspendre la campagne par décence et cohérence. Nous avons travaillé, nous n’avons pas communiqué. Je regrette à ce titre la sur-communication du maire tout au long du confinement avec en prime un publi-reportage distribué dans toutes les boîtes aux lettres. Une propagande qu’il fallait oser, il n’a pas hésité."

Stop à une future agglo trop peuplée, garder les zones vertes pour la santé de tous

Avec cette crise, la tête de la liste Union de la gauche en a l’intime conviction, leur projet va dans le sens de l’histoire, pour preuve leur slogan prémonitoire. " Le monde change, changeons Bordeaux " et il ajoute :

En 2 mois, on ne pensait pas que le monde changerait autant. 
Pierre Hurmic - Bordeaux Respire -

Les drames humains que la crise a produits prouvent selon lui que santé et environnement sont indissociables. Alors pas question pour ce chef de file de toucher aux fondamentaux du programme : " Nous n’accepterons plus aucune artificialisation des sols, on ne doit plus construire sur nos terres naturelles. Les origines de cette crise ont montré que la nature a été victime de la prédation des hommes. Nous disons stop à cette agglomération millionnaire souhaitée par nos rivaux. Il faut mettre un frein à une métropole qui se déploie au détriment des territoires environnants et des citoyens. "

Plancher sur la santé mais aussi le logement. " Nous avons travaillé davantage encore sur la question du logement et cela tombe bien car la crise a fait émerger de nouvelles pauvretés. Or Bordeaux compte 11 000 logements vacants, nous comptons essayer de mobiliser sur ces habitats inoccupés. Nous serons présents pour aider les Bordelais en difficulté. "
Pour cela le candidat peut compter sur ses colistiers dont certains ont l’expertise de l’aide aux personnes précaires, âgées, fragiles. Un programme qui ira encore plus loin en matière de politique économique responsable.

Sur la forme, le caractère inédit de cette campagne a conduit l’équipe de Pierre Hurmic à imaginer des actions très innovantes, sur les réseaux sociaux notamment. " Nous avons une « écologirl » très populaire. Le numérique sera au rendez-vous mais pas uniquement car les Bordelais ne sont pas tous dotés d’outils informatiques. " précise-t-il.

Son objectif : combattre l’abstention sans alliance. " Nous ferons du terrain, en respectant les gestes protecteurs, afin d’aller chercher les abstentionnistes. Il y a eu 63% d’abstentions à Bordeaux, c’est plus que la moyenne nationale. Nous devons combattre cet adversaire et retrouver les 18-34 ans qui nous sont traditionnellement favorables, ils sont les acteurs de demain" . Et si les voix des deux outsiders lui serait bien utiles, Pierre Hurmic avait de toutes façons averti dès le premier tour il n’était pas pour des discussions d’appareils. Quant à une alliance qui aurait pu exister entre LR et LREM il souligne : " Après tout ce que Thomas Cazenave a dit sur Nicolas Florian, cela me paraissait peu probable même si Nicolas Florian l’a beaucoup cajolé."

Porter une vision qu’ils sont les seuls à proposer

Il va sans dire que les 12,69%  des voix de la liste de La République En Marche «Renouveau Bordeaux» étaient très convoitées. Mais Thomas Cazenave sera au second tour. L’ancien Secrétaire Général Adjoint à la Présidence de la République originaire de Bordeaux a renoncé à tout désistement pour mener à bien son projet, "  Celui d’une ville des quartiers et d’une métropole renforcée. Nous voulons porter cette vision." 

Le porte parole de «Renouveau Bordeaux» et colistier de Thomas Cazenave, Aziz Skalli, justifie ce choix.

Avoir une proximité de quartiers encore plus grande
Depuis le premier tour nous n’avons pas cessé de travailler pour cela. La crise nous a donné raison, il faut transformer la ville et passer de 8 à 16 quartiers : la proximité avant tout.

Aziz Skalli - porte-parole de " Renouveau Bordeaux " -

Pour « Renouveau Bordeaux », la priorité est d’accompagner au plus près les besoins de chacun : familles, commerces, scolaires en terme de services publics : " Il faut revoir cette micro maille de quartier pour aller au devant du citoyen, ce n’est pas à lui de venir à la ville. "

Avoir un axe métropole encore plus fort

La décentralisation est devenue un impératif. Un milliard d’euros seront sur la table. Pour les Marcheurs, la relance économique s’impose très rapidement pour l’aéronautique, le tourisme et la viticulture qui ont été très impactés.
ziz Skalli explique que désormais il faut accélérer ce plan choc. "C’est un milliard qui seront mis sur la table pour les 2 années à venir". Autre priorité émergente : "  Nous voulons entrer dans le capital des entreprises stratégiques, pour les renforcer. Nous voulons renationaliser les industries autour de la santé. La crise a montré l’importance d’avoir des capacités de production autonomes. La métropole a le tissu qu’il faut. " 
Réindustrialiser et soutenir l’économie locale font partie des pistes de travail.

