La hache de guerre est déterrée entre les détracteurs de l’hydroxychloroquine et le professeur Raoult. Dans une tribune du Monde, le Mathieu Molimard, professeur de pharmacologie au CHU de Bordeaux, fustige les tests sauvages et grandeur nature, menés par le professeur Raoult lors de l’épidémie de Covid-19.
Après un premier round en pleine épidémie de Covid-19, le combat reprend au sein même du corps médical. D'un côté, les pro Remdesivir, un médicament antiviral, de l'autre, les expérimentateurs de l'IHU de Marseille, dont le Professeur Didier Raoult est le chef de file. Les premiers ont publié une tribune ce dimanche 28 mai dans le journal le Monde, pour dénoncer l'absence de réaction des institutions, après les essais cliniques, sans cadre juridique, menés par les seconds. Parmi les signataires, le professeur Mathieu Molimard, chef du service pharmacologie au CHU de Bordeaux.
Une pratique illégale
"Avec 16 organisations médicales, sociétés savantes et organisations en charge de la recherche, nous dénonçons des pratiques qui ont abouti à faire exposer 30 000 patients, bien en dehors de tout cadre légal, à de l’hydroxychloroquine et de la Zytromycine. Et ce, bien au-delà des moments où on pouvait avoir un doute quant à son efficacité, déclare le professeur Mathieu Molimard interrogé par France 3 Aquitaine.
Le Cortège de scientifiques, signataire de la tribune, attaque le fait que les tests aient été pratiqués après que la preuve de l'inefficacité et la dangerosité de la méthode a été apportée.
"On a exposé les patients à un risque, sans avoir de bénéfice, alors qu’on savait que ces produits étaient inefficaces.
En dehors de tout cadre légal, en dehors de l’autorisation de mise sur le marché, en dehors des règles des essais cliniques, qui imposent que, lorsqu’on teste un médicament, on doit faire appel à des comités de protection, à des personnes qui sont indépendantes et à des autorisations de l’agence du médicament", poursuit le médecin.
"C’est de la mauvaise science"
"Ces demandes auraient été refusées, car elles n’étaient pas éthiques" continue le pharmacologue. Parce que c’est bien la méthode scientifique de l’étude menée par le professeur Raoult qui est également attaquée. En s'intéressant à la cohorte, les scientifiques de la tribune dénoncent un manque de rigueur évident.
"On ne pouvait rien conclure après avoir exposé 30 000 personnes à ce traitement, parce qu'on a proposé ce traitement à tout le monde" expose Mathieu Molimard.
" Et ceux qui n’ont pas pu prendre ce traitement avaient une contre-indication à l’hydroxychloroquine, parce qu’ils étaient plus âgés ou qu’ils avaient une atteinte cardiaque pour laquelle l’hydroxychloroquine est contre-indiquée".
On compare des gens jeunes, en bonne santé, à des personnes âgées et cardiaques. Donc on ne peut pas conclure que c’est l’hydroxychloroquine qui fait de l’effet !
Professeur Mathieu Molimard,à France 3 Aquitaine
Pourquoi cette tribune maintenant ?
Les publications de cette étude ont été postées sur Internet il y a près de deux mois, sur un site que l'on appelle de preprint, dans le jargon scientifique. C'est-à-dire un site qui ne requiert pas de validation d'une revue scientifique. Il aura fallu, pour que les scientifiques réagissent, qu'ils découvrent l'existence de ces données.
"Nous avons découvert en avril 2023 que des patients avaient été traités jusqu’en 2021 par de l’hydroxychloroquine. Il ne s'agit pas de un, deux ou trois patients, mais de 30 000.", reprend le professeur bordelais, toujours estomaqué par cette découverte.
On pensait que ça, c'était arrêté en 2020, mais ça a continué toute l’année 2021… plus de 20000 personnes ont été exposées à ce traitement alors qu’on savait pertinemment qu’il était inefficace, voire dangereux.
Mathieu Molimard, Pharmacologue au CHU de BordeauxFTV
Le Pr Raoult dénonce une "tribune d'imbéciles"
Une "tribune d'imbéciles", a réagi auprès de franceinfo le professeur Didier Raoult. "Que les autorités de santé viennent faire leur enquête sur l'hydroxychloroquine", poursuit-il, estimant que son protocole fonctionne, et que les études internationales ont été "truquées". Il assure que les équipes de l'IHU ont d'abord soigné. Il affirme également que les études cliniques publiées ou en voie de l'être sont "un travail rétrospectif".
"Quand on n'a pas d’arguments scientifiques, on peut insulter les gens, mais je ne rentrerai pas dans ce jeu-là" conclut Mathieu Molimard.
Le professeur Raoult a des compétences en micro bio, mais manifestement, il lui manque quelques compétences en essais cliniques et en éthique de la recherche.
Mathieu Molimard, Pharmacologue au CHU de BordeauxFTV
"L'inaction n'est plus une option "
Les signataires de la tribune appellent les pouvoirs publics à réagir afin d'estomper le discrédit dont les scientifiques ont été la cible.
En l'absence de mesures appropriées, ce qui s'est pratiqué restera ainsi perçu par un grand nombre de nos concitoyens comme un comportement finalement acceptable, voire souhaitable, et sèmera un doute qui ne pourra avoir qu'un effet dramatique sur la participation des patients à la recherche
Signataires au nom d'organisations impliquées dans la recherche médicaleLe Monde
Mathieu Molimard insiste sur l'idée que les pouvoirs publics prennent la mesure de ce qui s'est joué avec cette étude hors cadre légal et sanctionne les auteurs de celle-ci. Sans présumer de la forme que ces dernières pourraient prendre : "Ce n’est pas à nous de définir les sanctions", précise-t-il.