En quatre mois, trois plaintes pour violences sur mineur visent le maire de Laruscade. Jean-Paul Labeyrie, lui, conteste la version des parents d'élèves et dénonce des "animosités d'ordre politique".
"L'ambiance devient de plus en plus électrique", reconnaît un habitant de Laruscade, dans le nord de la Gironde. En cause, deux plaintes déposées en septembre contre le maire de cette commune de près de 3 000 habitants. Jean-Paul Labeyrie (La France insoumise) est dans le viseur de plusieurs parents d'élèves.
Les premiers faits remontent au 3 septembre, au lendemain de la rentrée. Le bureau du maire se trouve à proximité immédiate de l'école, et ce dernier a pour habitude de se rendre dans l'établissement sur la pause méridienne.
"Ma fille, scolarisée en CM1, se trouvait dans la cour, quand le maire lui a demandé si ça lui ferait mal si jamais il lui écrasait les pieds, raconte Frédéric. Il a joint le geste à la parole, avant de lui demander ensuite si elle avait eu mal", raconte le père de famille.
Elle ne savait pas quoi répondre, donc elle a répondu non. Le soir, elle nous a rapporté l'incident, elle a reconnu qu'elle avait eu mal, mais que la douleur était tolérable. Mais, du haut de ses 9 ans, elle a bien compris que ce geste n'avait pas lieu d'être.
"Un bond de deux mètres"
Quelques jours plus tard, c'est un enfant scolarisé en CM2, qui rapporte à ses parents avoir été violenté par le maire. "Il jouait dans la cour avec son ballon, et il a tapé un peu fort, le ballon a heurté le toit, rapporte Sabine, sa mère. Le maire est alors venu dans la cour, lui a violemment tiré l'oreille. Il lui a ensuite mis la main sur la joue et l'a repoussé très fort. Mon fils a fait un bond de deux mètres", poursuit-elle.
Sabine assure avoir obtenu confirmation des faits auprès de la mère d'un autre enfant ayant assisté à la scène, et du personnel de l'école qui a consolé son fils.
Les parents décident alors de porter plainte auprès des gendarmes de Saint-Savin. Samedi 11 septembre, ils reçoivent un recommandé. Une lettre de la mairie, les informant de l'exclusion temporaire de leur enfant de l'accueil périscolaire, jusqu'à la fin de l'année 2021. Dans ce courrier, la mairie justifie la mesure par le non-respect du règlement intérieur par le jeune garçon.
"Mon fils souffre de troubles du comportement. lI est suivi par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et est accueilli deux fois par semaine en institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep), précise Sabine. Il a également la présence d'une accompagnante en cours afin de l'aider à se canaliser".
Mon fils est parfois dur, je ne le nie pas, mais cela reste gérable. Cette exclusion, qui arrive juste après le dépôt de plainte, ce n'est pas du hasard. Le maire a la rage contre mon mari et contre moi, et du coup, il prive mon fils de cantine pendant trois mois.
"Je l'ai emmené et pris par le cou"
De son côté, le maire justifie sa présence dans l'enceinte de l'école par "le manque de personnes encadrantes". Il affirme également n'avoir aucun souvenir de l'épisode concernant la fille de Frédéric, et conteste la version apportée par Sabine. "Cet élève participait à une session de volley-ball que j'animais. Il a perturbé le jeu, puis a donné un grand coup de pied dans le ballon. Il a refusé ensuite d'aller le chercher quand je lui ai demandé de le faire. Je l'ai alors emmené sous le préau et pris par le cou pour le mettre sur un banc. C'est là qu'il s'est mis à pleurer", poursuit Jean-Paul Labeyrie, qui s'interroge :
Lui ai-je touché l'oreille à ce moment-là ? Ce qui est sûr, c'est que je ne lui ai pas tirée.
