Nous voulions tester le vélo... à Limoges. Notre journaliste tout terrain Margaux Blanloeil est partie à l'aventure : "Hier, j’ai troqué mon vélo musculaire pour un électrique. Objectif : passer une journée en immersion avec les cyclistes limougeauds".

Pourquoi certains Limougeauds ont opté pour le vélo ? Sont-ils plutôt vélo classique ou électrique ? Quelles précautions prennent-ils pour rouler dans la ville ? Que pensent-ils des pistes cyclables ? Du lien avec les automobilistes ? Aimeraient-ils de nouveaux aménagements pour circuler ?

Avec beaucoup de questions en tête, je suis allée à la rencontre de ces cyclistes du quotidien. Pour ça, pour pouvoir les suivre, j’ai dû troquer mon vélo mécanique pour l’électrique. Car aujourd’hui, la majorité des vélos à Limoges sont électriques. C’est ce que m’a confirmé Eric Gady, responsable de la maison du V’LiM. La cause, le relief.

"Ici, à Limoges, le vélo classique, c’est quasi fini" explique Frédéric Larivière, gérant du magasin Cyclable qui vend 95% de vélos électriques. Les professionnels m’ont aussi confirmé l’accroissement du phénomène vélo.

  • Ecoutez l'intégralité de mon entretien avec Frédéric Larivière dans cette vidéo : 

Le boom a commencé pendant la crise sanitaire, un autre survient en ce moment, avec l’augmentation du prix de l’essence.

Alors ce vendeur se félicite d’avoir fait du stock. "Il y a 125 vélos prêts à être vendus". En revanche, le délai d’achat peut s’avérer long si le modèle demandé n’est pas référencé en magasin. Long, c’est-à-dire, environ 1 an. Chez V’LiM aussi, il faut patienter. Aujourd’hui, 450 personnes attendent un vélo. La demande est croissante et les loueurs comme les vendeurs font face à la difficulté d’approvisionnement, le résultat de la pénurie de matières premières.

Des raisons écologiques et économiques

Ma première rencontre à vélo, ça a été Laurence, Juliette et Pauline. Tous les matins, Laurence accompagne ses filles à vélo. Du quartier des Ruchoux, nous nous rendons toutes les quatre à l’école Jules Ferry. 

Il y a cinq ans, on s’est séparé de notre deuxième voiture et on voulait un mode de transport plus sobre. Donc on a loué un V’LiM. On s’est vite aperçu que c’était plus agréable d’être en vélo donc on s’est dit pourquoi ne pas tout faire à vélo ? On a acheté un vélo cargo électrique. Et aujourd’hui, nos déplacements quotidiens ne se font plus que de cette façon.

Laurence Momper, cycliste du quotidien

Plus tard dans la journée, je rencontre Aymeric. La trentaine. Lui, c’est un puriste. Aussi président de l’association Véli Vélo. "J’avais le permis mais je n’avais pas les moyens financiers d’acheter une voiture donc j’ai investi dans un vélo. Si mes parents étaient à la campagne, je pouvais quand même m’y rendre à vélo et il m’arrive de me déplacer jusqu’en Creuse ou en Charente." À bord de son vélo musculaire, de route, sur lequel il met des porte-bagages, Aymeric fait tout, du déplacement à la réparation. 

C’est une mécanique simple à entretenir. C’est satisfaisant de pouvoir le réparer soi-même et de ne pas avoir besoin d’électrique. Ça pollue moins que d’avoir encore des batteries, du cuivre… On en a bien assez avec nos smartphones. Même s’il vaut mieux se déplacer en vélo électrique qu’en voiture électrique. Les ratios de composants électroniques utilisés n’ont pas les mêmes masses.

Aymeric Moulin, président de l'association Véli Vélo

Effectivement, Frédéric Larivère, gérant du magasin de vélo l’explique : " Une batterie de vélo électrique pèse 3kg, celle d’une voiture électrique : 900 soit l’équivalent de 300 vélos".

Michel est retraité. Je l’ai rencontré après avoir suivi Aymeric jusqu’à l’atelier de l’association. Lui aussi est adhérent chez Véli Vélo et lui aussi fait du vélo pour des raisons écologiques. Il aime l’idée de " ne pas être tributaire de quelques soit d’autre", de ne pas avoir besoin de 2 tonnes pour se déplacer. Il rêve aussi d’une ville avec moins de voitures.

