En Limousin le manque de précipitations commence à être inquiétant

Rappelez vous le printemps 2020 avait été pluvieux et pourtant la sécheresse s'était imposée tout l'été. Et bien ce printemps 2021 s'annonce lui très sec, l'un des plus secs de ces 50 dernières années. Ce qui fait craindre le pire pour les mois à venir. 

"Il a plu trois gouttes". Une petite phrase banale que l’on dit ou entend habituellement après une bonne averse. Sauf que depuis le 11 avril, il n’a réellement plu que trois gouttes sur l’ensemble du Limousin.

Le cumul des précipitations depuis le 1er mars jusqu’à ce 26 avril 2021 place ce début de printemps 2021 au rang de quatrième printemps le plus sec depuis 50 ans.

"Le mois de mars 2021 était déjà fortement déficitaire. Et pour mars et avril nous allons arriver à un cumul de précipitations de 67 mm pour la Haute-Vienne, la normale est de 161 mm pour cette période", explique Olivier Mandeix climatologue à Météo France Limoges.

Les chiffres sont similaires pour la Creuse avec 69,2 mm soit 54% de déficit pour mars et avril. 71 mm pour la Corrèze soit 63% de déficit par rapport à la normale de saison.

Déficit pluviométrique en Limousin
Infogram

Il y a eu pire certes, en mars et avril 1997 il n’était tombé que 27 mm d’eau sur la Haute-Vienne, en 2011 seulement 46 mm et juste 55 mm en 1973. 

Le problème aujourd'hui c'est la répétition, d'année en année. Des formules différentes pour un résultat similaire : une grave sécheresse estivale.

"L’an dernier nous avions eu de la pluie au printemps sur mars et avril, nous étions au-dessus de la normale de 9% en Haute-Vienne avec 193 mm. La Creuse était 6% au-dessus. La Corrèze était légèrement déficitaire de 4%. Mais les précipitations ont cessé d’un seul coup et nous avons eu des périodes extrêmement sèches dès le 15 juin. Et un mois de juillet catastrophique", précise Olivier Mandeix.

Nous sommes en avril, pas en pleine canicule estivale, alors, c’est grave docteur ? 

Et bien oui, c’est déjà très inquiétant.

Et cela est dû à la structure même du sol du Limousin. Un sol granitique. Les réserves d’eau sont simplement constituées par des failles entre les blocs de granite, des failles très étroites d’à peine 1 mm à 10 cm pour les plus importantes. Celles-ci permettent d’alimenter les sources souterraines, qui elles-mêmes vont alimenter les cours d’eau.

Le docteur Jean-Pierre Floc’h hydrogéologue à la retraite nous explique que les pluies d’avril et de mai sont absolument cruciales pour éviter la sécheresse estivale : 

"Le moment où il pleut est extrêmement important, parce que la réserve d’eau dans le sous-sol varie saisonnièrement. Pendant l’hiver, la pluie qui entre dans le sous-sol est supérieure à l’eau qui s’échappe par les sources et qui va dans les rivières. Ainsi, lorsqu’il pleut en hiver, voit-on une remontée des sources, le niveau d’eau dans le sol remonte, et le débit augmente dans les sources. Si le mois d’avril et le mois de mai sont pluvieux la réserve d’eau sera reconstituée. Au moment où il pleuvra moins les sources seront à un niveau haut, et dureront ainsi plus longtemps, parce qu’ensuite en été elles vont se vider de façon inéluctable."

Et comme vu plus haut, en 2020 malgré un printemps pluvieux, la sécheresse a frappé lourdement le Limousin en été. Alors avec un printemps sec, on peut s’attendre au pire…

Certes il peut pleuvoir en juin, mais comme la nature est en pleine croissance, la végétation consomme beaucoup d’eau, ce n’est pas un mois de recharge des réserves.

Olivier Mandeix, climatologue Météo France Limoges

Déjà des conséquences

Les spécialistes constatent déjà un trop faible débit des cours d’eau en Limousin.

