Le 11 mai est encore loin mais les réflexions des libraires autour de la sortie du confinement vont bon train. Comment reprendre l'activité sans risque ? Les clients pourront-ils rentrer ? Des salons peuvent-ils encore être organisés en fin d'année ? D'ores et déjà une fenêtre s'ouvre : les drives.

Comme tous ses confrères, Jean-Michel Gillet, gérant de la librairie Anecdotes au centre de Limoges, attendait de savoir sur quel pied danser. Des clients de drives organisés par certains libraires en France étaient verbalisés il y a encore une semaine, pour ces achats qui n'étaient pas considérés de première nécessité. Franck Riester, ministre de la Culture, a assuré depuis vouloir assouplir la situation.
 


Seul dans le bureau de sa librairie, Jean-Michel Gillet informe depuis quelques heures tous ses clients qu'un drive va débuter ce mercredi 22 avril. Depuis le début du confinement le 17 mars dernier, il a enregistré une soixantaine de commandes sur le site de la librairie.
 

C'est vrai que ça nous fait chaud au coeur de recevoir par mail des messages d'encouragement de nos clients et même ces commandes alors même que nous avons dit sur notre site qu'il n'y aurait pas de livraison. Du coup, comme les drives semblent être possibles, maintenant, sans risque que les clients soient amendés, je vais préparer les commandes et faire savoir qu'on préparera toutes celles à venir


Il lui reste un dernier feu vert à obtenir : celui de la Mairie de Limoges. Comme il envisage une possibilité de retrait des commandes devant la librairie entre 10h et 12h, les clients peuvent se retrouver à attendre en file. Il rappellera naturellement les conditions sanitaires à respecter, notamment de distance, mais il veut être assuré de l'aval de la mairie de Limoges.

Si ce feu vert est obtenu, il y aura un second drive samedi 25 avril, également entre 10h et 12h. Jean-Michel Gillet assurera lui-même la préparation des ouvrages commandés par sa clientèle. Seuls les livres disponibles en stock sont proposés à la vente. C'est également seul qu'il assurera la mise à disposition. Il va prévoir gants, masque, gel. Les paquets seront remis à l'énoncé du nom du client. Le paiement est encouragé directement sur le site à la commande, mais il pourra également être pris par carte bancaire au retrait des livres.
 

C'est bien sûr un premier soulagement si ce drive peut être mis en place. Un mois sans aucune activité avec 10 salariés au chômage partiel c'est très dur pour le moral, mais c'est pour tout le monde pareil alors on s'accroche. Le plus important c'est d'abord la santé de tous mes employés, tout le monde va bien, moi aussi, si en plus on peut satisfaire nos clients qui veulent mettre à profit le confinement pour lire, c'est déjà ça


Ce drive aura vocation à perdurer au moins jusqu'au 11 mai, chaque mercredi et chaque samedi. Mais peut-être ira-t-il au-delà. Car les réflexions n'ont pas toutes leurs réponses à ce jour. Les librairies pourront-elles réellement accueillir les clients lorsque le déconfinement sera autorisé par le gouvernement ?
 

Un drive en plus des livraisons à domicile


Dès la première semaine de confinement, Maryse Causse-Guimbard de la librairie jeunesse "Rêv'en Pages"  s'est organisée pour livrer gratuitement à domicile sur Limoges et les environs. Elle a repris cette librairie indépendante il y a trois ans. Un projet pour lequel elle s'est mise en disponibilité de son métier de bibliothécaire. Elle est aujourd'hui très inquiète pour le maintien des deux emplois qu'elle avait réussi à consolider.
 

Heureusement que j'avais un site marchand... lui qui ne fonctionnait pas vraiment avant la crise sanitaire, il est aujourd'hui mon seul lien avec ma clientèle ! Donc oui les livraisons et maintenant le drive sont une vraie bouffée d'oxygène pour le moral ! Je suis aussi soulagée de voir les aides au rendez-vous : reports de charges, reports de mensualités pour les prêts, chômage partiel pour mes deux employées... mais il va falloir quand même faire face quand toutes ces échéances vont tomber... c'est très compliqué, vraiment


La librairie est consacrée à la jeunesse. Les enfants aiment à s'y installer, ouvrir les livres, les redéposer, en prendre d'autres. Matériellement, l'espace est réduit. Maryse Causse-Guimbard et ses deux employées sont continuellement très proches dans leur activité. Comment faire dans l'avenir pour respecter les distances sanitaires ? il va falloir sans doute déplacer le stock dans un autre local, mais rester seule dans un premier lui semble inconcevable pour à la fois réceptionner la marchandise, la traiter et être auprès de la clientèle. Sans compter les livraisons qui se poursuivront sans doute.
 

On devra faire rentrer que deux clients à la fois... difficile dans ces conditions de relancer le chiffre d'affaires qui va sans doute rester en chute libre pendant encore plusieurs semaines. On ne pourra pas non plus reprendre nos ateliers qui avaient beaucoup de sens pour nous et les parents. C'est toute l'atmosphère de la librairie, sa proximité, voulue en plus par le label que je représente, qui est remis en question

 

Maryse Causse-Guimbard se dit rassurée par les dessins d'enfants et tous les messages de sympathie qu'elle reçoit avec les commandes. Un lien qu'elle maintient sur les réseaux sociaux. Dans quelques semaines, elle rejoindra le site commun aux librairies indépendantes de Nouvelle-Aquitaine, où les livres pourront être commandés. En attendant, les clients peuvent accéder à toutes les références des ouvrages en stock directement sur le site de la librairie et vérifier leur disponibilité.

