Comment s’organiser au mieux pour le déconfinement ? La question se complique pour les personnes sourdes ou malentendantes avec un port du masque généralisé. Impossible de lire sur les lèvres, et plus largement, bien délicat de comprendre les émotions de son interlocuteur.
Pour les personnes sourdes ou malentendantes, la période de confinement a parfois été compliquée à gérer, désormais il faut se projeter dans le déconfinement, avec une difficulté majeure : communiquer alors que le port du masque se généralise.
- Sophie Vouzelaud, comme d’autres personnes sourdes ou malentendantes, s’interroge sur ce déconfinement. Miss Limousin et 1ere dauphine de Miss France en 2007, elle travaille aujourd’hui dans le monde de la mode et a l’habitude de côtoyer des entendants, mais le port du masque est pour elle un véritable casse-tête.
"Au niveau des masques c’est très compliqué. Nous avons la solution des masques transparents et la visière, malheureusement il y en a très peu donc ceci va être compliqué pour communiquer.
Moi par exemple j’aime bien communiquer oralement. La plupart du temps je rencontre des personnes entendantes qui ne connaissent pas la langue des signes, donc pour moi il est impératif que la personne qui se trouve en face de moi ait un masque transparent pour que je puisse lire sur les lèvres.
Systématiquement pour discuter avec une personne nous sommes obligés de lire sur les lèvres, s’il y a le masque il est bien évident que nous ne comprenons rien du tout. Sophie Vouzelaud
Il est beaucoup plus facile pour deux personnes sourdes de communiquer avec la langue des signes, avec ou sans masque, par contre discuter avec une personne qui porte un masque et qui n’est pas transparent et qui n’utilise pas la langue des signes, ce sera impossible pour nous de comprendre.
Dans le travail ça devient très compliqué. Pour ma part je suis dans les relations publiques J’utilise la langue des signes avec une interprète quand je me retrouve dans une situation où il y a beaucoup de monde. Mais pour moi la discussion orale aussi est très importante, pour pouvoir communiquer avec chaque intervenant, et en majorité ils sont tous entendants, donc la situation va devenir très compliquée.
Une autre solution serait aussi que la langue des signes soit plus pratiquée, alors, en attendant le déconfinement, Sophie propose à travers des vidéos d'apprendre quelques mots de la langue des signes. Une initiative pour laquelle elle a reçu de nombreux témoignages : "Je suis très touchée, ça prouve que les entendants ont envie de communiquer et d’utiliser la langue des signes. J’ai eu des messages de nombreuses personnes :infirmière, restaurateur, serveuse, réceptionniste d’hôtel ou encore maître nageur par exemple, ce qui les intéresse c'est de pouvoir être plus à l'aise avec des clients sourds. J'ai aussi des contacts avec des étudiants qui souhaitent devenir interprètes en langue des signes."
- Anne-Marie Roca, formatrice en langue des signes, relaie les mêmes inquiétudes avec le port généralisé du masque. Elle préconise l’utilisation de masques transparents.
"Les masques actuellement ne sont pas adaptés aux devenues sourdes personnes sourdes et malentendantes car la communication n’est plus compréhensible, et ces personnes ont tendance à s’isoler", explique Anne-Marie Roca.
Comment on va communiquer ça c’est la question. Une solution, c’est de créer des masques transparents. Anne-Marie Roca - Formatrice en langue des signes
"Le masque, c’est un problème pour les personnes qui sont devenues sourdes, car elles ne connaissent pas la langue des signes donc pour elles, la langue, c’est ce qui est oralisé, le mouvement des lèvres, alors s’il n’y a pas possibilité de voir ce mouvement des lèvres, il n’y a aucune communication, et elles ne comprennent rien.
Ensuite pour les personnes sourdes, souvent, elles s’aident du mouvement des lèvres. Il y a aussi toutes les émotions qui passent par le visage, il y a plein d’émotions, et le masque il est tellement enveloppant, il cache tout, on ne voit pas tout ça.
Et c’est pareil pour tous ceux qui interviennent au domicile, les aides à la personne, les infirmières, tous les soignants, et ça c’est un problème. Il faut ou des visières ou des masques transparents, en tout cas il faut que ce soit transparent.
Pour une personne sourde, si elle va faire ses courses toute seule, mettre un masque il n’y a pas de problème, mais un masque, tous les jours, quand elle est en contact avec des professionnels ou avec des amis, ça c’est impossible.
On a eu une personne sourde qui a été hospitalisée il n'y a pas longtemps pour le Covid 19 et mise à l’isolement dans sa chambre. Evidemment les soignants venaient la voir avec les équipements, la blouse, le masque, ils lui parlaient mais elle ne pouvait pas comprendre. On a expliqué qu’il n’y avait pas le choix il fallait qu’ils se reculent et qu’ils enlèvent le masque, il y avait pas d’autres solutions.
Elle a très mal vécu cette hospitalisation, il n’y avait pas de communication et elle a demandé à repartir chez elle plus tôt en signant une décharge pour pouvoir partir. Anne-Marie Roca - Formatrice en langue des signes
Dans la perspective de pouvoir de nouveau circuler plus facilement et plus librement, l’association LSF PI TOUS prépare des ateliers de confection de masques transparents. L’idée c’est de pouvoir fournir ces masques transparents pour ceux qui vont intervenir au domicile des personnes sourdes ou malentendantes, et de donner ces masques gratuitement ou à prix coûtant.
"On a fait appel à plusieurs entreprises à Limoges qui ont donné du matériel et on va faire des essais. On proposera surement aussi des visières et on fera appel aux personnes sourdes. On leur dira : "Voilà, essayez, et vous nous direz ce que vous préférez, la visière ou le masque transparent". Ce sera à elles de nous dire ce qui est le mieux."
Par ailleurs, l’association organisera dès que possible avec une sociologue un atelier pour réussir le déconfinement et parler des angoisses vécues pendant le confinement.
Mise à jour
Depuis la rédaction de cet article le 5 mai 2020, l’association LSF PI TOUS s'est associée à des couturières d'une entreprise locale qui fabrique jusqu'à 1 000 masques homologués par semaine.
Notre reportage du 19 juin 2020 (sous-titres disponibles) ►