L'été avec Napoléon III : les pins des Landes

C’est un scénario digne d’un polar. Alors que l’empereur a promulgué la loi d’assainissement des Landes en 1857, l’Histoire a éclipsé son principal instigateur. Une version officielle qui s’est imposée pendant plus d’un siècle dans la plus grande forêt d’Europe...

 

Le bruit des vagues, le sable fin, un parfum de résine distillé par le soleil d’été… Il suffit de fermer les yeux pour se sentir un peu en vacances… à l’ombre d’un grand pin.

Pinus Pinaster : cet arbre-là est devenu le nôtre, il est présent partout, dans le paysage et dans les souvenirs de plage, avec ses tapis d’aiguilles craquant sous les espadrilles.

Les anciens l’appelaient l’arbre d’or. Le pin est indissociable de notre région. Les Landes sont le département le plus boisé de France. La forêt couvre 67% de sa superficie, atteignant aujourd’hui 632 000 hectares. Qui dit mieux en Europe ?

En se baladant nez au vent, à pied ou à vélo, on comprend vite que ces alignements n’ont rien de spontané. Que s’est-il passé ? Qui donc est à l’origine de ce territoire verdoyant, s’étirant à perte de vue, simplement égayée selon les saisons par le mauve des bruyères et le jaune éclatant des genêts ?
 

Nous posons la question à Jacques Sargos, auteur d’une monumentale « Histoire de la forêt landaise » (Editions l’Horizon chimérique). Avant lui, son grand-père Roger Sargos avait écrit un livre de huit cents pages sur l’épopée du reboisement. Autant dire que les pins font un peu partie de l’ADN de la famille ! Après des dizaines d’années de recherches, leurs travaux ont révélé des vérités insoupçonnées.

A commencer par l’importance du rôle des habitants, souvent négligé.

Les Landais n’ont pas attendu que des fonctionnaires leur en donnent l’idée… Le roi François 1er lui-même avait sollicité des Gascons pour faire pousser ces arbres dans « son jardin des pins » dans le parc de Fontainebleau. C’est la preuve irréfutable qu’ils étaient déjà reconnus pour leur savoir-faire. Ce sont eux les véritables pionniers. Dès le XVIème siècle, l’activité sylvicole existait pour le bois, le goudron, la résine, que l’on échangeait contre du blé.

Il y avait de grandes régions forestières, comme le Maransin. Dès que les gens avaient un peu d’argent, ils préféraient acheter des forêts plutôt que des landes. On a compté jusqu’à 50 000 hectares de pins dans la première moitié du XIXème siècle.

Bref, qu’on se le dise, les pionniers landais ne doivent surtout pas être sous-estimés dans la fondation de cet immense territoire boisé.

Cependant, tout va s’accélérer avec la loi du 19 juin 1857, loi relative à l'assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne.

Elle est promulguée par Napoléon III. L’Empereur s’intéresse à cette région qu’il veut arracher au « désert » comme l’on disait alors, la rendre peuplée et prospère.
 
Deux hommes, tous les deux ingénieurs des Ponts et chaussées, vont être à la manœuvre.  Le premier, Jules Chambrelent, est resté célèbre. Un collège porte son nom à Hourtin et une plaque commémorative lui rend hommage à Cestas avec ces mots : « il assainit et embellit la Lande, et porta l'aisance dans un pays déshérité ».

ll fut longtemps considéré comme "le père de la forêt landaise".

Le deuxième, Henri Crouzet, est passé inaperçu. Et pourtant, avec le soutien de Napoléon III, il mit au point une méthode beaucoup plus efficace, en creusant des canaux de drainage. Ce sont ses études, s’appuyant sur des recommandations locales, qui furent à l’origine de la loi impériale de 1857.

Au total, Henri Crouzet organisa l’assainissement de 20 000 hectares et construisit 428 kilomètres de routes avant de devenir… le grand oublié de l’Histoire.

Alors, que s’est-il passé ?

Roger et Jacques Sargos, grand-père et petit-fils, sont parvenus à démasquer celui qu’ils considèrent comme un usurpateur. Et ce qu’ils présentent comme un véritable « mensonge d’Etat ».

Le tour de passe-passe s’est effectué sur fond de rupture du régime politique. Lors de la chute de l’Empire en 1870, il fallait effacer le souvenir de l’empereur déchu et de tous ceux qui avaient œuvré à ses côtés. Il était impensable de reconnaitre la réussite de leur action.

La IIIème République, évitant soigneusement le nom d’Henri Crouzet, ne va pas hésiter à fabriquer son propre héros de la forêt : ce sera Jules Chambrelent.
Comme l’écrivent Pierre Brana et Joëlle Dusseau dans leur livre qui vient de paraître, « Vous êtes mes soldats, les Aquitains de Napoléon III » (Editions Sud-Ouest) :

Chambrelent s’installe pour la gloire, reconnu par la République comme le père de l’assainissement des Landes. La mémoire collective républicaine l’a porté au pinacle, enfouissant dans l’oubli les deux personnages clés de la mutation des Landes au XIXème siècle : Henri Crouzet et Napoléon III.


Un siècle et demi plus tard, il était bien temps de rendre à l’empereur ce qui appartient à… L’empereur !

Napoléon III avait également acquis le domaine de Solférino, pour peupler les Landes et réaliser son rêve de société utopique. Regardez notre reportage

Le développement de la forêt n’a pas fait l’unanimité. Cette expansion, qui faisait disparaître les landes et leurs traditions, a bouleversé Félix Arnaudin. Le photographe n’a cessé d’immortaliser les paysages de son enfance.

 
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