Propriété du groupe suédois Volvo depuis 2001, Arquus (anciennement Renault Trucks Defense), est en négociation exclusive avec le groupe belge John Cockerill pour son rachat. L'industriel veut relancer les ventes à l'export, au plus bas niveau depuis deux ans.
Le 31 janvier dernier, François Michel, président du groupe belge John Cockerill, était auditionné par la commission défense de l'Assemblée nationale pour expliquer son projet de rachat du constructeur de blindés Arquus. Devant les députés, l'industriel a formulé le souhait de devenir un "acteur de premier plan dans un segment bien particulier qui est celui des chars blindés légers et en mettant un accent particulier sur la conquête des marchés internationaux". Une stratégie résolument tournée vers l'export.
Un discours plus ou moins identique à celui tenu devant les représentants syndicaux d'Arquus, le 25 janvier dernier, lors d'un CSE extraordinaire. Pour Gilles Broche, délégué syndical CFDT d'Arquus à Limoges, "la présentation était rassurante. Ils nous ont dit vouloir développer Arquus."
Une site qui tourne au ralenti
Les deux cents salariés du site de Limoges, spécialisé dans la fabrication de véhicules neufs, commençaient à s'inquiéter. Depuis deux ans, l'usine tourne au ralenti. Malgré la guerre en Ukraine, malgré les mots d'Emmanuel Macron qui promettait le passage à une "économie de guerre", malgré un contexte international très tendu... Le carnet de commandes peine à se remplir. “Ça fait deux ans et demi qu’on travaille à 80% pour l’armée française. Ça nous permet de vivre, mais pas de nous développer.”, regrette Gilles Broche.
La loi de programmation militaire, votée en juillet dernier, prévoit pourtant le renouvellement des équipements de l'armée française à hauteur de dix-sept milliards d'euros pour l'année 2024. Trente-trois Jaguar, 138 Griffon et 103 Serval seront ainsi livrés cette année à l'armée de Terre.
Insuffisant, répond le candidat au rachat d'Arquus, pour qui il faut voir au-delà des besoins de la France : "Il y a des besoins immenses dans des grandes zones émergentes qui sont en volume nettement supérieurs aux besoins de nos forces armées", a ainsi répété François Michel devant la représentation nationale. Dans le domaine de la défense, John Cockerill est spécialisé dans la fabrication de tourelles à canon pour l'armement de blindés légers. L'alliance avec Arquus "permettrait donc d’avoir une offre de véhicules complets, avec le véhicule et le système d’armement.", selon le syndicaliste.
Réduction des coûts et compétitivité
Problème : John Cockerill vise un marché extrêmement concurrentiel. “On fabrique des véhicules très complexes, très sophistiqués… Donc automatiquement très chers. Ils sont difficiles à vendre. Les délais d’approvisionnement de pièces et de fabrication sont longs.", observe Gilles Roche.
Récemment, Arquus a perdu un marché important au profit de la Turquie. "Les Turcs ont promis les véhicules à six mois, nous à deux ans.", se désole le représentant syndical. Un constat partagé par John Cockerill : “On a été dans beaucoup trop de directions et on a des produits qui sont trop complexes et beaucoup trop chers par rapport à ce que nos États peuvent se permettre”. Sur les difficultés d'Arquus à exporter sa production, l'unique candidat au rachat se dit "convaincu de pouvoir résoudre cette problématique."
Pour réduire les coûts de production et améliorer la compétitivité du constructeur, la stratégie du groupe belge se résume à augmenter le volume de production... sans toucher à la masse salariale. Interrogé à plusieurs reprises par les députés sur ce point extrêmement sensible, François Michel s'est montré très clair : “Il n’est absolument pas question de rationaliser ou de supprimer des sites”. Un soulagement pour les salariés du site limougeaud, même s'ils se montrent encore sur leurs gardes tant que la vente n'a pas été officiellement signée.