Alors que l'emblématique club de basket traverse l'une des crises les plus graves depuis sa création, un documentaire revient sur son histoire. Les réalisateurs Nicolas Fay et Marie-Ange Magne racontent ce qui les a motivés pour réaliser ce film.
Cinq questions à Nicolas Fay et Marie-Ange Magne, réalisateurs
Comment est née l'idée de consacrer un film documentaire au Limoges CSP, club emblématique du basket français ?
Marie-Ange Magne : On voulait faire un film qui rende sa fierté à une ville blessée, qui souffre d’un sentiment d’abandon. En France ou à l’étranger, on connaît Limoges par son club de basket, son palmarès et la ferveur des supporters. Le temps passe, mais les supporters sont toujours là. C'est une passion qui se transmet ici de génération en génération. Ça nous a questionnés : comment expliquer cette ferveur qui ne faiblit pas ? On a voulu décrypter cette sociologie des supporters de Beaublanc, qui fait du Limoges CSP un club particulier. Et on ne peut pas parler des supporters du CSP sans parler de cette ville.
Nicolas Fay : Je ne suis pas originaire de Limoges, je ne connaissais rien au basket et j'ai découvert le Palais des Sports Beaublanc avec des yeux d'enfant. On avait envie de raconter une histoire qui mette en exergue les valeurs de cette ville : son enracinement, son sens du labeur, son envie de rayonner et en même temps sa discrétion naturelle.
Le Limoges CSP est l'archétype de ce qu'est cette ville : une exigence et une passion exacerbées, et en même temps des craintes, des doutes quant à l'avenir. C'est ce manque de confiance en soi qui rend Limoges intéressante. On a voulu comprendre comment on peut montrer une telle force dans les travées de Beaublanc, et en même temps traverser des périodes intenses de doute, de remise en question.
Ce film ne raconte pas l'histoire du club, mais l'histoire du club et ses supporters, c'est très différent, pour quelles raisons avoir fait ce choix ?
Marie-Ange Magne : Le film raconte les deux. C’est l’histoire d’un club qui entraîne cet engouement des supporters, et inversement.
C’est une histoire d’amour entre un club et son public.
Marie-Ange Magne
Plus on comprenait l’histoire du club, plus on comprenait la ferveur des supporters, plus on s’interrogeait sur la résonance que cette histoire peut avoir aujourd’hui : que faire d’un club qui a tout gagné ? Comment respecter son histoire, et être à la hauteur de cet héritage ? C’est un film de mémoire sur un club de légende. Et c’est un film qui passe le relais à la nouvelle génération : une génération tournée vers l’avenir et son rêve de NBA.
Nicolas FAY : Ce qui motive notre intérêt, c'est l'humain. On avait à cœur de comprendre pourquoi ce club suscite autant de passion chez ses supporters. On a commencé notre tournage par poser notre caméra au milieu du public de Beaublanc. Et puis peu à peu, on s'est rapproché du parquet.
Il nous fallait comprendre ce qui faisait autant briller les yeux des supporters Limougeauds.
Nicolas Fay
Cela nous a poussés à revenir sur l'histoire incroyable de ce club, mais aussi sur les valeurs qu'il véhicule, notamment auprès des jeunes. C'est un modèle d'intégration, de solidarité, et de dépassement de soi. Chaque saison est une aventure humaine. On avait à cœur de restituer ce lien entre le club et ses supporters.
Qu'est-ce qui vous a marqué pendant ce tournage qui a s'est déroulé sur une longue période ?
Marie-Ange Magne : J’ai été particulièrement marquée par les rumeurs qui parcourent la ville. Il n’y a pas eu un jour sans une nouvelle rumeur qui anime le tout Limoges. Cela nous a inspiré cette voix off qui est Limoges. C’est la porte-parole du public limougeaud. Elle incarne cette ville authentique, ouvrière, paysanne, nostalgique de sa gloire passée et en quête d’un renouveau. Ces rumeurs rendent la ville attachante, parce qu’elles sont les marqueurs d’une inquiétude constante. Mais c’est aussi une forme de pression qui nous a poussés, pendant le tournage, à prendre un peu de hauteur.