Nous avons ici tous les acteurs locaux, des entreprises aux chercheurs universitaires, il faut s’adosser à ces forces.
Aziz Skalli - porte-parole de " Renouveau Bordeaux " -

Mais ce n’est pas tout. Les Marcheurs proposent également un chèque de 50 euros qui servira à rebooster l’économie locale.

La campagne est déjà en marche, le référent est clair. " Nous ne jouons pas sur l’ambiguïté comme certains, il est évident que le travail a commencé. Pour nous, l’enjeu c’est l’abstention et nous allons tout faire pour rassurer les électeurs."
ziz Skalli n’écarte pas le recours aux vieilles méthodes comme le phoning, moins de papier, plus de discours à distance en plus, bien sûr du numérique. « Renouveau Bordeaux » part donc seul. Une alliance, il n’en aurait pas été  question.

Nos deux compétiteurs ne nous ont pas sollicités. Quoiqu’il en soit, aucun d’eux ne propose ce choix politique. L’enjeu du maillage de proximité et la vision de la Métropole n’intéressent pas Nicolas Florian, Pierre Hurmic ne pense qu’à l’Environnement. Pour ce qui est de Philippe Poutou, nous sommes trop loin de son projet.

Philippe Poutou : l’autre outsider de cette élection


C'est un candidat devenu très populaire depuis 2017 et l'élection présidentielle à laquelle il a participé. Il est entré dans cette campagne en faisant liste commune avec la France insoumise et en créant la surprise. Philippe Poutou a totalisé 11,77% des voix et a choisi de se maintenir.

Le candidat NPA constate que cette crise a tout « chamboulé » mais sur le fond ses convictions restent intactes car Bordeaux ne fait pas exception à la conjoncture générale : "  Cette crise sanitaire n’est pas seulement celle d’une épidémie. Elle est aussi ou surtout celle d’une société incapable de répondre aux urgences humaines et sociales avec pour conséquence la brutalité dans la gestion d’une situation (confinement de toutes les populations en 48 heures, autorisations de sorties et verbalisations), l’émergence des inégalités et la confiscation de la démocratie".
Bordeaux est une ville populaire. Ce n’est pas une ville bourgeoise, l’ancien syndicaliste mise aujourd’hui sur une politique de rupture.

La crise a tout simplement renforcée les ambitions d’un programme qui propose une transformation sociale et économique éminente.

Cela passe par l’implantation de vrais services publics de proximité dans toute la ville, la gratuité des transports publics, une démocratie directe avec des conseils de quartiers pour que les habitants décident ensemble de leur vie, des priorités, des choix. 
Philippe Poutou - " Bordeaux en luttes "

Philippe Poutou pointe du doigt une autre priorité structurelle. "Notre volonté est de stopper la spéculation et la boulimie immobilière et d’introduire une agriculture paysanne dans l’agglomération pour une écologie radicale. Nous voulons rompre avec ce qu’a fait la droite dans cette ville pendant 70 ans. Bordeaux est une ville populaire plus que bourgeoise. Le clivage réel n’est pas tant droite gauche, il est social entre deux bordeaux."

Une campagne en mode dégradée, « Bordeaux en luttes » estime ne pas pouvoir lutter à armes égales.

Philippe Poutou ne s’en cache pas, dans cette conjoncture la campagne sera « inégalitaire ». Il s’en explique.
" Florian a l’avantage que confère le pouvoir, les réseaux, l’argent…sans parler des connivences avec les médias bien réelles, on a pu en avoir un bel exemple entre l’équipe juppéiste et la direction du journal Sud Ouest." Il ajoute : " Florian pourra se vanter d’avoir agi pendant que les autres été coincés chez eux à travailler sans autorisation de sortir. C’est pour cela qu’il est pressé d’en finir avec l’élection, son moment c’est juin, il ne faut pas laisser le temps aux gens de digérer, réfléchir et faire la part des choses."

Adepte des échanges et de la convivialité, la liste de « Bordeaux en luttes » s’attend à une campagne difficile :

On ne  pourra pas faire la campagne que nous souhaitons : les  marchés, les discussions, les réunions publiques; on va se perfectionner dans l’utilisation des réseaux sociaux, on fera des émissions régulières et une campagne d’affichage dans les rues, on tentera quand même des rencontres.
Philippe Poutou - " Bordeaux en luttes "

Quand à la question de l’absence d’alliance, la réponse est tranchée : " Pour Hurmic, quelques EELV, ses amis du PS, il n’y a aucune place pour le compromis, pour un accord d’unité. Depuis le début, nous avons dit clairement que la fusion était inenvisageable. Même si entre militant.es des 2 listes, il y a des aspirations communes, sur le fond nos programmes ne sont pas les mêmes."  

Quatre candidats pour un seul fauteuil au Palais Rohan. Le coup d’envoi officiel de la campagne sera donné le 15 Juin, le suspens prendra fin le soir du 28 Juin.     
 
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