La gestion de la ressource en eau est devenue un enjeu crucial dans le monde agricole. Comme l’an dernier, la chambre d ‘agriculture de Haute-Vienne organise un rallye abreuvement. Le but : montrer des techniques d’abreuvement innovantes.
L’herbe est bien verte et le soleil au rendez-vous. Nous dévalons une pente herbeuse très escarpée en ce chaud début d’après-midi d’octobre. Patrice Rabier et son fils Bastien mènent le petit cortège d’agriculteurs curieux en direction du fond de vallée. "Voila l'installation, il y a ce gros tuyau noir qui dépasse d'un mètre du sol et un peu plus loin en contre-bas, deux abreuvoirs en béton". Ils sont remplis à ras-bord d’une eau cristalline. On en boirait presque. Patrice explique : "il y avait une ancienne pêcherie (comprendre une petite mare alimentée par une source) toute effondrée dans laquelle les vaches pataugeaient. A la place, nous avons creusé sur 4 mètres pour aller chercher l’eau". Ensuite, le trou a été empierré et le gros tuyau fait office de drain. L’eau arrive par capillarité. Un autre tuyau achemine l’eau vers les deux cuves en béton. Tout ça paraît très simple. Mais pour les deux agriculteurs c’est un vrai gain. Notamment du point de vue sanitaire pour leurs 120 vaches allaitantes. Avant la construction de cette installation, elles allaient s’abreuver dans la petite rivière en contre-bas. Problème : la tuberculose bovine menace (elle est déjà présente dans le sud du département). Elle pourrait se transmettre si un élevage en amont de la rivière est touché. Vecteur de maladies, la prolifération de ragondin ne ravissait pas non plus les éleveurs. Et avec les sécheresses à répétition, qui sait si la rivière n’allait pas faire défaut. C’est arrivé dans de nombreux endroits de la région, y compris pour des cours d’eau réputés intarissables. Grâce à ce système, l’autonomie en eau de l’élevage est donc garantie. La petite source est d’une constance remarquable. "Il y avait toujours de l’eau dans la petite pêcherie même quand il a fait plus de 40 degrés avec plusieurs mois sans pluie" confirme Bastien. Petit plus, la configuration du pré permet à l’eau de descendre par la seule force de la gravité. Même pas besoin de pompe.
"Il faut savoir gérer le troupeau présent en fonction de la quantité d’eau disponible. Mais justement Patrice et Bastien pratiquent le pâturage tournant. Une trentaine de vaches sont présentes pendant 4 à 5 jours et vont ensuite brouter ailleurs, dans une autre parcelle. Cela permet d’optimiser l’herbe et l’eau" explique Isabelle Kimmel, technicienne de la chambre d’agriculture qui a encadré ce projet.
L’investissement, 11.000 euros, est assez conséquent, mais les deux éleveurs ont bénéficié d’aides régionales à hauteur de 70% de la somme investie. Des aides prévues pour la conservation des cours d’eau notamment puisque les vaches ne descendent plus s’abreuver à la rivière et la laissent donc intacte. Seulement pas de chance, les derniers dossiers devaient être déposés le 15 septembre. Nul ne sait à l’heure actuelle si le conseil régional va les reconduire.
"Pour certains éleveurs, ce type d’installation est quand même un investissement intéressant. En période de sécheresse, ceux qui se servent sur le réseau dépensent beaucoup, en carburant pour transporter l’eau dans les prés, en temps et en argent. Le pire que j’ai vu c’est environ 15.000 euros dépensés pour l’abreuvement. C’est considérable ! Ces prélèvements dans le réseau suscitent en plus des conflits avec les autres utilisateurs" explique encore Isabelle Kimmel.
Des installations facilement amorties, plus économiques et écologiques
"Et l’administratif ? Tonne un éleveur. Tout ça c’est bien joli, mais en ce moment on passe d’un dossier à un autre. Ça commence à bien faire !". Pour Isabelle Kimmel les solutions ne seraient pas très contraignantes. "Il suffit de s’adresser à l’office français de la biodiversité. Leur regard est plutôt favorable puisque ces installations préservent les rivières et les cours d’eau"
Un peu en retrait, Régis pose des questions. Il vient d’agrandir son exploitation, il a 240 hectares dont 160 en propriété. Depuis deux ans, il cogite. "Il faut que j’arrive à créer des points d’abreuvement un peu partout, c’est pas facile. Ce que je viens de voir est une bonne solution, mais il faut faire du sur mesure, tout ne pourra pas s’appliquer chez moi".
"Avec l’agrandissement des exploitations, la gestion de la ressource est devenue un casse-tête. Certaines parcelles se trouvent très loin des bâtiments. La géographie des terrains peut être difficile. La solution est donc d’installer des pompes, notamment solaires, dans les secteurs où il n’y a pas d’électricité" explique Clive Edwardes avec un petit accent anglais. Il installe des systèmes de pompage pour le compte d’une entreprise basée à Nexon. Il profite de cette journée pour faire une démonstration. Accroupi près des abreuvoirs en béton, il s’escrime à démêler une pelote de câbles. Il installe une petite pompe dans un des bassins et le relie à deux petits panneaux solaires. Le débit monte rapidement. Ravi que ça fonctionne il s’exclame, "Avec ça on peut envoyer de l’eau à 200 mètres !". Pas de chance, quand quelqu’un passe devant un panneau, l’ombre projetée éteint le système. Il faut pouvoir monter les panneaux sur des mâts, hors de portée des animaux qui pourraient les détruire. "Jusqu’ici j’en installais 5 ou 6 par an. Depuis un an le chiffre a doublé. J’ai énormément de demandes. Je fais devis sur devis".
Une petite dizaine d’agriculteurs ont participé à cette journée. L’an dernier, 150 ont suivi le rallye. 120 ont déposé des dossiers pour bénéficier d’un suivi et moderniser l’abreuvement de leurs bêtes.
Programme du rallye
Mardi 12 octobre (14h) : Forages avec pompes solaires alimentant des réseaux de bacs chez Guillaume Genty à Magnac Laval
Mercredi 13 octobre (10h) : Forages avec pompes électriques pour alimenter un bâtiment et des champs au GAEC Lebrun à Nouic
Mercredi 13 octobre (14h) : Puits filtrant avec pompe solaire et clôtures déportées PVC à l’EARL Vincent de Saint-Martial à Arnac-la-Poste
Jeudi 14 octobre (14h) : Pompe solaire sur captage alimentant une cuve et des bacs gravitaires au GAEC du sol aux animaux « Tratrade » à Saint-Vitte-sur-Briance
Vendredi 15 octobre (10h) : Pompe solaire mobile chez GERBAUD Vincent « Neuvialle » à Nedde