Ce mardi 2 mai, des travailleuses du sexe ont décidé de monter un colloque au théâtre de l'Union et à la faculté de Limoges pour expliquer leurs conditions de travail et les conséquences de certaines lois sur leurs activités. Une sensibilisation nécessaire selon elles.
Victime de violence, une précarisation de leur métier, relation compliquée avec les institutions… Les conditions des travailleuses du sexe, aussi appelé TDS, sont difficiles. Elles sont accompagnées d'un cadre législatif qui ne permet pas d’exercer leur métier correctement.
Les préjugés sont tenaces et nombreux sont ceux qui peinent à comprendre cette activité professionnelle. C'est pour cette raison que le syndicat du travail du sexe (Strass) a organisé le 2 mai 2023 un colloque dans le jardin de la faculté de Limoges puis au théâtre de l'Union pour une sensibilisation auprès du public.
Encadré par Camille Brouqué, travailleuse du sexe et coordinatrice du service juridique du Strass et Beryl Esbrayat, une autre travailleuse du sexe et administratrice du Strass, elles répondent aux questions sans tabou.
Une loi qui complique les conditions de travail
Avec le confinement et surtout depuis la loi de 2016, pénalisant les clients, le travail de ces professionnelles est plus difficile. Ce cadre juridique a plusieurs conséquences sur la vie de ces femmes et de ces hommes.
Ces personnes se retrouvent éloignées des centres urbains ou bien des endroits éclairés. Ces travailleuses et travailleurs se retournent donc vers des endroits plus reculés où il est plus facile de les agresser et de les voler.
Le client considère aussi que ce sont eux qui prennent le plus de risques. "Ils vont avoir tendance à plus négocier les tarifs et les pratiques", explique Camille Brouqué, travailleuse du sexe et coordinatrice du service juridique du Strass.
Le travail du sexe est légal en France. Nous avons même un code URSAAF. C’est considéré comme du travail dissimulé si on ne déclare ses revenus. Mais les clients, eux, n’ont pas le droit de consommer ce genre de prestations. Ils risquent pour cela une contravention.
Camille Brouqué, travailleuse du sexe et coordinatrice du service juridique du Strassà France 3 Limousin
Les lois sur le proxénétisme ont aussi des conséquences sur leur activité. "Cela va notamment pénaliser toute aide, assistance, même bénévole, entre travailleuses du sexe. Par exemple, de la mutualisation du matériel comme les préservatifs, du lubrifiant, etc. C’est considéré comme du proxénétisme", pointe du doigt Camille Brouqué.
Ces personnes sont aussi confrontées à des problèmes par rapport à leurs droits comme celui du droit au logement. Les propriétaires doivent dénoncer, et ce sans préavis, les travailleuses du sexe, sous peine d’être considéré comme des proxénètes.
"On le voit dans les logements privés, mais aussi des logements de travail. Il y a une énorme chasse des personnes travailleuses du sexe dans les Airbnb et les hôtels", assure la coordinatrice du service juridique du STRASS.
Un débat avec du sens
Parler et débattre de leur métier est important pour ces deux femmes. Elles veulent que le grand public comprenne "que la lutte des personnes du travail sexuel, c’est une lutte de travailleurs exploités". Pour cause, en 2021, quatre travailleuses sexuelles ont été assassinées et 48 viols ou tentatives de viol selon Médecin du monde. Pour elles, le débat public serait trop encombré par la problématique du choix de ce métier ou la notion de dignité.
Ces paroles de professionnelles, rare dans la sphère publique, fait sens pour le théâtre de l'Union à Limoges, qui accueille le débat. "Cet endroit est ouvert à toutes et à tous, inclusif, de lutte et sans en faire une revendication de la part du théâtre", témoigne Alexandra Debeaulieu, chargée des relations avec les publics et de la médiation culturelle au théâtre de l'Union.
C’est important de supporter l’ensemble de la population quelle que soit son activité professionnelle.
Alexandra Debeaulieu, chargée des relations publics et de médiation culturelle au théâtre de l'Unionà France 3 Limousin
Elle affirme que l'équipe de programmation du théâtre n'a pas hésité à ajouter cette rencontre sur leur agenda. "Cela me semble important de donner cette parole rare pour le public", ajoute-t-elle.