"C’est insupportable une ville avec des voitures partout. Ça pollue, ça sent mauvais. Comment peut-on vivre dans une ville où on s’intoxique ? La pollution de l’air est responsable de 48 000 morts par an en France. Donc moi j’habite Panazol et tous les trajets de 10 - 20 km, je les fais exclusivement à vélo."

En un peu plus de 50 ans, les routes ont totalement modelé Limoges et aujourd’hui, elle reste une ville conçue pour la voiture. C’est d’ailleurs une des missions de l’association. Faire en sorte de rééquilibrer l’espace public entre les automobilistes, les cyclistes et les piétons. Avec 350 membres aujourd’hui, un salarié et un service civique, l’association pèse dans les concertations. Elle est écoutée et elle rencontre une fois par mois, à tour de rôle, la ville et Limoges Métropole.

Il y aussi des professionnels qui mettent le paquet sur l’électrique. Le groupe La Poste a l’ambition depuis 15 ans de réduire son empreinte carbone. Plus de la moitié des tournées des facteurs se font à vélo électrique en 2022. Il y en a 42 à Limoges. J’ai suivi Wilfried. Il y a deux ans, sa tournée se faisait à pied. Mais elle a dû être rallongée, donc il lui fallait un mode de transport plus rapide. "Le vélo électrique, c’est nécessaire pour livrer le courrier, surtout pour le poids. On peut avoir jusqu’à 50 kg de courrier donc ce serait compliqué avec les rues pentues de Limoges."

Si certains misent sur le vélo, l'automobile continue d'être le mode de déplacement privilégié.

« C’est bon pour le moral et la santé »

Tous disent que ça leur fait du bien. Aymeric dit qu’il n’est jamais essoufflé quand il monte des escaliers. Laurence raconte que c’est devenu un plaisir.

En voiture, je me sens prisonnière. Le vélo, c’est le grand air.

Laurence

"Après avoir déposé les filles à l'école, je vais à l’hôpital en passant par les petites rues, j’aime bien voir les jardins, entendre les oiseaux, on n’a pas ça en voiture. Et puis, c’est plus actif."

Considéré comme une activité physique, en plus d’être écologique et économique, le vélo est bon pour la santé. Laurence exerce le métier de diététicienne et recommande à ses patients l’activité physique. "Au moins 30 minutes d’activité par jour permet de limiter la sédentarité. Faire du vélo par exemple, ça a un bienfait physique et mental. Ça empêche de grignoter. Ça permet de sentir son corps, d’en prendre conscience et d’y faire attention. Il y a des études qui montrent que les gens qui vont au travail à vélo sont plus disposés à travailler parce que l’esprit est oxygéné."

Rouler à bicyclette permettrait de muscler son cœur, de lutter contre la sédentarité donc de prévenir les maladies cardiovasculaires (infarctus, hypertension, thrombose veineuse, etc.

Reste la sécurité. Pauline, la cadette, a eu peur de sentir les voitures si proches d’elle au tentant difficilement de démarrer à un feu. Depuis, la famille redouble d’attention. En se déplaçant, elles forment un bloc, Juliette et Pauline sont l’une derrière l’autre, Laurence est à côté d’elles, à leur gauche, prenant la place sur la voie.

Prudence sur la route

Rouler à vélo peut paraître un jeu d’enfant. Pourtant, les cyclistes que j’ai suivis avaient tous une histoire à raconter, de la frousse à la panique. Limoges n'est pas simple à vélo, le site "L'homme en bleu" a même fait  le top 5 des pires aménagements cyclables. 

" Il faut avoir des yeux partout pour ne pas avoir un accident" raconte Wilfried. Le facteur a déjà eu peur plusieurs fois. " Un jour, une voiture n’a pas respecté un stop alors que j’arrivais à ce moment-là, j’ai eu une grosse frayeur. Il faut aussi faire attention aux entrées et aux sorties de garage explique-t-il. " Une fois, je suis passé au-dessus d’une voiture qui sortait du garage, y avait pas les signaux extérieurs d’ouverture de porte… et maintenant ça a été mis et ça augmente la sécurité." 

