Après la grêle qui s’est abattue jeudi 11 juillet, sur la commune de Sauveterre-de-Guyenne jusqu’à Duras, l’heure est au bilan pour les viticulteurs. Certains ont perdu 80 % de la récolte. Ces nouvelles intempéries fragilisent encore un peu plus un secteur déjà en grande difficulté.
Les dégâts sont par endroits considérables. L’orage qui a touché cette terre de l’Entre-Deux-Mers a laissé des traces et les vignes n’avaient pas besoin de ce nouvel épisode. Jean-Paul Souan est propriétaire de 32 hectares, exploités par son fils. Des grêlons gros comme des balles de ping-pong ont ravagé sa récolte.
"Nous sommes sur deux exploitations différentes. Une sur la commune de Saint-Léger, l’autre à Saint-Romain. Tout est touché, déplore-t-il. Je compte entre 50 et 80 % de pertes."
Ses locaux endommagés
Et le bilan ne s’arrête pas là. La grêle a aussi endommagé le hangar agricole de 400 mètres carrés. "On peut refaire la toiture, les grêlons ont percé le toit", peste le viticulteur. L’orage a été bref, mais d’une grande intensité. Dix minutes ont suffi à mettre en péril le travail d’une année. "Les grappes sont éclatées, elles sont par terre, c’est fini", ajoute-t-il, des trémolos dans la voix.
Orage de grêle hier soir à Sauveterre. Nous avons été littéralement bombardés ! Les grêlons étaient de la taille d’une balle de golf. Les vitres de la cuisine ont explosé. Nos parcelles de vignes sont touchées. Entre 20% et 50% de pertes de récolte. pic.twitter.com/DosgMJ764t
— Yves d'Amécourt 🇫🇷 (@yvesdamecourt) July 12, 2024
Même constat de désolation chez l'ancien maire de Sauveterre-de-Guyenne et viticulteur, Yves d’Amécourt. Il estime avoir entre 20 et 50 % de dégâts sur ses parcelles. "C’était très impressionnant, car les grêlons étaient très gros. Ils arrivaient verticalement de l’ouest. Ça a cassé aussi les vitres de notre cuisine par exemple. On a eu des bouts de verre partout."
Nous ne sommes pas passés au travers, on était sous le robinet !
Yves d’Amécourtancien maire de Sauveterre-de-Guyenne et viticulteur
L'ex-élu a vécu des orages, mais celui-ci est surement de trop. "On a connu pire en 2014. À l’époque, on avait perdu 80 % de la récolte à Bergerac où l’on a une petite vigne. Mais cette année, ça s’accumule. On a perdu 100 % de la récolte le 5 mai dernier en Dordogne. Aujourd’hui c’est ici !"
Sauver ce qui est encore possible de l’être
Après ces nouvelles intempéries, c'est une autre course contre-la-montre qui débute. Il s’agit de sauver ce qui peut encore l’être pour les prochaines vendanges. Les viticulteurs s’apprêtent à passer dans les vignes un produit cicatrisant afin de protéger les feuilles et les raisins de la maladie. Encore faut-il que la pluie cesse de tomber.
"C’est ce que nous allons engager dès ce week-end", explique Yves d’Amécourt. Il y a la peste qui veille ! Si le mildiou se met dans les plaies, alors là, les pertes seront bien supérieures."
Cette année, la pression du champignon sur la vigne a été précoce. Les viticulteurs ont dépensé beaucoup d’énergie et d’argent pour le contenir. "Nous, on a déjà fait deux traitements pour plus de 5 000 €, détaille Jean-Paul Souan. Avec ce qui nous arrive, on se pose la question de savoir comment on va payer. Si on n’a pas d’échelonnement, on peut déposer le bilan."
Les nuages s'amoncellent au-dessus de la filière viticole
"Le problème, c'est l'accumulation. Autrefois, on avait un aléa climatique tous les dix ans. Aujourd’hui, depuis dix ans, on en a déjà eu sept ou huit", pointe Yves d’Amécourt.
L’ancien responsable syndical dénonce des difficultés insurmontables pour le secteur, déjà confronté à la mévente de ses vins, à une baisse de la consommation et à un plan d’arrachage. La région de l’Entre-deux-Mers est la plus touchée du vignoble bordelais par la surproduction de rouges comme de blancs.
Les intempéries sont la goutte de trop. "Les assurances ne marchent pas ! Les seules choses qui soient assurées sur mon exploitation, c'est ma tête, alors après, il ne faut pas s’étonner s'il y a des agriculteurs qui décident de mettre fin à leur jour", lâche Yves d'Amécourt.
La seule façon que j’ai aujourd’hui de payer mes dettes, c’est de mettre fin à mes jours, car les assurances contre la grêle ne fonctionnent pas. Ça fait dix ans que les politiques se penchent sur le sujet après un orage, et après, ils oublient.
Yves d'Amécourtancien maire de Sauveterre-de-Guyenne et viticulteur
Le viticulteur alerte sur le manque de trésoreries dans les exploitations, ce qui conduit à des situations financières périlleuses. "Quand vous avez une belle récolte et que vous avez des prix rémunérateurs, on vous prend 80 % de vos revenus pour les impôts et charges sociales, illustre-t-il. Et si l’année d’après, vous perdez votre récolte, vous n’avez que vos yeux pour pleurer."
"Un hectare de vignes, c'est 10 000 euros de charges"
Et de rappeler l’importance des sommes en jeu. "Un hectare de vigne, c’est 10 000 euros de charges. Donc quand vous perdez votre récolte et que vous avez 30 hectares, vous perdez 300 000 euros !"
Entre les rangs de vignes, le découragement est palpable. Pour le maire de la commune, la priorité et l’urgence pour l’instant sont la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle afin "que soit reconnu la violence de l’épisode de grêle vécu, qui a dévasté de nombreuses parcelles".
Le maire actuel de la commune, Christophe Miqueu, doit adresser un courrier au préfet de Gironde. "L’enjeu est que les viticulteurs puissent être indemnisés des pertes causées par cette catastrophe, indique-t-il. Cela permettra aussi aux particuliers, entreprises et administrations d’être indemnisés pour les dégâts constatés."