Nicolas Fay : On a beaucoup appris avec ce film sur nous-mêmes. Il faut dire que durant un an et demi, on a vécu le meilleur et le pire. On a tellement épousé notre sujet que l'on a eu le sentiment, à un moment donné, de devenir le CSP de l'audiovisuel. Jusqu'au bout, on a dû faire face aux ambages qui relèvent au mieux d'un drôle de concours de circonstances, au pire presque d'une malédiction. À chaque étape passée, on a dû faire face à une nouvelle difficulté et trouver des solutions. C'est un film qui nous a poussés dans nos retranchements. À l'image du basket, il nous a fallu rebondir et nous adapter.
Comment votre binôme de réalisateurs a-t-il fonctionné ?
Marie-Ange Magne : Nous avons tourné ensemble à deux caméras, en complémentarité. Nous nous étions mis d’accord sur la nécessité d’avoir du rythme dans un film qui parle de basket, et d’avoir une esthétique capable de restituer en quoi ce sport peut être fascinant à regarder. Nos rôles se sont davantage distingués lors de la post-production, où je suis rentrée dans un travail d’écriture de la voix off, de mise en cohérence des idées, là où Nicolas est revenu au travail de montage qu’il maîtrise parfaitement.
Nicolas Fay : L'avantage de travailler à deux, c'est que lorsque l'on trouve un point d'accord, il est imparable. On s'est nourri l'un et l'autre de nos idées, de nos expériences, pour ne retenir que le meilleur. Dans les nombreuses péripéties que nous avons vécues durant la production de ce film, le fait d'être deux nous a donné l'énergie nécessaire pour maintenir notre cap. On s'est toujours dit que seul le film compte. C'est ce qui forge un vrai travail d'équipe.
Chacun a apporté sa pierre à l'édifice pour trouver un équilibre dans le propos du film.
Nicolas Fay
Qu'aimeriez-vous que l'on retienne de film, quelle que soit la suite que connaîtra le club ?
Marie-Ange Magne : Ce film a été très stimulant à réaliser, parce qu’il nous a fallu proposer une vision qui corresponde à l’actualité du moment, quelle qu’elle soit. On s’est attaché à prendre de la hauteur, à confronter les regards, et on espère que ce point de vue permettra de voir les choses sous un angle nouveau. On s’est attaché à donner au public des clefs de compréhension sur les enjeux du club dans un écosystème du basket en pleine transformation. Au final, on ne peut pas montrer les enjeux du Limoges CSP pour l'avenir sans regarder ce qui se passe ailleurs.
Nicolas Fay : On aimerait que ce soit un film de réconciliation. Nous avons donné la parole à des personnalités qui ne se parlent pas, ou qui ne se parlent plus. Notre volonté était de susciter un débat, parce que c'est en écoutant tous ses points de vue que l'on trace un chemin vers une vérité. On a un sentiment de gâchis parce qu'on a le sentiment qu'en combinant toutes ses forces, le club pourrait aller de l'avant plus facilement. Le passé éclaire l'avenir. Il faut se servir de la nostalgie qui habite ce club pour ouvrir une nouvelle page. Cela fait peur, et en même temps, c'est un moteur. On espère que ce film participera à unir les forces autour du club.
Autour du film
"Je suis Limoges" a fait l'objet d'une projection en avant-première au cinéma Grand Écran ester de Limoges. 1600 personnes ont pu découvrir le film avant la diffusion.
Pour raconter le film, les réalisateurs ont fait appel à la comédienne Michelle Atlani. Elle explique ci-dessous comment elle a travaillé sa voix pour incarner vocalement, je suis Limoges.
- Diffusion sur France 3 Nouvelle-Aquitaine le jeudi 13 juin à 22.50 et déjà disponible sur la plateforme France.tv. Le film sera encore disponible 30 jours après sa diffusion.
- Une coproduction Ce qui nous plaît - France Télévisons