Réforme des retraites : artisans et professionnels de santé évoquent la pénibilité de leur travail

C’est la réforme sur laquelle tout le monde a son avis, concerné directement par ses mesures ou tout simplement intéressé par ses retombées. Aux annonces faites dès ce début d’année 2023, des artisans ou professionnels de santé répondent en évoquant la fatigue, la pénibilité de leur quotidien et les maladies qui en découlent.

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Quotidiennement, elle prend les rendez-vous des clients, fait des balayages, des teintures et coupe les cheveux… toujours debout. Christelle Manson est responsable de son salon de coiffure à Mont-de-Marsan. Cette femme qui a commencé sa carrière à 15 ans appréhende déjà. "Quand on a commencé très tôt comme moi avec l’apprentissage, ça va être très dur".

 "Dans les gestes du quotidien, dans les postures. On est debout de 9h du matin jusqu’à 10h le soir, pas le temps d’aller manger, pas le temps d’aller aux toilettes. On a des métiers fatigants."

Elle s’estime cependant chanceuse, car pour l’instant, elle n’a pas encore de douleurs aux mains comme la plupart de ses consœurs. Parce que, dit-elle, la plupart des coiffeuses prennent des médicaments pour la circulation sanguine, le mal de dos ou les problèmes liés au canal carpien.
Elle évoque même le sort d'une amie qui ne peut plus travailler à cause de ses douleurs aux bras

Elle pense également aux jeunes générations qui seront plus encore dans la difficulté avec des mensualités minimes.  "Il faut se la préparer sa retraite. Il faut commencer tôt" « Dès qu’on a des enfants, il faut leur dire "prépare, prépare [la retraite]." 

Il faut pousser les jeunes à y réfléchir tôt.

Christelle Masson - coiffeuse à Mont-de-Marsan, Landes

Un quotidien dur et des douleurs

Quotidiennement, lui se courbe, porte de lourdes charges et inhale des poussières de matériaux. Stéphane Sanchez, 56 ans, est maçon multitâche et en maladie professionnelle.

À 56 ans, il est déjà reconnu en maladie professionnelle pour des douleurs aux genoux induites par les positions qu'il doit prendre dans le cadre de son métier, un mal rebaptisé "la maladie du carreleur". 

Et lorsqu'on évoque la réforme des retraites, c'est la colère qui l'anime « J’ai commencé à 15 ans et demi, j’ai 56 ans, j’ai des problèmes de santé, et il faut que je fasse 2 ans de plus. avec nos métiers durs, pénibles où on respire des poussières nauséabondes, vous vous rendez compte ?".

Car lorsqu'il évoque son quotidien, celui-ci commence inexorablement de la même manière :

Tous les matins, mon premier geste, c'est de prendre un cachet contre la douleur, et je ne suis pas le seul cas dans le bâtiment, et on nous demande de faire 2 ans de plus. C’est ça le progrès social ?

Stéphane Sanchez - maçon

Parce qu'en plus de ses genoux, ses poumons peinent également. Arrêté trois semaines pour un décollement de la plèvre, il est questionné récemment par son médecin sur son usage de substances amiantées. Il nous confie que s'il avait su à quel point sa santé serait dégradée, il n'aurait jamais fait ce métier.

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{} ©France télévisions

"La fatigue est physique et mentale" pour les professionnels de santé

Joëlle Dufau est infirmière à domicile depuis 1999. Douze à quinze heures par jour, elle sillonne la métropole bordelaise afin de faire la tournée des patients dont elle a la charge. "Je suis censée partir à la retraite à 60 ans, j’ai tous mes trimestres, mais je n’aurai pas l’âge légal de la retraite, donc normalement, c'est 62 ans. Mais avec la nouvelle réforme, ce sera 63 et 8 mois, ce qui, autant vous dire, ne me plait pas du tout du tout" 

Et lorsqu'on lui parle d'un départ à 65 ans, elle réplique cinglante « Ah non, je ne m’en sens pas capable, sincèrement, physiquement, je ne m’en sens pas capable", avant d'ajouter  "Déjà, je suis obligée de baisser un peu mon rythme de travail... Parce que j’ai 57 ans et je suis déjà fatiguée ».

