La ferme expérimentale du Mourier fête ses 20 ans en Haute-Vienne. Centre interrégional d'information et de recherche en production ovine et première Digiferme ovine de France, elle a été créée par les chambres d'agriculture et l’institut de l’élevage pour tester les innovations appliquées à l’élevage. Elle dispose d'une centaine d'hectares et de 700 brebis. L’idée est d’expérimenter en conditions réelles et avec des applications pratiques et rapides l’apport des nouvelles technologies pour faciliter la vie des éleveurs et rendre le métier attractif.
Dans ce bâtiment flambant neuf, Sophie Lavigne trie ses brebis. À la queue leu leu, elles attendent bien sagement dans un labyrinthe de petits couloirs spécialement aménagés. Le tri nécessite habituellement beaucoup de main-d’œuvre et fait suer à grosses gouttes les éleveurs, mais il est ici simplifié par la technologie. Comme dans un aéroport ou à l'entrée d'un stade, Sophie est armée d'un scanner qui lit les informations contenues dans les boucles des bêtes. Informations qui viennent s'afficher sur une tablette tactile.
"Ça me simplifie énormément le travail parce que je n'ai pas besoin de les enregistrer sur papier et je n'ai pas de risque d'erreur, de les oublier pour les faire partir à la réforme".
Les informations sont gérées dans un logiciel de gestion de troupeau qui permet de suivre son évolution en temps réel. Après avoir été scannées, les brebis passent à la pesée automatique. Ici, chaque innovation doit faciliter la vie des éleveurs pour rendre le métier plus attractif. Dernier test en date : les boucles haute fréquence.
"On va enregistrer les mouvements des animaux, notamment avant la mise bas, pour essayer de mettre en place un système d'alerte pour les éleveurs pour dire attention, sur ce lot-là, il y en a qui sont en train de changer de comportement et qui vont mettre bas très rapidement."
Prochain test : un prototype d'imagerie 3D. Des portiques vont être installés dans la stabulation. Ils permettront de modéliser les animaux en 3D pour évaluer l'état corporel des brebis et des agneaux. Il s'agit de détecter des pertes de poids ou des changements de morphologie qui pourraient être signes avant-coureurs de maladie.
La ferme expérimente également de nouvelles techniques d’élevage pour économiser du temps et de l’argent. Ici, des brebis paissent tranquillement dans des parcelles habituellement occupées... par des vaches laitières. C'est ce qu'on appelle la mixité.
"Les brebis peuvent nettoyer les parcelles l'hiver, ce qui permettra, au printemps, une meilleure repousse d'herbe et de meilleure qualité. ", confie Mickaël Bernard, sous-directeur du Centre interrégional d'information et de recherche en production ovine.
"L'intérêt, c'est de voir l'impact sur le nettoyage de la parcelle. Ça va nous éviter de passer le broyeur, donc une économie de temps et surtout de gasoil" se félicite Jean-François Degeorges, éleveur de vaches laitières.
L'avantage est aussi sanitaire. L'entretien des parcelles par les moutons limite la prolifération de parasites pour les vaches. Encore une source d'économie sur les traitements vétérinaires.
Autre innovation, les tests sur la nourriture des agneaux. Dans deux enclos, deux groupes d'agneaux sont nourris avec deux rations différentes. Les premiers ont la ration classique à base de fourrage et de céréales. Les autres ne consomment que du fourrage produit sur la ferme. "On limite le coût économique d'une ration et donc les charges pour l'éleveur. Les fourrages étant produits sur la ferme, il y a une moindre dépendance aux marchés mondiaux et on doit veiller à ce que la qualité de la viande reste identique" explique Mickaël Bernard.
À visée pédagogique, toutes les innovations de la ferme sont diffusées à un large public. Plus de 1000 personnes viennent la visiter chaque année pour une transposition rapide dans les élevages de toute la France. Une grande partie des visiteurs sont des futurs éleveurs. Cette vitrine technologique permet de leur présenter un métier plus attractif, car allégé des tâches les plus physiques et rébarbatives.