Sur la route, Michel, le retraité, me donne des conseils. Il me dit qu’il ne faut pas coller les voitures garées, qu’il faut se faire voir en se mettant presque au milieu de la voie. Il me montre aussi les "sas vélos", ces espaces au niveau des feux tricolores qui permettent aux cyclistes de se positionner devant les voitures et donc de ne pas respirer les pots d’échappement. Souvent mal connus des automobilistes, ils sont peu respectés. L’incorruptible cycliste me pointe aussi les "zones 30", des zones problématiques où les 30 kilomètres en vigueur sont là-aussi peu suivi par les automobilistes. Il me présente des panneaux auxquels je n’avais encore jamais vraiment fait attention qui offre la priorité aux vélos de passer à un feu même si celui-ci est rouge.

Il faut donc bien connaître le code de la route, " toujours regarder au loin" me glisse Aymeric et faire très attention aux priorités à droite, aux cédez-le-passage et aux stops dont se passent parfois les voitures.

Un collègue, lui-aussi cycliste du quotidien, me clame " C’est dangereux Limoges à vélo ! C’est une chance que je sois encore en vie."

Comme lui, certaines de mes rencontres aimeraient plus de pistes cyclables pour se sentir en sécurité sur la route. Sur le rapport avec les automobilistes, jusqu’à hier, j’entendais beaucoup "les voitures ne font pas attention aux vélos !". Mais les gens que j’ai suivis ont plutôt témoigné d’une majorité d’automobilistes civiques, respectant parfois tellement les vélos que les écarts importants pour les dépasser leur font mordre la voie d’en face. Ils en restent bien sûr quelques-uns, les impatients du matin et du soir qui ne supportent pas d’attendre derrière un vélo, lâchant une ou deux insultes au passage… hier, cela n’a pas manqué à ma journée. Le chauffeur d’un camion a pourri le cycliste devant lui.

Quels projets pour les pistes cyclables à Limoges ?

Limoges, c’est 71 kilomètres de pistes cyclables. Encore très insuffisant selon beaucoup de cyclistes.

Mais il y a des améliorations. En France, le gouvernement a même fait un plan vélo.

A Limoges, les aménagements ont augmenté notamment depuis la crise sanitaire avec des coronapistes, ces voies pour les vélos peintes en jaune devraient se pérenniser comme avenue du Général Leclerc, ou encore celle à l’angle de la place d’Aine et de la rue Couraud. La nouvelle piste cyclable qui rejoint le CHU depuis le boulevard de Vanteaux rassure beaucoup Laurence qui auparavant n’appréciait pas ce passage.

Limoges Métropole a de nouvelles ambitions. Jean-Marie Lagedamont, vice-président en charge des mobilités douces m’explique qu’il souhaite relier par des voies vertes, le centre-ville aux communes de la première couronne comme Boisseuil, Feytiat, Couzeix, Panazol ou encore Isle.

Entre Limoges et le Palais-sur-Vienne, sur la RD29, une voie verte est en cours d’aménagement. Les travaux d’une autre voie, bidirectionnelle cette fois, vont débuter entre l’avenue des bayles et Isle. Limoges Métropole commence aussi à travailler avec les communes de Boisseuil, Feytiat, Condat (où il y a une forte demande) pour faire des pistes qui ramèneront à Limoges. L’élu exprime aussi son souhait de développer un aménagement bucolique le long du périphérique, de l’avenue Bodin jusqu’à Beaublanc.

Enfin, il aimerait que le service de V’LiM puisse être accessible aux touristes, pour des locations courtes. Par exemple, avec des vélos à disposition à la sortie de la gare pour pouvoir se déplacer sur un séjour d’une journée.

De son côté, l’association Véli Vélo dépose régulièrement des projets d’aménagements à Limoges Métropole. Elle aimerait notamment une piste cyclable qui puisse longer toute l’Aurence sans interruption comme c’est le cas aujourd’hui.

Laurence elle, qui a œuvré pour installer des arceaux de vélo devant l’école Jules Ferry aimerait qu’il y en ait plus dorénavant. Je me suis bien rendu compte en la suivant qu’ils n’étaient pas assez nombreux par rapport au nombre de vélos. Elle souhaiterait aussi que la rue soit fermée aux voitures aux heures d’entrées et de sorties d’école.

Après presque 30 kilomètres, ma journée auprès des cyclistes limougeauds prend fin. Ils m’ont donné envie de remonter sur ma vieille bicyclette, de savoir la réparer pour aller plus loin, le nez au vent, rouler en contemplant les chemins de traverse de la capitale limousine.

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