La rupture d'une canalisation d'eau potable, samedi 2 décembre, en plein centre-ville de Limoges, relance le questionnement sur l'état des canalisations en France. L'occasion de faire le point sur les obligations des villes et l'état du réseau en Limousin ?
Samedi 2 décembre, dans l'une des rues du centre-ville de Limoges, une importante canalisation a cédé et a déversé son contenu sous les yeux ébahis des passants. Si la rupture a été rapidement réparée et que les Limougeauds ont pu reboire sans souci l'eau du robinet, le fait divers interpelle toutefois.
Un matériau de construction sensible au gel
"C'était un tuyau de gros diamètre, de 600 mm, c'est pourquoi il y a eu d'importants volumes d'eau qui se sont échappés au moment de la rupture", explique Vincent Faure, responsable du réseau eau potable à Limoges métropole. Selon lui, le matériau utilisé et son âge peuvent expliquer, en partie, l'origine de l'accident. "La canalisation date des années 60 et est fabriqué en fonte grise. Les canalisations de cette sorte cassent assez régulièrement, notamment en période hivernale, car la fonte grise est sensible au gel."
Limoges n'est pas un cas isolé : 17% du réseau d'eau potable en France est encore en fonte grise. Quoi qu'il en soit, Vincent Faure conteste l'idée d'un réseau limougeaud vétuste. "La ville a, depuis des années, organisé un programme de renouvellement des canalisations", explique-t-il. En effet, la communauté urbaine de Limoges fait partie des bons élèves. Son taux de renouvellement des canalisations était de 0,67% par an en 2021 (moyenne nationale à 0,65%), et sa connaissance des réseaux (ICGP) était de 120 points, soit le score maximal (moyenne nationale à 102 points). Elle maintient ces résultats de performances en 2022.
Ce dernier point est important, note Jeanne Dequesne, chargée de mission statistique et économie eau à l'Office Français de la Biodiversité (OFB). "Plus une collectivité a une connaissance fine de son réseau, plus elle va être en mesure d'organiser un renouvellement efficace et ciblé." Dans une même ville, les tuyaux n'ont ni le même âge, ni la même composition en matériau : d'où la nécessité de savoir ce qu'il faut renouveler en priorité ou pas.
Des travaux très coûteux
Car impossible de tout renouveler d'un même coup. "Il ne faut pas minimiser la difficulté et les investissements coûteux de ces travaux qui se programment sur le moyen long-terme, rappelle Sophie Portela, cheffe de projet services publics eau et assainissement à l'OFB. En France en 2019, le linéaire de réseaux d’eau potable est de 895 000 km à maintenir durablement."
En centre-ville, c'est d'autant plus compliqué. Dans le cas du tuyau en fonte grise rompu à Limoges, Vincent Faure précise qu'il a fallu faire attention aux autres tuyaux présents sous la route, comme les câbles de fibre ou téléphone.
Et surtout, ces travaux sont un coût important pour les communes. D'où la loi NOTRe de 2015 qui oblige les communes à transférer leur compétence concernant les canalisations à des intercommunalités ou des syndicats mixtes. "Il a été jugé que c'était un bon niveau organisationnel en termes de moyens humains, financiers et techniques, raconte Sophie Portela de l'OFB. Il s'agit aussi de faire des économies d'échelle." Pour le moment, 70% des communes ont transféré leurs compétences avec de grosses disparités selon les départements.
Pour les campagnes : plus de linéaire pour moins de ressources
Même pour ces intercommunalités, le coût du renouvellement reste un poids dans les finances des collectivités. Surtout pour les communes rurales. En effet, même si le coût d'un mètre de canalisation est plus important en milieu urbain (plus de paramètres à prendre en compte), il y a plus de kilomètres de canalisations pour moins d'habitants abonnés à ce réseau en milieu rural. Selon l'OFB, " la valeur à neuf par habitant du réseau (et donc la charge financière du renouvellement) est in fine bien plus élevée pour les populations rurales (~3 500€/hab) que pour les citadins (~1 000 à 1 500€/hab)". Surtout en période d'inflation, notamment sur le prix des matériaux.
Malgré l'investissement considérable que représente le renouvellement des canalisations, l'enjeu est considérable. Qui dit canalisations usées ou trop vieilles, dit aussi perte importante en eau et donc augmentation du prix de l'abonnement au réseau. En moyenne, 20% de l'eau serait perdue en France. Ceci dit, les données que recueille l'OFB sont basées sur les déclarations des différentes communes avec, là encore, de grosses disparités.
Dès février 2024, toutes les collectivités locales, même de petite taille, auront l'obligation de déclarer leurs données sur l'eau et l’assainissement sur Eau France.