Six hommes de 24 à 33 ans étaient jugés à Bordeaux pour l'agression en juillet 2022 de Pierre Le Camus, un ancien candidat RN aux élections législatives, à une terrasse de café. Ce mardi 6 juin, le tribunal correctionnel a condamné cinq d’entre eux à un an de prison ferme et relaxé le sixième prévenu.
Contrairement au ministère public qui avait demandé une peine plus lourde pour le principal suspect, le tribunal correctionnel n’a pas fait de distinction.
Quatre hommes sont donc condamnés à quatre ans de prison, dont trois ans avec sursis pendant 24 mois. La peine est aménageable. Les prévenus seront en détention à domicile sous surveillance électronique. Le sixième homme a été relaxé, faute d’éléments à charge prouvant sa participation.
Dans cette affaire, la justice a estimé qu’il y avait bien une action collective et concertée sur des personnes préalablement identifiées.
Les vidéos projetées à l’audience montrent une scène d’une violence éclair. Dans la nuit du 8 au 9 juillet 2002, une vague d’une trentaine d’individus déferle sur la terrasse d’un café du quartier Gambetta à Bordeaux, et s’en prend à Pierre Le Camus, responsable RN des "Jeunes avec Marine" et candidat RN aux dernières élections législatives. Son frère, Thomas et un de leurs amis, sont aussi pris pour cible.
"Bordeaux Antifa"
"Deux personnes se sont approchées et ont commencé à avoir une attitude menaçante à notre égard, " raconte le militant, qui affirme avoir été reconnu par ces hommes qui ont commencé à les frapper. La situation aurait alors rapidement dégénéré. Après de premiers échanges de coups, une trentaine d’individus s'étaient alors joints à la bagarre, jetant des verres et des chaises jusque dans l'établissement, avant de s'enfuir. Des actes violents, ponctués par des slogans, "la rue est à nous" et "Bordeaux Bordeaux Antifa", ce qu'a confirmé une vidéo diffusée à l'audience. Pierre Le Camus avait alors dénoncé une agression à caractère politique.
Les six prévenus réfutent l’étiquette Antifa
Devant le tribunal correctionnel, les six prévenus qui sont jugés pour des violences en réunion et avec arme par destination, nient faire partie de cette ultragauche. " Moi, la politique, je n'en ai rien à faire" déclare l’un d’eux.
Une version soutenue par leur avocat, Maître Hubert Hazera. "On veut absolument faire de ce procès, un procès politique, mais ça n’en est pas un. Ce sont des Ultramarines. On veut absolument les affilier aux Antifas, parce que ça fait le jeu du Rassemblement national".
Proches des Ultramarines des Girondins de Bordeaux
Les six prévenus reconnaissent être membres des Ultramarines, cette association de supporters des Girondins de Bordeaux, marquée à gauche. Mais à la barre, tous ont expliqué être ivres ce soir-là, et avoir suivi un mouvement de foule qui a tourné à la bagarre générale, sans en connaître les raisons ni les motivations. "J’étais alcoolisé, je suis rentré dans la bagarre, point barre ! dira l'un d'eux.
Selon l'avocat de la défense, la bagarre aurait initialement éclaté entre des personnes qui ne figurent pas parmi les prévenus et le groupe de monsieur Le Camus qui tenait des propos "ostentatoirement racistes et homophobes".
Démêler le faux du vrai. S’agit-il d’un règlement de compte, en représailles à des violences commises deux semaines plus tôt par des membres du groupuscule Bordeaux Nationaliste, d’une attaque ciblée envers un membre du parti de Marine le Pen, ou d’une simple bagarre ?
Le RN demande la dissolution du groupe Ultramarines
Pierre Le Camus, qui campe sur ses positions, parle d’une expédition punitive. Lundi 5 juin, au premier jour de ce procès, il était soutenu par les députés RN de Gironde Edwige Diaz et Grégoire de Fournas, présents à l’audience.
"Ce n’est pas la première fois que les Ultramarines se distinguent par leur activisme, particulièrement violent et particulièrement radicalisé. Avec Grégoire de Fournas, nous avons interpellé Monsieur Darmanin, le ministre de l’Intérieur pour lui demander la dissolution des Ultramarines " annonce la députée de Gironde et vice-présidente du Rassemblement National.
"À partir du moment où Gérald Darmanin dissout des groupes d’ultradroite sur Bordeaux, il semble logique qu’il en fasse de même pour l’ultragauche", poursuit Grégoire de Fournas.
"C'est pour Saint-Michel"
Des témoins ont rapporté avoir entendu cette nuit-là, "c'est pour Saint-Michel". Allusion à une rixe survenue quelques jours plus tôt, le 25 juin dans le quartier du même nom à Bordeaux. Un dossier pour lequel huit personnes proches de l'ultradroite ont été condamnées en mai 2023 à des peines de prison ferme pour des faits de violences aggravées à caractère raciste et à outrage sexiste. Certains étaient membres du groupuscule Bordeaux Nationaliste, dissous en février 2023. Les six assaillants présumés affirment ne rien avoir à faire avec cette autre affaire. "J’ai vu des amis à moi se battre, je suis allé naturellement et bêtement les défendre ".
Sur une meute, tous les individus ne sont pas animés par la même intention !
Me Hubert Hazera, avocat de la défense,France3 Aquitaine
Au deuxième et dernier jour d’audience, lors de sa plaidoirie, Maitre Hazera a demandé au tribunal de ne pas prêter, aux agissements de ses clients, une dimension politique. "Souvenez-vous qu’il y avait 30 à 40 personnes, et vous n’en avez que six. Sur une meute, tous les individus ne sont pas animés par la même intention".
Les réquisitions : prison ferme avec sursis
Lors de son réquisitoire, le ministère public a fait part de sa conviction. Selon lui, il s’agit bien d’une expédition punitive dans laquelle tout le groupe s’est lancé "pour venger Saint Michel". Et de filer la métaphore avec le monde du football auquel appartiennent les prévenus. "C’était extrême droite contre extrême gauche. Un classico, les Fas contre les Antifas !"
Une certitude qui l’a amené à requérir cinq ans de prison, dont quatre ans avec sursis à l’encontre du principal suspect : David. M, 34 ans, " qui a frappé au sol Thomas Camus, le laissant inerte". Il s’agit pour ce conducteur de bus et père d’un enfant d’une peine aménageable d’un an à domicile, sous surveillance électronique. À cela, il faut ajouter une obligation de soins, d’un stage de citoyenneté à ses frais, l’interdiction de paraître sur les lieux des faits, d’entrer en contact avec les co-prévenus et les victimes, de détenir et porter une arme pendant cinq ans
Pour les cinq autres assaillants présumés, la peine demandée est la même à l’exception de la durée de détention. Trois ans de réclusion, dont deux ans avec sursis. Toujours sous la surveillance électronique.