Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière le déblocage de 4 milliards d'euros pour que Toulouse soit enfin raccordée à Paris par une ligne grande vitesse. Sauf que le tracé passe par Bordeaux et surtout pas par Limoges. Le centre de la France est-il boudé ?
Le Limousin et par extension le centre de la France est-il condamné à être le parent pauvre des politiques d'aménagement du territoire en terme d'infrastructures ferroviaires ? C'est la question que l'on peut legitimement se poser au regard des dernières décisions gouvernementales. 1,4 milliards pour la LGV Marseille-Nice, 4 milliards pour la ligne Bordeaux-Toulouse. Les élus du Limousin, même quand un des leurs était à l'Elysée, n'ont jamais eu cette efficacité pour décrocher leur ligne grande vitesse.
Les interventions n'ont pourtant pas manqué. Ce qui est étonnant ces derniers jours, c'est la volte face du gouvernement Macron. Les projets de LGV étaient gelés depuis 2017 et tout d'un coup les milliards affluent.
Qu'est devenue la priorité données aux lignes du quotidien et l'arrêt du tout TGV prônés notamment par Nicolas Hulot lorsqu'il était ministre ?
Sur le site du ministère de la transition écologique, les futures lignes se dessinent. Aucune ne concerne le centre de la France. Pendant des années pourtant, les élus de ces territoires se sont mobilisés pour la modernisation de la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), la construction d'une LGV sur le tracé du POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon) et la construction d'une LGV Poitiers-Limoges. Deux lignes LGV qui ne sont plus du tout à l'ordre du jour. Le barreau a été enterré. La ligne POCL est repoussée à 2035 ou 2040. Quant à la ligne POLT, cette nouvelle liaison par Bordeaux va-t-elle sonner le glas du tracé par Limoges ?
"Cette LGV va assècher la ligne historique notamment au sud de Limoges. Ce qui est assez irritant, c'est de voir que l'Etat va donner quatre milliards mais les régions et métropoles aussi. La Nouvelle Aquitaine va certainement donner deux milliards quand elle rechignait encore à donner 30 millions pour moderniser la ligne POLT." confie Jean-Jacques Lozach.
Inquiétude tempérée par Jean-Claude Sandrier le président de l'association Urgence Ligne POLT.
" Je ne la pense pas en danger à cause de cette nouvelle ligne. Il y aura toujours besoin d'avoir des déplacements entre régions, entre Limoges, Brive et Toulouse par exemple. S'il y avait dix trains par jours sur le POLT, la LGV par Bordeaux entraînerait peut-être la suppression d'un ou deux trains, mais là il n'y en a que deux ou trois par jour. Des trains qui sont indispensables car ils resteront au moins moitié prix par rapport au TGV pour qui accepte de faire le trajet en deux heures de plus mais beaucoup moins cher".
Vision partagée par Jean-Marie Lagedamont, adjoint au maire de Limoges en charge des réseaux. "La question du prix va peut-être ramener sur terre pas mal d'utilisateurs qui préfereront passer par Limoges".
La construction de la LGV par Bordeaux ne remet pas non plus en cause les investissements qui ont été lancés pour la remise en état du POLT. Dès 2023, les nouvelles rames vont arriver. Elles seront d'ailleurs présentées à la mi-mai. Elles seront majoritairement déployées en 2024.
Par contre l'annonce du financement de la LGV a donné du grain à moudre aux élus membres d'Urgence ligne POLT. Avec les travaux en cours Limoges sera à 2h50 de Paris. Une modernisation supplémentaire, dont le coût est estimé, à 370 millions d'euros mettrait Limoges à seulement 2h30 de la capitale et Brive à 3h30. Une goutte d'eau maintenant que l'on sait l'Etat et les Regions capables de sortir des milliards en claquant des doigts.
"Ce sont des durées qui représentent un point de bascule à partir duquel nous devenons attractifs. Avant les travaux, la ligne commençait à regagner des voyageurs. Je suis persuadé qu'elle aura un bel avenir après" explique Jean-Claude Sandrier.
L'Etat s'est déjà engagé à financer à hauteur des deux tiers ce plan de modernisation. Le tiers restant c'est 30 millions à débourser pour chacune des quatre régions du tracé.
"Nous avions déjà l'accord de principe de la region Centre Val de Loire. Bizarrement celui de la région Occitanie est arrivé vendredi et nous attendons toujours la réponse de la Nouvelle-Aquitaine. J'attends dans les prochaines semaines de voir les présidents des régions concernées se réunir pour faire une belle annonce" explique un brin ironique le sénateur de Creuse.
La même ligne est tenue à Limoges par Jean-Marie Lagedamont : "Nous avons dit à la région. La modernisation de la ligne POLT c'est vos 2 milliards pour la LGV plus 30 millions".
L'aménagement du territoire à repenser
Par contre une question reste posée en terme d'aménagement du territoire. Cette Nouvelle-Ligne qui va donc mettre Toulouse à 3 heures de Paris ne va-t-elle pas continuer à concentrer la population dans des grandes métropoles déjà engorgées alors que plusieurs villes du centre de la France se vident peu à peu de leurs habitants et pourraient facilement en accueillir de nouveaux ? Donner leur chance à nos régions ne semble pas être une priorité de la haute administration. Lors d'une conférence de presse à Guéret en 2018, Didier Lallement qui était à l'époque préfet de la Grande Région avait quelque peu soufflé son auditoire en présentant comme une fatalité le fait que les activités se concentrent sur la bande littorale de la région et que l'intérieur des terres dépérisse lentement.
Vous savez ces personnes qui nous ont expliqué dans les années 2000 que ça allait être formidable de tout concentrer dans les métropoles à l'échelle européenne sont les mêmes que ceux qui nous expliquaient il y a trente ans que d'avoir une industrie en France, c'était dépassé. On ne peut pas dire qu'ils ne soient pas visionnaires. Ils ont bien une vision mais qui ne va pas dans le sens de l'intéret général Jean-Claude Sandrier, par ailleurs ancien maire de Bourges et ancien député du Cher.
La LGV n'arrivera donc pas de sitôt en Limousin, ni dans le centre de la France. Mais peut-être est-ce là, en fait, un avantage qui préserve nos régions de transports certes rapides mais coûteux, de la flambée des loyers et des tags anti-parisiens qui peuvent fleurir ailleurs. Un enclavement qui ne semble pas non plus rebuter les nouveaux arrivants, venus nombreux depuis la crise sanitaire et qui viennent précisement rechercher ici un autre art de vivre.