Prison de Limoges : une enveloppe de 100 000 euros pour des travaux urgents jugée insuffisante

La maison d'arrêt de Limoges date de 1856. Elle n'a toujours pas bénéficié de rénovation. Son état est incompatible avec des conditions de vie dignes pour les détenus comme pour le personnel pénitentiaire. Les fenêtres cassées devraient être changées dans les semaines à venir, mais rien de plus pour la prison de Limoges dans le plan d'action annoncé par le gouvernement. Ni pour les autres établissements pénitentiaires du Limousin.

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Le rapport du bâtonnier des avocats du barreau de Limoges, Bertrand Villette, après la visite du 22 décembre de la maison d'arrêt de Limoges, qu'il a réalisée avec Me Juliette Magne-Gandois, avocate à Limoges, est édifiant. "C'est encore pire que ce que je pensais" nous avait-il alors confié.

Remis au directeur d'établissement comme aux instances nationales, ce rapport dénonce la vétusté et l'état de délabrement avancé de l'établissement, comme l'indignité des conditions de vie pour les détenus, en détention provisoire, ou condamnés pour des peines de moins de deux ans.

Le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité administrative indépendante, est également attendu depuis sa troisième visite du 3 au 7 janvier 2022. Le délai d'attente s'explique par le contradictoire imposé par la procédure administrative. Des échanges avec le chef d'établissement puis le ministère permettent d'ajuster la pertinence des recommandations proposées par le contrôleur général dans ses conclusions. Des recommandations locales et plus générales sans pouvoir d'injonction cependant. Cette instance peut seulement exercer son droit de suite pour savoir si des mesures ont été ensuite prises - ou pas - par la Chancellerie.

Le dernier rapport du Contrôleur général publié remonte à la deuxième visite de la maison d'arrêt de Limoges en décembre 2011.

Dans son allocution du 5 janvier, le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a annoncé le plan d'action du gouvernement pour la Justice, et notamment les mesures prises pour lutter contre la surpopulation carcérale. Il s'est appuyé sur le "plan 15 000" déjà entrepris, assurant 15 000 places supplémentaires pour la détention d'ici à 2027. 7000 places ont été livrées ou sont en voie de l'être. Un plan immobilier pénitentiaire de dix ans qui n'a cependant pas retenu le projet de construction d'une nouvelle maison d'arrêt en Haute-Vienne.

Pour l'heure, seul un budget de 100.000€ est annoncé, comme nous l'a confirmé Me Richard Doudet, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Limoges depuis le 1er janvier 2023. 

Il a été assuré à mon prédécesseur le Bâtonnier Villette que 100.000€ de travaux urgents seraient réalisés, songez quand même que des fenêtres sont cassées avec le froid qui entre dans les cellules, donc je serai avec l'Ordre très attentif à ce que ces travaux soient réalisés très rapidement

Richard Doudet - Bâtonnier de l'Ordre des avocats depuis le 1er janvier 2023

Cette visite impromptue réalisée par le bâtonnier est une disposition du Code de procédure pénale depuis la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Son application est entrée en vigueur courant 2022. Ce sont des visites qui peuvent se faire dans tout lieu privatif de liberté. Le bâtonnier a ainsi pu visiter en 2022 le Centre éducatif fermé de Moissannes et les locaux de garde à vue du Commissariat de Police de Limoges.

Une surpopulation carcérale systémique

La densité carcérale ne cesse d'augmenter d'année en année. Au 1er janvier 2022, voici les chiffres en Limousin :

Les derniers chiffres connus de la capacité d'accueil des quatre établissements pénitentiaires existant dans les trois départements étaient, au 1er janvier 2022, de :

Pour la maison d'arrêt de Limoges :

  • 62 places pour les détenus hommes alors qu'ils étaient 122
  • 10 places pour les détenues femmes alors qu'elles étaient 21
  • 10 places pour les mineurs. Seuls 2 étaient alors hébergés.

Pour la maison d'arrêt de Guéret :

  • 32 places pour 48 détenus hommes hébergés

Pour la maison d'arrêt de Tulle :

  • 47 places pour 89 détenus hommes hébergés

Seul le centre de détention d'Uzerche est à l'équilibre. Il accueille les détenus hommes condamnés à de longues peines :

  • 445 places pour 444 détenus placés

Les difficultés rencontrées à Limoges sont les mêmes ressenties dans les maisons d'arrêt de Guéret et Tulle, deux établissements qui datent de 1835 et 1961.

Pour le personnel pénitentiaire, difficile de rester motivé. "C'est pourtant encore le cas pour beaucoup d'entre nous" confie Hervé Boespflug, surveillant de détention à la maison d'arrêt de Guéret, membre du bureau Force Ouvrière. Pour lui, l'effort du gouvernement ne va malheureusement pas encore suffire : "il y a ce qui est annoncé et ce qu'on voit arriver sur le terrain. Tout le monde se félicite de ce qui est annoncé, mais ça va se concrétiser quand ? Des recrutements oui, mais le problème, c'est que le métier n'attire plus. La magistrature croule sous les dossiers, les effectifs manquent, ici comme ailleurs. Je ne suis qu'un fonctionnaire comme des milliers d'autres. La situation à Limoges est dramatique, Guéret ce n'est pas mieux."

On assiste tout simplement à une faillite des institutions, avec une politique du chiffre dans la fonction publique qui a des conséquences désastreuses. On est tous désabusés, sans espérance de voir la situation s'améliorer, mais on oeuvre au quotidien pour rester mobilisés et motivés

Hervé Boespflug - surveillant pénitentiaire membre du bureau FO

Le ministre de la Justice a annoncé vouloir développer les alternatives à l'incarcération, en demandant aux magistrats de prononcer plus de travail d'intérêt général dans les condamnations. La loi de réforme des peines de 2019 devrait également être évaluée par l'inspection générale de la Justice pour éventuellement "l'ajuster". L'idée est aussi de transférer des personnes détenues en maison d'arrêt vers des centres de détention où ne sont hébergés, jusqu'à présent, que les détenus condamnés à de longues peines.

Pour renforcer les conditions de sécurité et de travail du personnel pénitentiaire, rendues difficiles notamment par les conditions de vie déplorables dans les établissements insalubres, le ministère prévoit de généraliser le port de caméras-piétons. Des négociations autour d'un "accord-cadre inédit sur la qualité de vie au travail" sont également annoncées par la Chancellerie.

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