À lui demander si la physique est mentale ou physique, elle répond "les deux". "Il y a physiquement le matin : beaucoup de voiture, beaucoup de charges lourdes" en évoquant les douches et les lever de personnes âgées devenues dépendantes d’assistance physique. Et à cela s’ajoute le reste et la fatigue psychologique.

On a une charge mentale énorme, gérer tout ce qui est relationnel avec le patient, avec les médecins et la famille.

Joëlle Dufau - infirmière libérale

Et précise-t-elle, le temps qu’elle passe auprès des patients, elle le double chez elle en devant traiter les feuilles de soin et le reste de l’administratif.

Laurence, elle, sait déjà qu’elle doit travailler encore 12 ans. Elle est aide-soignante dans un Ephad au Bouscat

Quand Laurence Maillard effectue les gestes, avec une autre aide-soignante, pour soulever un vieux monsieur à l’aide d’un palan afin de l’aliter dans sa chambre, elle souffle de l’effort qu’elle doit fournir pour orienter la machine à la force des bras. Nous lui demandons combien de temps elle pense encore pouvoir le faire, elle répond "le moins longtemps possible, j’ai déjà toutes les articulations usées", " au-delà de 60 ans, c'est quasiment impossible.  Malgré le matériel, nous sommes obligées de forcer sur le dos, les articulations"

Jérémy, autre professionnel de la santé, est brancardier au CHU Pellegrin à Bordeaux. "La pénibilité a bien été mise en relief par le COVID, qui a d’ailleurs enkysté la crise de vocation des soignants"  Les emplois du temps de jour et de nuit notamment. 

"On fait entre 10 et 15km par jour et on pousse 4 à 5 tonnes par jour si on met toutes nos charges bout à bout. À cela, il faut ajouter les repositionnements de patients, qu’il faut faire dans de bonnes conditions, car on fait dans l’humain".

"Quand je vois mes collègues à 60 ans, je me demande comment je ferai à 62 ans.

Jérémy, brancardier au CHU de Bordeaux

Mais c'est moins sa situation personnelle qui l'inquiète que l'avenir global de la profession.  "Comment faire venir les nouveaux, et moins on a de monde, plus c’est difficile." dit-il déjà échaudé par le recul pris sur le grenelle de la santé, "ce ne sont pas des nouvelles réjouissantes".

Les témoignages de ces professionnels de santé à retrouver dans ce reportage réalisé par Victor Gascouat et Pauline Juvigny.

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{} ©France télévisions

 

Les commerçants aussi

Sur le marché de Pessac, près de Bordeaux, les badauds croisent les commerçants levés à l’aube. Comme ce fromager, présent par tous les temps pour porter et installer sa lourde marchandise sur son stand.

Une pénibilité qui ne l’empêche pas de badiner avec ses clients. Au contraire même, car il sait déjà que la retraite n’est pas pour tout de suite, alors autant prendre les choses du bon côté.

On va travailler jusqu’à la fin. En tant que commerçants, on va travailler jusqu’à 70 ans.

Un commerçant sur le marché de Pessac en Gironde

France3 Aquitaine

Et même s'il n’est pas d’accord avec le principe, il en prend son parti en faisant rire sa cliente : "Ma femme, elle va faire la gueule, mais moi, je n’aurai pas le choix".

Dans les allées, une jeune retraitée a, elle aussi, son avis par dépit : la retraite ne l’intéresse pas du tout. "Compte tenu de ce que je touche actuellement, je ne me suis pas intéressée au futur ".

Et lorsqu’on lui demande comment elle l’aurait pris si elle avait dû travailler plus longtemps, la réponse tombe comme un couperet. "Ah non, je ne l’aurai pas fait, car j’ai eu un métier très pénible, j’étais coiffeuse".

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