Il y a 80 ans, en Limousin, l’été 1944 fut celui de la libération mais aussi celui de tous les dangers. En quelques semaines, les principales villes de la région ont retrouvé leur liberté grâce à l’action et au courage des forces de la Résistance : Brive le 15 août, Tulle le 17, Limoges le 21 et Guéret le 25. Mais si Limoges et Brive furent libérées pratiquement sans effusion de sang, les libérations de Tulle et de Guéret, entreprises trop tôt, se firent dans la douleur face à la détermination des troupes allemandes.
Au début de l’été 1944, en Limousin, les forces de la Résistance sont importantes, équipées et structurées.
Depuis plusieurs mois, elles mènent des actions de plus en plus audacieuses contre l’occupant et la milice.
Le débarquement en Normandie n’a fait que renforcer leur détermination à en finir avec un ennemi de plus en plus présent et agressif depuis qu’il a envahi la zone libre.
Mais ce qu’ignore encore la Résistance, c’est que loin de fuir la région, l’état major allemand s’est organisé pour renforcer la répression.
Une Résistance puissante face à une armée allemande encore déterminée à se battre
Des ordres de fermeté ont été donnés aux officiers sur le terrain pour terroriser les populations civiles dans les zones où la Résistance est implantée. Dans cet objectif, des divisions d’élite comme la division SS Das Reich, avec des combattants déjà aguerris à de telles pratiques sur le front de l’Est, ont été positionnées dans le Massif central.
L’historien Pascal Plas, qui a beaucoup travaillé sur cette période en Limousin, estime qu’à l’été 1944 la Résistance a souffert d’un handicap : sa mauvaise connaissance des moyens et de la stratégie allemands.
" À l’été 44, la Résistance Limousine est en mesure de savoir en gros quelles sont les forces d’occupation pérennes, c’est-à-dire celles qu’elle a toujours vues là, et éventuellement, elle sait où sont les gros bataillons positionnés dans le Massif central. Mais elle n’est pas en mesure de comprendre ce qu’est la stratégie allemande globale. Elle n’est pas non plus en mesure d’apprécier ses vitesses de déplacement et ses vitesses d’intervention".
Chaque opération que lance la Résistance durant l’été 44 comporte toujours une inconnue : comment faire, ensuite, pour contrôler le territoire que l’on a pris ? Et ce sera tout son problème au moment de la libération des villes du Limousin.
Pascal Plas, historien
Car, dès le 7 et le 8 juin 1944, alors que le débarquement est à peine entamé en Normandie, les troupes communistes de la Résistance limousine, décident de tenter de reconquérir des villes de la région.
À Guéret, 300 résistants commandés par le Colonel François neutralisent rapidement les quelques soldats allemands cantonnés dans trois hôtels de la ville.
À Tulle, les Franc Tireurs et Partisans rencontrent une plus forte résistance de la part des Allemands. Mais ils finissent aussi par prendre la ville.
Pour Pascal Plas " à Guéret et à Tulle, la Résistance fait le choix de prendre la ville, avec les renseignements dont elle dispose à ce moment-là. Mais ce qu’elle ne peut pas estimer, car elle n’en a pas les moyens, ce sont les grands mouvements de troupes allemands dans le Massif central et c’est la manière dont va se faire la reprise de Tulle par la division SS Das Reich et la reprise de Guéret par des troupes venues de Montluçon".
Le rapport de force, qui est favorable au début à la Résistance, lui devient très vite défavorable lorsqu’arrivent les grandes concentrations militaires allemandes qui, elles, sont surarmées et ont une véritable expérience guerrière.
Après une première libération, une terrible répression
À Tulle, la répression allemande sera terrible : 99 habitants pendus par l’occupant et 149 autres déportés quand les troupes SS reprennent la ville. Les 16 et 17 août, d’âpres combats auront aussi lieu à Ussel et Egletons.
À Guéret, les forces allemandes appliquent la même tactique, réinvestissent la ville et fusillent trente et un jeunes résistants près de Janaillat.
Le 10 juin, c’est également la division SS Das Reich qui perpétrera le massacre d’Oradour-sur-Glane.
Tulle ne sera finalement définitivement libérée que le 17 août et Guéret le 25 août.
Pendant ce temps-là, en Haute-Vienne, Georges Guingouin a refusé d’attaquer Limoges comme le lui demandait le Parti Communiste.
Fort de sa puissance sur le terrain et de son autorité acquise au fil de plusieurs années d’implantation et de guérilla dans les campagnes, il a préféré renforcer ses troupes aux abords de la ville.
Du 14 au 17 juillet, au Mont Gargan, à quelques kilomètres de Limoges, pour récupérer des armes parachutées par les alliés il livre, et gagne, une bataille décisive face aux troupes de l’occupant et de la milice locale, pourtant supérieurs en nombre et mieux armé.
L'autorité de Guingouin renforcée, sa stratégie validée
C’est la validation de la stratégie de guérilla depuis les campagnes imposée au parti communiste par Georges Guingouin depuis le tout début de la guerre : lorsque l’ennemi est trop important, on recule, on se disperse dans la nature, on attend son passage et on revient occuper ses positions une fois qu’il est passé.
Les troupes de Guingouin sortent renforcées de la bataille du Mont Gargan.
Le 21 août, grâce à un rapport de force devenu favorable, Georges Guingouin obtient la reddition de la garnison allemande de Limoges et libère la capitale régionale sans effusion de sang.
Six jours plus tôt, la 15 août, les Résistants corréziens avaient obtenu la reddition du colonel Heinrich Böhmer et libéré la ville sans véritables combats.
En Limousin, l’attente aura été bénéficiaire à la Résistance. Après le mois de juillet, la voie de la négociation, qui n’était pas une voie gagnée d’avance, devient intéressante. C’est ce qui va se passer pour les deux libérations, à Limoges et à Brive.
Pascal Plas, historien
Résistant dès 1940, le communiste Georges Guingouin a dû imposer ses choix et désobéir aux ordres de son parti. Il a constamment été guidé par la volonté d'épargner des vies humaines. Dans les années qui suivront, il paiera très cher sa double opposition à l'occupant et aux dirigeants de son parti. Mais sa stratégie aura été validée par les faits tout au long de la guerre et jusqu’à la Libération en 1944.
Le "préfet du Maquis limousin", libérateur de Limoges et Compagnon de la Libération est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands chefs de la Résistance française.