Stéphanie Charlat, la responsable technique de la fédération de pêche de la Haute-Vienne s’en inquiète depuis début mars  : "Pour l’ouverture de la pêche à la truite le 13 mars nous avions déjà alerté via les réseaux sociaux sur le faible débit des cours d’eau. Nous avons un, voire deux mois d’avance sur la baisse des débits. Et ce malgré les crues de janvier. Des crues qui d’ailleurs sont tout à fait naturelles et nécessaires à la vie d’un cours d’eau. Elles permettent de le nettoyer, d’équilibrer et de remodeler les fonds. Auparavant des crues comme celles-ci nous en avions tous les ans. Aujourd’hui elles nous semblent exceptionnelles."

Un moindre débit des cours d’eau signifie une perte d’habitats pour les poissons. Et lorsqu’il va faire chaud, si les cours d’eau sont bas l’eau se réchauffera plus vite. La température létale pour la truite c’est 23°.

Stéphanie Charlat, responsable technique Fédération de Pêche de la Haute-Vienne.

Pour Stéphane Loriot le président de l’Etablissement Public Territorial du Bassin de la Vienne, nous ne sommes franchement pas dans de bonnes conditions pour aborder l’été : "Ce qui est paradoxal c’est que nous sommes passés de sols saturés d’eau en janvier  à une sécheresse brutale. C’est la brutalité de ces changements qui marque le réchauffement climatique et qui est inquiétante."

Et le plus dramatique c’est la récurrence du phénomène pour Stéphane Loriot : "Statistiquement on observe moins 20 % de débit sur tous les cours d’eaux depuis 10 ans. Si rien ne change en 2050 les débits auront encore baissé de 25% par rapport à aujourd’hui. En 2020 nous avons enregistré 30% de cours d’eau en assec, sans aucun écoulement. En 2019 c’était 40%."

Des chiffres qui font froid dans le dos.

Et demain ? 

Demain il ne pleuvra pas. 

Après-demain non plus. Ou si peu.

Normalement le printemps est une saison durant laquelle le temps est très déstabilisé, avec des perturbations, des conflits entre blocs froids et chauds. Mais cette année il ne se déstabilise pas.

Prévisionniste Météo France Limoges

"Mercredi le temps se dégrade, un peu de pluie est possible plutôt en Creuse et en Corrèze mais cela devrait rester relativement faible. Jeudi et vendredi le temps pourrait être plus perturbé avec un peu de fraîcheur, les températures devraient repasser en dessous des normales de saison. Mais toujours peu de pluie, cela ça va légèrement arroser les jardins mais il n’y aura pas de franche dégradation", nous explique le prévisionniste de Météo France Limoges.

Et une faible pluie comme celle que certaines parties du Limousin ont connues aujourd’hui, n’a aucun impact sur les réserves d’eau.

Dans un an, l’Etablissement Public du Bassin de la Vienne devrait avoir bouclé une étude portant sur les effets des changements climatiques sur nos cours d’eau à l’horizon 2050 et même au-delà. "Demain nous serons capables de préciser les pertes de débit sur chaque rivière. Des éléments probants pour encourager les collectivités à mettre en place des aménagements pour contrer les effets du réchauffement climatique",indique Stéphane Loriot.

Des collectivités qui ont évidemment un rôle crucial à jouer.

Pour Stéphanie Charlat, il faudrait par exemple "prendre les arrêtés sécheresse, et les restrictions d’eaux qu’ils impliquent, bien en amont. En juillet et août c’est trop tard. Pour limiter l’impact sur les poissons, il est arrivé à la fédération d’interdire la pêche sur certains cours d’eau, mais des mesures doivent être prises bien avant d’en arriver là."

Bref, puisqu’un retour aux sources de notre doux climat Limousin semble impossible, il nous reste à espérer, un mois de mai pluvieux, un mois de juin qui le soit tout autant et un été mitigé. Pour que vivent nos sources et verdissent nos prairies. 

 

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