Le drive de la librairie "Rêv'en pages" débute ce mardi 21 avril. Il est mis en place désormais de 10h à 12h, tous les jours du mardi au samedi.
 

Drôle de calendrier pour devenir nouveau propriétaire d'une librairie ...


Alors que toute la chaîne du livre est frappée par la crise sanitaire, que librairies et maisons d’édition sont fermées, que les salons sont annulés, Sébastien Lavy devait être le 1er avril 2020 l'heureux nouveau propriétaire de la librairie indépendante "Page et Plume" au centre de Limoges. Il lui faut encore attendre quelques jours pour que Maud Dubarry lui passe officiellement le relais, le dossier ayant quelque peu été ralenti. C'est donc lui qui désormais doit réfléchir à la sortie du confinement.
 

Je passe des commandes de masques en plexiglass, je réfléchis à un marquage à l'intérieur de la librairie pour un seul sens de circulation, à un nombre de clients... mais tout cela est encore flou puisque les directives peuvent évoluer. En tout cas, j'imagine mal des clients en recherche de lecture, ouvrant les livres, les reposant, restant une demi-heure


La majeure partie de la clientèle sait ce qu'elle vient chercher. Et puis il y a les fidèles qui font confiance à l'équipe de la librairie. La librairie a près de 50.000 ouvrages en stock et a, elle aussi, un site marchand.
 

Beaucoup de nos clients aiment, ou pas d'ailleurs !, nos coups de coeur. Nous sommes une librairie indépendante, la proximité avec notre clientèle est précieuse, nos choix sont source de discussions, d'échanges... même si nous ne pouvons plus les avoir physiquement, nous avons notre page sur les réseaux sociaux, notre adresse mail, le lien peut se poursuivre


Le 16 mars dernier, à l'annonce du confinement, l'équipe s'est résolue à informer les clients qu'il n'y aurait ni livraison ni drive sur la page facebook de la librairie.

"Pour éviter au maximum, la propagation du virus nous choisissons de ne pas mettre en place de système de drive, de livraison, d’expédition. Aucune commande, que ce soit par mail ou sur notre site Internet ne sera traitée durant cette période de fermeture. Nous comptons sur votre compréhension, votre soutien dès que l'on pourra ouvrir à nouveau. C'est un coup dur pour la librairie, pour tous ceux qui doivent fermer, mais tout ceci est moins important que la vie de nos proches, de vos proches. Oui, pour nous aussi le livre est un produit de première nécessité, mais vous avez bien quelques ouvrages non lus, à relire, les classiques de vos ados pour le Bac, des vieilles revues à re-découvrir, ou pourquoi pas des livres à écrire vous-mêmes ! Nous essaierons de continuer à faire ce qui fait le sel de notre métier: vous conseiller des livres, de chez nous, sur cette page Facebook, notre Instagram (@LibrairiePageetPlume) ou notre site Internet (www.pageetplume.fr), prenez des notes, faites des listes, nous nous ferons un plaisir de les servir dès que la librairie sera à nouveau ouverte.

Aujourd'hui, la situation a évolué, un système de drive est désormais possible. Les commandes enregistrées sur le site marchand ou par listes déposées par mail, pourront être préparées et mises à disposition devant la librairie. Un service qui entrera en fonction un peu plus vite que prévu, dès la semaine du 27 avril. Deux jours de retraits possibles, le mercredi et le samedi. Attention, seuls les livres en stock en magasin (liste à vérifier sur pageetplume.fr) seront disponibles à la vente. Paiement en ligne, ou par CB ou chèque pré-rempli devant la librairie (avec attestation de sortie dérogatoire en poche bien sûr, pour achat de première nécessité), dans le plus strict respect des mesures sanitaires et de sécurité.

Mais le libraire reste prudent et des questions restent en suspens. Il va falloir se réapproprier les lieux, reprendre contact avec les éditeurs et les distributeurs. Toutes les nouveautés prévues ont été décalées à la mi-mai ou à l'automne. Il va falloir revoir tous les catalogues puisqu'il n'y a plus de contact avec les représentants des maisons d'éditions. Il craint que certaines maisons indépendantes ne puissent s'en relever et ses inquiétudes ne s'arrêtent pas là.
 

La rentrée littéraire en temps normal c'est près de 500 nouveautés entre la fin août et la fin septembre. Avec tous les salons annulés, le salon du livre jeunesse à Isle en mars, Lire à Limoges prévu en mai, le salon de la BD à Saint-Junien en juin, le salon "Vins noirs" qui croise le polar et le vin à Limoges en juin, c'est évidemment un gros manque à gagner... certes le Syndicat de la Librairie Française a négocié des reports d'échéance, mais il faudra tôt ou tard les financer.


Alors il faudra réfléchir. Trouver des économies. Peut-être du côté de la carte de fidélité qui donne une remise de 5% tous les 150 € d'achats. Un effort de guerre qui pourrait être compris par la clientèle.
 

C'est vrai que pour le client une remise de 7,50€ est toujours appréciable, mais pour nous c'est entre 80 000 et 100 000 €, une somme très importante, d'autant que nous n'avons pas les marges commerciales des autres activités compte-tenu du prix unique du livre.


Quoiqu'il en soit, pour Sébastien Lavy comme pour Jean-Michel Gillet, il y aura un après covid-19, comme quelque chose d'essentiel à retenir de cette situation. Ils se placent aussi comme médiateurs d'un nouveau sens à trouver, pour nourrir une réflexion globale qu'ils sentent déjà autour d'eux et parmi leurs clients. Leurs choix littéraires s'en trouveront nécessairement influencés. Les rayons de leurs librairies, en philosophie, écologie et économie sociale pourraient bien s'en trouver renforcés.



 
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