"On nous demande toujours de faire plus avec toujours moins d'argent. Et ça moi, à un moment donné, je sais plus faire." Parole d'un maire qui ne se représente pas à Ruch, commune viticole de Gironde. Il nous détaille pourquoi il jette l'éponge.
Jean-Claude Combret, maire de la commune de Ruch en Gironde, ne rêve plus du tout du fauteuil de maire. Il a donné ! " Ça me fait mal au coeur qu'il s'en aille ! " dit l'une de ses administrés rencontrée dans le centre de ce bourg de 600 habitants situé dans l'Entre-deux-Mers, à 50 kilomètres à l'est de Bordeaux. Mais ça n'y changera rien, il a pris sa décision.
Une petite épicerie, un restaurant et ça le maire y tient à ces deux commerces ! Et peu d'habitants au mètre carré mais beaucoup de vignes. Nous sommes en plein vignoble et d'ailleurs Monsieur le Maire est vigneron.
Une activité qui lui prend énormément de temps.
S'occuper de l'entreprise familiale, d'une pépinière viticole, et alors même qu'il vinifie en chai particulier chez lui, ça fait forcément beaucoup. Ça fait même trop ! Alors qu'il est au service de ses concitoyens depuis 1995, cette fois, il n'y retourne pas.
Mais on ne décroche pas pour autant comme ça d'un claquement de doigt quand on s'est tant impliqué dans la vie de sa commune " Je pense que ça va me manquer, c'est pour ça que j'envisage de poursuivre l'aventure pas devant, plutôt derrière. " Comprenez en restant sur la liste, un passage de relais en douceur mais pour ne surtout plus être celui que l'on sollicite en premier.J'ai donné un quart de siècle de ma vie à la mairie, si ça ne m'avait pas plu, je ne l'aurais pas fait !
Jean-Claude Combret, maire de Ruch
J'en ai marre, ma situation familiale fait que j'ai d'autres priorités dans la vie.
Jean-Claude Combret, maire de Ruch
Les maires des petites communes se sentent seuls
"Marre" de se rendre en mairie, de trouver le cahier de doléances des administrés qui se remplit de plus en plus :
Maire d'une petite commune, c'est accepter d'être le personnage central du village et très exposé aussi de fait. Celui vers qui on se dirige instinctivement dès qu'il y a un problème, de jour comme de nuit témoigne le maire de Ruch. " C'est un peu le fusible. Les administrés peuvent accéder facilement au bureau du maire, ce qui n'est pas forcément le cas chez des maires d'une commune ou des villes beaucoup plus importantes où il y a des tas de bureaux avant d'entrer en contact avec le maire... "Les cloches qui sonnent, le coq qui chante, l'âne... C'est vrai que ce sont des petits détails qui font qu'à un moment donné, on en a un petit marre de tout !
Une génération tourne la page
Jean-Claude Combret constate que la société change et que finalement le maire porte de plus en plus de responsabilité " C'est ça qui est un peu fatigant. Parfois, c'est pesant. Il y a des choses que j'absorbais plus facilement il y a 10 ans, et l'âge avançant, on supporte moins les contrariétés, les problèmes."
L'âge, un motif de renoncement à la candidature de maire que l'on retrouve chez nombre d'entre eux en Gironde, constate Hélène Ricard, directrice de l'association départementale des maires. "Au bout de 3 ou 4 mandats, et avec un âge avancé, ils sentent que c'est le moment de partir." Et dans les petites communes, c'est courant d'avoir des maires de cette génération là.
Perte de repère
Mais il n'y a pas que l'âge... Et Jean-Claude Combret tient à témoigner de ce qui l'a aussi décidé à abandonner la fonction. "On est dans une situation de la gestion propre de la mairie qui devient compliquée."
On nous demande toujours de faire plus avec toujours moins d'argent. Et ça moi, à un moment donné, je sais plus faire.
Jean-Claude Combret
Hélène Ricard confirme ce qui remonte à l'association des maires de Gironde. Les changements législatifs, la loi NOTRe portant sur l'organisation du territoire, le changement dans l'intercommunalité, en ont découragé plus d'un durant ces dernières années.
Les maires sont essorés par ce mandat 2014-2020.
Hélène Ricard
La Gironde compte 535 communes. L'association a pris la température et collecté des informations auprès de 289 maires. Résultat : 88 maires ont pris la décision de ne pas repartir en tête de liste, 181 y vont, une vingtaine d'entre eux est encore dans l'incertitude. Autrement dit, il faut s'attendre a priori à un renouvellement d'un tiers des maires dans ce département.
"Il y a une perte de repères, ils se demandent ce qu'ils font là. Ils déplorent des logiques contradictoires. Les maires ont plutôt besoin de stabilité et de cap. "
Voilà aussi pourquoi Jean-Claude Combret qui " aime ses administrés " comme il dit avec le cri du coeur, remet son écharpe de maire à qui veut la prendre "sans regret". Mais avec toujours la passion de sa commune.