Michèle Delaunay était étudiante à Bordeaux en mai 68. Son père était alors Préfet de la Gironde. L'ex-ministre déléguée aux personnes âgées et ex-députée socialiste raconte comment elle a vécu ce mouvement social.
Pour Michèle Delaunay, mai 68 a d'abord été un conflit d'intérêt : participer aux événements sans compromettre ses études en médecine et sans gêner son père, Préfet de la République chargé du maintien de l'ordre.
Gabriel Delaunay, figure de la Résistance, aura une obsession à Bordeaux en mai 68 : éviter toute violence.
Il avait dû gérer les grèves insurrectionnelles de Michelin en 1947 lorsqu'il était jeune Préfet.
"Lui qui était un fils de pauvre socialiste dans l'âme, il n'aurait pas supporté de faire tirer sur les ouvriers... même chose pour les étudiants."
Alors quand les étudiants prennent le Grand Théâtre dans la nuit du 23 au 24 mai, le Préfet Delaunay monte sur scène et s'adresse à la salle, bondée.
"Mon père a décidé, tout seul, comme un grand, d'aller parler aux étudiants, ceux qui avaient envahi le grand théâtre. Il y est allé tout seul, sans rien, sans garde...".
Le sujet ne sera jamais évoqué en famille. Ni par le père ni par la fille.
Gabriel Delaunay y reviendra plus tard... dans un livre oublié sur une étagère.
De mai 68, la fille du Préfet apprendra le sens des responsabilités. L'étudiante gardera le goût de la parole.
"Savoir s'exprimer, être fière devant quelqu'un qui vous interroge, devant ses compagnons de route : c'est un trésor....."