Depuis plusieurs semaines le compte à rebours semble lancé. Si le gouvernement ne donne pas d'ici là des réponses à leurs revendications, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs annoncent la prochaine révolte agricole pour le 15 novembre. La Coordination Rurale donne son ultimatum pour le 19, en appelant leurs collègues à manifester ce jour-là, devant les préfectures. Les agriculteurs s'y préparent notamment en Lot-et-Garonne.
Julien Capdeville cultive 30 hectares de choux-fleurs à Fauguerolles en Lot-et-Garonne. La saison dernière, les pluies à répétition l’ont poussé à jeter un quart de ses récoltes, soit une perte estimée à 150 000 euros en un hiver. Cette année s’annonce déjà décevante.
En janvier dernier, l’agriculteur avait participé aux manifestations devant la préfecture d’Agen, jusqu’au marché de Rungis. Il se dit prêt à réitérer.
"On n'a pas le choix. Si on ne le fait pas, on ne sait pas ce que sera demain. On entend les traités sur le Mercosur, qu'on va nous enlever des produits phytosanitaires, qu’il faut plus d'écologie,.. Je peux l'entendre, mais je veux savoir comment on travaille en quiétude"
La grogne grandissante
Les organisations syndicales préviennent depuis des semaines par des opérations et des manifestations, décrivant la détresse qu'ils vivent au quotidien et leurs inquiétudes face au manque de réactions de l'Etat. Après la dissolution de l'Assemblée nationale et l'arrivée du gouvernement Barnier, ce dernier tarde à proposer des réponses pourtant vitales pour ces milliers de familles d'agriculteurs.
Encore dernièrement en Gironde, Béarn, Dordogne, les agriculteurs ont multiplié les opérations de sensibilisation, en détournant des panneaux de signalisation et en menant des manifestations pour rappeler les engagements du gouvernement précédent.
"Place à la révolte agricole", peut-on lire dans un communiqué de la Coordination Rurale du Lot-et-Garonne diffusé ce 4 novembre et signé des deux coprésidents, Karine Duc et José Perez. La CR47 appelle à une mobilisation totale. La manifestation devant la préfecture d'Agen a été repoussée au 19 novembre prochain pour laisser le temps aux agriculteurs de s’organiser.
Pourtant, d'après José Pérez, coprésident de la Coordination Rurale 47, l'état d'esprit n'est déjà plus le même. "Quand on est monté à Rungis, on avait de l'espoir. Les agriculteurs étaient mobilisés en disant il va se passer quelque chose".
Là, les agriculteurs n'ont plus d'espoir. Beaucoup sont en détresse financière, morale. Ce qui va se passer aux prochaines manifestations, ça va être dramatique !
José PérezCoprésident de la Coordination rurale 47
Ultimatum et blocages
L'organisation syndicale du Lot-et-Garonne s'était particulièrement distinguée, en début d’année, lors du mouvement agricole inédit qui avait mobilisé plusieurs centaines d’agriculteurs partout en France. Elle rappelle au gouvernement de Michel Barnier qu'ils sont toujours dans l'attente de réponses concrètes.
Après avoir manifesté de manière inédite... (...) la détresse s‛est accentuée. Après avoir invité les nouveaux Premier Ministre et Ministre de l‛Agriculture à réagir et à prendre des mesures fortes pour calmer la colère des agriculteurs.
Communiqué du 4 novembre 2024CR47
Une lettre a récemment été adressée aux députés du département pour solliciter le ministère de l’Agriculture. Un courrier resté sans réponse.
D'ici le 19 novembre, ils espèrent néanmoins des réactions du gouvernement. Tout comme la députée RN du Lot-et-Garonne, Hélène Laporte, qui estime que la loi d'orientation agricole pour laquelle elle était rapporteure, "n'a rien apporté si ce n'est expliqué ce qu'était la souveraineté alimentaire. Il n'y a rien eu sur un revenu digne au niveau de l'agriculteur, rien sur la concurrence déloyale (...) et un processus trouble au niveau du Mercosur.
"Il n'y a pas une filière où ça se passe bien ! Chaque fois qu'il y a des accords, c'est tout un pan de notre filière agricole qui s'arrête, qui disparaît." La députée évoque le problème des bœufs, des volailles, mais également de la filière noisette en Lot et Garonne qui souffre de la concurrence turque et italienne.
Elle en appelle à la nouvelle ministre de l'Agriculture Annie Genevrard. "Ce serait bien si la ministre venait chez nous en Lot-et-Garonne avec des solutions concrètes". Il faut selon elle une véritable volonté politique, une "vraie réforme agricole, du concret !"
Leur dire "je comprends votre désarroi..." ne suffit plus !
Hélène LaporteDéputée (RN) du Lot-et Garonne
Cette prochaine manifestation du 19 novembre est organisée dans le but de "demander un ultime sursaut du gouvernement !" Avec la menace que, "sans décision forte et immédiate de l‛Etat d‛ici là", les agriculteurs pourraient organiser un blocage, dès le 20 novembre, du "fret alimentaire français, afin de donner un avant-goût au gouvernement de ce que sera notre pays, demain, sans agriculteur".