Comment et pourquoi, après 70 ans de régime républicain, le régime de Vichy a-t-il réussi à imposer sa légitimité en s’appuyant sur les magistrats et le droit ? C'est l'objet de ce documentaire qui revient chronologiquement sur l'évolution de ce pan sombre de l'Histoire.
De l’amende à la prison, des travaux forcés à la peine capitale, jamais autant de peines n’ont été prononcées, jamais autant de Français, du simple paysan à un ancien président du Conseil, n’ont été traduits en justice que sous l’Occupation.
Le documentaire "La Justice sous l'Occupation" parcourt chronologiquement la période de 1939 à 1945 en s'appuyant sur des images d'archives commentées par plusieurs historiens pour expliquer comment le régime de Vichy, autoritaire, xénophobe et antisémite, a su s'imposer auprès des magistrats et du droit.
Main mise sur la Justice
Alors que l'armée allemande règne en maître en 1940, l'Assemblée Nationale vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain pour écrire la loi et la faire appliquer.
Les pouvoirs entre l'État et la Justice se confondent alors dans l'esprit du Maréchal Pétain et donc, dans les faits alors qu'ils sont pourtant censés être toujours distingués dans un pouvoir républicain. Pendant les quatre ans du régime de Vichy, les règles se mettent alors à changer. Pétain impose alors la collaboration.
"Liberté, égalité, fraternité" est remplacé par "Travail, famille, patrie".
Pour cela, le régime de Vichy nomme 3400 nouveaux magistrats. Ceux-ci comprennent alors qu'ils vont devoir suivre les lois passées par Raphaël Alibert, le ministre de la Justice tout récemment nommé directement par le Maréchal Pétain. Antisémite convaincu, ce nouveau ministre crée des lois injustes, opposées au principe d'égalité. Et les juifs en sont la cible privilégiée.
Les grands principes de la Justice ne sont plus la réalité.
Il en découle alors une chasse aux juifs dans toute la France et au sein même des magistrats qui ont obligation de se déclarer. 77 le font et sont immédiatement exclus. Le silence des autres magistrats est assourdissant même si une majorité d'entre eux ne sont cependant pas antisémites.
La Justice est désormais aux mains de Pétain qui justifie cela pour le bien de la France.
Je fais don de ma personne à la France pour atténuer son malheur.
Maréchal Pétain
Se succèdent alors sans cesse de nouvelles lois avec de nouveaux délits et juridictions au gré des exigences de la Révolution nationale, de l’occupant et de la guerre. Il faut mettre la figure du Maréchal Pétain au-delà de toute contestation et appliquer les volontés de Hitler. Répression, arrestations, condamnations, déportations, exécutions deviennent la règle... Et dans ce même temps, les premières formes de résistance sont condamnées.
Le régime de Vichy décide de créer un Tribunal d'État qui siège à Lyon et à Paris. Ses compétences sont immenses. Dans les prisons, le nombre de détenus explose alors, passe de 20 000 en 1939 à 60 000 au printemps 1944.
Résistance d'une minorité
Au milieu de cela, quelques magistrats silencieux résistent pourtant à leur façon discrètement, menant des actions et des combats tout en restant dans l'Institution.
Un magistrat, Paul Didier, ose, lui, ouvertement s'opposer à ce qu'on lui impose en déclarant haut et fort qu'il refuse de prêter serment au chef de l'État, comme tous les autres magistrats venaient néanmoins de le faire. Celui qui avait conduit la politique de la naturalisation au sein du ministère de la Justice sera alors arrêté puis interné jusqu'à la Libération.
Un certain René Parodie, pourtant nommé au Parquet de Paris, a, lui aussi, voulu lutter, non pas seulement dans le Tribunal, mais aussi à l'extérieur. La Gestapo ne tardera pas à l'arrêter et à le torturer. Son corps sera retrouvé pendu deux mois plus tard, faisant alors de lui le symbole de la Résistance judiciaire.
Et puis aussi, la voix d'un avocat. Celle de Maurice Garçon, avocat du Tout-Paris, qui s'exprime dès 1939. Lui qui déteste les magistrats se livre ouvertement sur leur inacceptable comportement dans son journal quotidien, étant au courant de toutes les affaires vues de l'intérieur du système.
Leur prétendue indépendance dont ils parlent est une plaisanterie.[...] Le Parquet est aux ordres du gouvernement de l'époque.
Maurice Garçonavocat
Fort de quelque 17 000 dossiers comme preuve pour dénoncer les faits, il est sûr de ce qu'il ose avancer. Sa notoriété lui permet une certaine impunité.
Renversement de situation
À partir de l'été 1943, sous l'influence du Général de Gaulle, une nouvelle période s'annonce pour la Justice. Un nouveau ministre de la Justice est nommé, les sections spéciales sanctionnent toute activité terroriste, première apparition de la notion de terrorisme dans le droit français.
Reconnue par les Gaullistes, l'organisation de la résistance judiciaire prend de l'ampleur avec le comité national judiciaire qui fédère plusieurs mouvements de résistance de magistrats. Des messages seront même diffusés en ce sens sur Radio Londres.
Anticipant le changement du cours de la guerre, se multiplient alors de nombreuses demandes de démission de la part des magistrats à la conscience troublée. Ce sont ceux à qui l'on répond "Le vrai jugement sera celui de l'Histoire".
En 1944, les alliés arrivent sur le sol français. Grâce au Général de Gaulle, la légalité républicaine est enfin rétablie.
Vient alors le moment d'épurer la Magistrature afin de la re-légaliser aux yeux du peuple français et de lui permettre de juger les collaborateurs désignés.
En 1945, la Magistrature a pris conscience qu'elle a besoin de se réformer et de se moderniser après tout ce passé sombre et peu glorieux. Le moment est venu d'ouvrir la magistrature aux femmes, de se donner les moyens d'action nécessaires et surtout, d'assurer son indépendance pour retrouver la place qu'elle mérite.
Une leçon de l'Histoire pour commencer une nouvelle histoire.
La Justice sous l'Occupation
Jeudi 28 novembre à 22.50 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine et déjà en intégralité sur la plateforme france.tv
A SAVOIR : ce documentaire fait l'objet d'une avant-première le dimanche 24 novembre 2024 à 14H dans le cadre du Festival International du Film d'Histoire de Pessac.
Un film écrit et réalisé par Camille Levavasseur
Une coproduction Les Films en Vrac - France Télévisions
Avec la participation de Mediawan Thematics pour Toute L'Histoire
Avec le soutien du CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE de la PROCIREP – Société des Producteurs et de l’ANGOA
Durée : 52 min