Ce 15 mai est la journée mondiale des blaireaux, animal sauvage chassé par les fédérations lors d'une pratique dénommée vénerie sous terre. La demande de prolongations de périodes de chasse donne lieu à des autorisations par arrêtés préfectoraux, sanctionnés ensuite devant les tribunaux, en Limousin comme ailleurs en France.
Si une journée mondiale est consacrée aux blaireaux selon l’Association de protection des animaux sauvages (ASPAS) qui l'a initiée, c'est pour améliorer les connaissances sur ce mammifère, le plus grand des mustélidés de France. C'est aussi "pour alerter sur la cruauté du déterrage", appelé vénerie sous terre.
Une chasse contestée devant la justice
Si la période de chasse commence officiellement le 15 septembre pour se prolonger jusqu'au 15 janvier, les chasseurs demandent systématiquement une autorisation préfectorale pour l'avancer au 15 mai.
Dans chaque département, des centaines de blaireaux, adultes et petits, sont tués pendant ces journées d'ouverture de la chasse et de prolongation, systématiquement autorisées par les Préfectures.
Cette chasse et son calendrier de prolongation se retrouvent depuis deux ans devant les tribunaux administratifs à la demande notamment de deux associations de défense des animaux sauvages : One Voice et l'ASPAS.
Ces arrêtés sont sanctionnés par le Juge administratif dans de nombreux départements : Orne, Somme, Ile et Vilaine, Vienne, Ain, Loire et Cher, Meurthe et Moselle, Allier, Cantal, Nièvre, Aube, Tarn, Loire-Atlantique, Haute-Vienne... au motif que les blaireautins nés au printemps et non autonomes encore au 15 mai peuvent encore se trouver dans les terriers.
Or, il est illégal, et le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative, l'a rappelé dans un arrêt du 28 juillet 2022, de tuer les petits non sevrés d’une espèce classée chassable.
De nombreux pays européens ont d'ailleurs renoncé à cette pratique du déterrage du blaireau.
Regardez le reportage avec le point de vue des chasseurs, évoquant notamment le fait que "le blaireau est un vecteur de la tuberculose bovine", ce qui est contesté par les associations.
Une journée récupérée par la Fédération de chasse de la Haute-Vienne
Le mammifère, empaillé, sert d'emblème à l'entrée de la Maison de la Nature de la Fédération de chasse de la Haute-Vienne à Limoges. En cette journée mondiale du blaireau, les chasseurs de Haute-Vienne se mobilisent pour défendre leur pratique de déterrage de ce mammifère.
Pour Natacha Poirier, porte-parole de la Fédération de chasse de la Haute-Vienne : "c'est un animal qui n'a pas de prédateur et qu'il faut réguler".
C'est un animal qui cause des dégâts, principalement à l'agriculture, il détruit des champs de maïs et s'attaque aux cheptels.
Natacha PoirierChargée de communication de la Fédération de chasse 87
Pour les associations, "la réalité des dégâts allégués par les fédérations de chasse et les préfectures pour fonder les arrêtés n’est jamais démontrée, y compris devant les juges administratifs. Il en est de même pour estimer les populations de blaireaux, aucune donnée chiffrée n'est communiquée", répond Nicolas Yahyaoui, Juriste de l'association One Voice.
Mais ce qui est surtout dénoncé, comme le faisaient encore les associations animalistes à Limoges dimanche dernier 12 mai, c'est la technique de cette chasse, le déterrage, une pratique jugée cruelle :
C'est une chasse qui se pratique sur plusieurs heures, car le but est d'atteindre le terrier du blaireau sous la terre, les adultes et les petits sans distinction sont ensuite attrapés avec des pinces puis achevés à coups de pieds ou de pioche ou de fusil... ce qu'il y a sous la main ce jour-là.
MartineMembre de l'association "One Voice"
Pour le GMHL, le Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin, il faut rappeler que le blaireau est une espèce inscrite à la Convention de Berne (1979).
La Convention de Berne interdit de chasser les petits qui ne sont pas encore indépendants, ce qui est le cas des jeunes blaireaux qui naissent vers le 15 avril. Un mois plus tard, ils ne sont pas encore sevrés.
Gabriel MétegnierDirecteur du Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin
C'est aussi tout un écosystème qui pâtit, selon les associations, de cette vénerie sous terre, car l'habitat du blaireau est aussi celui d'autres espèces protégées (chauve-souris, loutre d'Europe, amphibiens, campagnols...). Cette journée mondiale est aussi l'occasion de sensibiliser le public à tous les bienfaits que permet le blaireau à son environnement comme également la dispersion des graines, la consommation d'insectes et de rongeurs, Leurs comportements complexes de jeux et de prise en charge collective des petits sont encore à l'étude.
Quant aux dégâts que la Fédération de chasse leur reproche, ils sont pour le GMHL que quelques centimètres de terre retournée et surtout "le reflet de notre manque d'acceptation de "l'autre", du "sauvage" de l'indompté" et que tout ce qui dépasse doit disparaitre. Or, les dérèglements environnementaux doivent nous amener collectivement à une prise en compte de tous les composantes de cet environnement, tous indispensables à la résilience du chateau de carte qui nous permet de vivre dans un environnement sain et productif".