Le théâtre de La Passerelle, à Limoges, ouvre ses portes non pas au public mais aux professionnels, lors de « représentation-répétition » de sa dernière création. Une expérience privilégiée, mais assez particulière à vivre.

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Tout part d'une rencontre fortuite, en ville, il y a deux semaines, avec Michel Bruzat, le directeur du théâtre de La Passerelle :

- Tu sais, on va monter une création, début mars, avec Mauricette Touyéras. Tu devrais venir.
- Mais comment cela ? Les théâtres sont toujours fermés !
- Oui, mais je vais ouvrir le mien.
- Pour un spectacle ?
- Oui, enfin... Comme une Générale.
- Ouverte au public ?
- J'aimerai bien. Non, comme on dit, juste aux professionnels...

Un spectacle ! Le dernier vu, finalement pas si loin, justement chez Bruzat, lors de la minuscule parenthèse de la rentrée...
N'empêche. Un spectacle ! En entier, pas juste le filmage d'un ou deux extraits, comme on le fait habituellement, et même avec la Covid, pour un reportage...

Depuis près d'un an que le Coronavirus bouleverse nos vies, le monde culturel, comme les autres, tente de survivre.
À coup de solutions alternatives, de résidences, d'Internet, de répétitions, de captations vidéos.
En se réinventant, parait-il...

Et, à ces occasions, les « professionnels de la profession », dont les journalistes font parti par extension, peuvent, dans le respect des règles, consignes et gestes sanitaires, y assister.
Forcement privilégiés par rapport au public...

Alors oui, l'occasion était belle.
Une représentation. Presque privée. En matinée.
Réservation prise.
Rendez-vous 14h00...

Le théâtre est ouvert, mais tout de même, faut pas pousser, son rideau est baissé ! Est-ce qu'on se serait trompé ? Non. Mais l'entrée se fait par la petite porte.

Plaisir immédiat de se retrouver là.
Sourire de voir l'hôte, Michel Bruzat, accueillir avec gel et masque, avant que de traditionnellement distribuer le flyer du spectacle...
Finalement, c'est bien la Covid, ça va vite, il n'y a pas de queue !

Plaisir aussi de retrouver la salle, si particulière ici, cet espèce d'ovale avec sa petite scène au bout, et son décor installé au milieu.
Mais elle est vide. Drôle de sensation.

En fait, vide, pas totalement. Nous serons quatre, trois comédiens et le journaliste, plus le responsable des lumières à son pupitre.
Sans consigne, on s'installe instinctivement loin des autres.
Metteur en scène, Michel Bruzat nous rejoint.
Le noir se fait.
La comédienne, Mauricette Touyéras, apparaît, et vient au centre...

Un mot, tout de même, sur ce qui est proposé :
« Une légère blessure », un texte de Laurent Mauvignier, auteur habitué de La Passerelle.

Soit une femme, qui a invité sa famille, après une longue séparation ; et qui va parler toute la soirée à un personnage invisible, celle qui prépare le repas mais qu'on ne verra ni entendra ; parler d'hommes, de sexe, d'amour, d'amitié et, forcement, de famille.
Un texte fort, magnifiquement porté et habité par Mauricette Touyéras, peut-être moins social qu'à l'accoutumée à La Passerelle, mais assurément toujours aussi humain, toujours avec autant de sens.

Quand, au bout d'une heure, les lumières se rallument, les applaudissements sont timides (du fait de la faible assistance, et peut-être du manque d'habitude depuis si longtemps...) mais sincères, et profonds. Quel plaisir d'avoir pu vivre cela !
Quelle émotion aussi.
Mais elle est plus particulière pour le journaliste.

Les autres ont l'habitude : dès les premières répétitions, l'essentiel se passe ainsi, en catimini.
Vous me direz, les reportages sur une pièce de théâtre aussi.
Mais à moins d'un échec, toujours possible, les pièces, elles, se font en public. Or il n'y en avait pas.

Savez-vous qu'un théâtre n'a pas les mêmes bruits, la même acoustique, les mêmes lumières, jusqu'à la même odeur, suivant qu'il soit vide ou plein ?
Que la pièce, ses mots, son sens, peuvent changer, suivant qu'on les reçoivent seul ou accompagné ?

Il y avait, presque terrifiante, la sensation d'être le dernier homme sur terre.
D'assister seul et pour toujours, à quelque chose qui aurait du être universel et instantané.

La même réplique, le même détail scénique, la même réaction du public (en l’occurrence sa quasi absence de réaction) donc...
Tout ce qui d'habitude porte et fait vivre la pièce au spectateur en direct était au contraire prétexte à la divagation, à l'introspection voire la mise en abyme, qui viennent normalement après !

Heureusement, la comédienne et son texte reprennent le dessus. C'est bien à du théâtre, à du spectacle vivant, que l'on vient d'assister.

Et le journaliste de se dire, en rentrant pour taper cet article, que finalement, Covid ou non, conditions particulières, spectateurs ou pas, l'alchimie était présente.
Elle était là, puisqu'il y a eu émotion, échange et partage.
C'est à dire, en ces temps particuliers, que c'était essentiel !
Et si c'est un privilège de l'avoir vécu, c'est un devoir de l'affirmer.

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