Selon le maire de Laruscade, l'exclusion du jeune élève n'a aucun lien avec l'incident. "C'est un enfant qui a des réactions désordonnées, il a souvent des mots déplacés. Plusieurs parents s'en sont plaints, assure-t-il. Il avait déjà reçu beaucoup d'avertissements avant l'exclusion. Cette mesure n'est pas une punition, c'est plutôt un rappel à l'ordre".
Un précédent en mai 2021
Lorsqu'il a eu vent de l'incident concernant le fils de Sabine, Frédéric s'est résolu, lui aussi, à pousser la porte de la gendarmerie pour porter plainte : "au début je n'avais aucune envie de me lancer là-dedans. Mais j'ai eu l'impression que ces événements de violence se rapprochaient, s'accéléraient. On se demande jusqu'où ça va aller".
Tous ont en tête un précédent en date du mois de mai, qui avait alors fait grand bruit. Toujours dans la cour de l'école municipale, un enfant qui jouait au ballon s'était fait réprimander par le maire. Plusieurs enfants rapportent alors que l'élu, très agacé, aurait brandi un couteau sous leur nez, en menaçant de crever le ballon. À l'époque, Jean-Paul Labeyrie s'était justifié auprès de nos confrères de France Bleu Gironde, précisant qu'il ne s'agissait pas d'un couteau, mais d'un décapsuleur.
"Je venais de prendre une bière à la mairie, j'avais un décapsuleur dans la poche et j'ai fait un geste pour faire mine de le dégonfler", se défendait-il alors. Une plainte avait alors été déposée, entraînant la convocation de Jean-Paul Labeyrie par le délégué du procureur pour un rappel à la loi.
Des "animosités d'ordre politique"
Quatre mois plus tard, la mère de l'élève menacé en mai 2021 ne décolère pas. D'autant plus que son fils a été particulièrement marqué par la scène. "Mon fils a eu quatre jours d'ITT et deux mois de suivi psychologique. Il ne dormait plus et hurlait dans son sommeil", rapporte-t-elle. Et suite à notre dépôt de plainte, Monsieur Labeyrie avait placardé des affiches devant l'école, nous accusant de diffuser des Fake news". Sur celles-ci, l'élu se défend d'avoir menacé des enfants avec un couteau, ou encore giflé des jeunes à scooter, avant de dénoncer le "lynchage public d'un élu" et de rappeler la législation en matière de diffamation.
"Il y a des gens qui ne m'aiment pas, constate Jean-Paul Labeyrie. Ce sont des animosités d'ordre politique, ou même privé, pour des problèmes d'amende ou d'urbanisme".
Des arguments balayés par les parents plaignants :"Très honnêtement, nous sommes plutôt du même bord politique lui et moi, rétorque Frédéric. Il faut d'ailleurs reconnaître qu'il a fait des choses très bien pour la commune : la rénovation du bourg, l'aménagement d'une aire de jeu… Mais au niveau de sa relation aux enfants, c'est problématique".
Ce n'est pas la fonction de maire que j'attaque. C'est le citoyen, qui rentre dans la cour d'école et qui n'est pas cool avec les gosses.
Audition par les gendarmes
En attendant la suite de l'enquête, ces parents d'élèves font part de leur désarroi. "J'ai réussi à me débrouiller cette semaine pour les midis, mais je ne sais pas comment on va tenir trois mois sans cantine pour mon fils, souffle Sabine. Mon mari et moi travaillons loin de Laruscade. Heureusement, nous avons reçu beaucoup de messages de soutien et de personnes se proposant de le prendre en charge, mais il est assez perturbé à l'idée d'être baladé de droite à gauche. Il n'avait vraiment pas besoin de ça", soupire-t-elle.
Le maire, lui, se dit serein. "Je ne suis pas inquiet. Si les gendarmes me demandent d'être moins présent dans l'école, je le serai moins. Mais j'y étais encore ce midi, et 99 % des enfants m'aiment bien", assure-t-il.
Les procédures sont toujours en cours, Jean-Paul Labeyrie, doit être entendu par les gendarmes dans les jours à venir.