L'Université de Limoges possède des chercheurs sur le droit et la justice, ayant notamment pour mission l'observation et l'analyse des procès terroristes, raison pour laquelle ce colloque est organisé en Haute-Vienne. De nombreuses personnalités judiciaires et universitaires sont attendues. Le public y est convié.
Pendant deux jours, les jeudi 26 et vendredi 27 janvier, se succèderont magistrats, journalistes, maîtres de conférences, directeurs de recherches... tous acteurs de procès de terrorisme.
Ce sont en effet des regards croisés qui vont alimenter ces deux journées de colloque, organisé par l'liRCO, l’institut international de recherche sur la conflictualité, adossé à l’Observatoire des mutations institutionnelles et juridiques (OMIJ) à l'Université de Limoges, et l’AFHJ, l'association française pour l’histoire de la justice et les Archives nationales. La Cour d'Appel de Limoges et le Conseil national des compagnies d'experts de justice ont apporté également leur collaboration.
Une expertise sur les procès des attentats en France
L'IiRCO est dirigé par Pascal Plas, spécialisé en histoire, histoire du droit et science politique. Il est également directeur de la Chaire d’excellence Gestion du conflit et de l’après-conflit à l’Université de Limoges.
"Nous développons un programme de recherche, en lien avec les juridictions pénales internationales, les ONG et différents organismes de l'ONU. C'est un travail sur la répression des crimes de guerre, des génocides et des crimes contre l’humanité, à partir des archives des tribunaux pénaux nationaux et internationaux, des rapports d’expertises du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, des archives des organisations non gouvernementales également. Nous avons des correspondants dans plusieurs pays qui abondent notre base documentaire, des collaborations en Belgique, en Afrique, au Chili, en Asie, etc."
Une expertise identifiée et reconnue par le Ministère de la Justice. Ce dernier a donné à l'IiRCO une mission d'observation et d'analyse de la qualité de la Justice lors des procès hors normes de la Cour d'assises spéciale de Paris :
- En pour juger 14 personnes pour les attentats à Charlie-Hebdo, de la fusillade à Montrouge et de la prise d'otage à l'Hyper-Cacher de la porte de Vincennes à Paris ayant entrainé la mort de 17 personnes.
- En septembre 2021 : jugement des auteurs ou complices des attentats du 13 novembre 2015, au Bataclan, sur les terrasses et au Stade de France, qui ont causé la mort de 131 personnes et blessé 413 personnes à Paris et Saint-Denis
- en septembre 2022 : procès des 8 accusés en lien avec l'attentat de Nice le 14 juillet 2016 qui a causé la mort de 86 personnes et blessé 450.
Des historiens chercheurs et des étudiants des universités de Limoges et Rouen ont assisté à ces procès dans le cadre du programme de recherche né de cette mission de la Chancellerie, au cœur d'un consortium constitué à cette fin.
La particularité du colloque est de réunir des acteurs et observateurs des diverses disciplines ayant suivi les procès de terrorisme.
La place des victimes
C'est une place particulière qu'a voulu accorder le ministère de la Justice dans l'organisation des procès des attentats. Les magistrats ont été particulièrement à l'écoute, pendant de nombreuses journées, des témoignages de toutes celles et de tous ceux qui voulaient et pouvaient déposer à la barre. Un temps d'écoute qui a été programmé et qui a pu être dépassé, pointant là l'absolue nécessité de recueillir cette parole dans le cadre de ces procès exceptionnellement enregistrés.
"Dans le système anglo-saxon, l’interrogatoire des victimes est très directif. Les victimes ne peuvent pas développer leur récit. Elles sont souvent désarçonnées et finissent par se dire que la justice ne les écoute pas. Dans notre système romano-germanique, on laisse beaucoup plus de place à la parole des victimes et cette place a été notamment importante dans les procès des attentats terroristes" souligne Pascal Plas. "C’est une justice exceptionnelle par les moyens qui ont été mis en œuvre, les locaux, le nombre de participants... Il a fallu construire des salles spécialisées avec du matériel de retransmission de pointe, mettre en place des canaux de diffusion spéciaux pour ceux qui ne pouvaient pas se rendre aux procès. Il y a eu de grands moments d’émotion dans ces procès".
Un temps d'écoute nécessaire dans le processus de reconstruction des victimes et de leurs proches.
L'association France Victimes sera notamment représentée au colloque à ce sujet.
Liste des intervenants et programme ici.
Objectif de cette mission d'observation et d'analyse
Les données recueillies vont être analysées dans les mois à venir et organisées pour les rendre exploitables par des chercheurs. Il s'agit d'une recherche pluridisciplinaire, qui fait collaborer des sociologues, des anthropologues, des linguistes, des juristes, des psychanalystes, des journalistes, des enquêteurs, des médecins…
"Dans le cadre d’un programme de recherche inter-universitaire, j’ai constitué un consortium de 25 collaborateurs, pour mener, pendant trois ans, une étude comparative. Nous assistons aux procès, nous récupérons les archives" explique Pascal Plas. "Nous interrogeons les acteurs (magistrats, avocats, victimes, journalistes), pour faire une analyse complète de comment les procès se déroulent et comment ils sont perçus.
Nous faisons également une étude comparative avec des procès terroristes ayant eu lieu en Belgique et en Espagne. Nous collaborons avec l’INA et la BNF qui ont collecté les millions de tweets et tout ce qui a été diffusé dans les médias numériques, pour essayer de comprendre la réception de la justice à travers les réseaux sociaux et la toile par le grand public"
Présence de François Molins, Procureur général près la Cour de Cassation
Pendant sept ans, il a été procureur au parquet de Paris, en charge des attaques terroristes qui ont bouleversé la France, à commencer par les attaques de Mohammed Merah en 2012. Une expérience qu'il qualifie de "hors normes". Après chaque attentat, c'était sa voix qui mettait des mots sur l'horreur. Aujourd'hui, il occupe le plus haut poste de magistrat du parquet. Son allocution ouvrira le colloque le 26 janvier.