Depuis le début de l’année, plusieurs mastodontes de la construction ont dû fermer boutique en Limousin. Les plus petites structures peinent à s’en sortir. En France, la construction dans le neuf a chuté de 20% en un an. Quelles sont les raisons de cet effondrement ? Comment lutter contre la crise qui touche ce marché ? On fait le point.
En banlieue de Limoges, à une dizaine de kilomètres du centre-ville, le mètre carré oscille entre 1700 et 2500 euros. Autrefois, l'entreprise Bâtisseurs d'ici construisait une centaine de maisons par an, contre soixante cette année. "Au départ, on avait un surcroît d’activité qui nous a fait vraiment avoir des pénuries de matériaux et également des difficultés pour trouver des artisans, explique Samuel Monteil, conducteur de travaux. Mais effectivement là, on a complètement changé de physionomie."
En chute libre
Mais depuis, la hausse d'activité a laissé place à une chute des commandes. Sur les trois derniers mois, le marché du neuf s’est effondré de 12% à l’échelle nationale.
Direction un autre chantier prévu en livraison pour la fin 2024. Sur place, une dizaine de corps de métiers se relaient. Un effectif réduit compte tenu du contexte, comme l'avoue Jean-Luc Raille, PDG Aquitaine Limousin Construction : "En trois ans, j'ai été obligé de me séparer de six personnes. Et c'est bien dommage, parce que ce sont des personnes de valeur que j'avais. Mais malheureusement, pour survivre, ce sont des décisions qui sont très difficiles à prendre, mais qu'il a fallu prendre pour continuer d'exister."
Depuis 2021, le chiffre d'affaires de la société est passé de douze à sept millions d’euros. L’inquiétude grandit chez les ouvriers. Ludovic Deuglane, menuisier, fait un constat amer : "Personne n'est certain de garder son boulot dans six mois. Les matières premières ont flambé, donc forcément derrière, ma menuiserie en elle-même a fortement pris."
"Tout le monde s'est retrouvé fortement impacté"
Résultat : de 170 000 maisons construites en 2007 en France, on chute à un peu moins de 60 000 maisons en 2023. Parmi les premiers maillons de la chaîne de construction, on retrouve les fournisseurs de matériaux. Cette année, les commandes et livraisons sont de plus en plus rares.
"La construction neuve a baissé de 30%, donc les volumes de matériaux vendus et consommés ont suivi la même trajectoire, explique Laurent Geslot, responsable d’agence et fournisseur de matériaux de construction. Tout le monde s'est retrouvé fortement impacté. Des gens qui n'étaient que dans ce secteur d'activité se sont retrouvés pratiquement du jour au lendemain sans commande et sans travail."
Certains produits, comme les tubes en PVC, ont vu leur prix doubler en trois ans. Un facteur parmi tant d’autres pour justifier cette crise, comme l’explique la Fédération française du bâtiment. Pour Jean-Marc David, président de la Fédération française du bâtiment en Haute-Vienne, "les prêts ont plus de quadruplé, donc on a eu un double effet de ciseaux qui reprend, d'un côté la hausse des matières premières, de l'autre côté la hausse des taux d'intérêt, ce qui fait que les gens sont sortis du regard auprès de la maison individuelle."
S'adapter pour survivre
Pour faire face, les entreprises de construction sont forcées de s’adapter. À Limoges, les structures essentiellement dans le neuf s’effondrent, mais certaines diversifient leur activité. Celle-ci s’est penchée sur les extensions de maisons. Des travaux avec des coûts beaucoup moins importants que la construction neuve.
Guillaume Barrière est gérant de la société JCC Construction et se cherche un avenir : "Je me suis dit, il faut qu'on augmente notre planète de clients ! Ce sera quoi ? L'agrandissement. Et j'observe une croissance des demandes d'agrandissement de maisons individuelles. Donc là, il faut être attentif, parce qu'on est sur de l'existant, de la maçonnerie existante".
Une spécialisation qui requiert, en effet, un certain savoir-faire. À Limoges, les entreprises sont encore très peu nombreuses à réaliser ce type de travaux.
Pour l’heure, la plupart des entreprises attendent la baisse des taux d’intérêt. Ces derniers devraient passer sous la barre des 3% d'ici à la fin de l’année.