Les pompiers de Lot-et-Garonne manifestent une nouvelle fois ce jeudi 31 octobre devant le Conseil départemental d'Agen suite à la proposition de la présidente de deux postes supplémentaires. Ils en réclament, eux, vingt-et-un. C'est pourquoi, ils poursuivent leur mouvement initié le 23 septembre, pour réclamer des effectifs et de meilleures conditions de travail. Une pétition pour avoir le soutien de la population est également lancée.
"On nous abandonne !" Les représentants des pompiers du SDIS 47 devraient être reçus le 6 novembre prochain, par la présidente du Conseil départementale, Sophie Borderie. Mais rien n'est moins sûr, car la communication semble difficile entre les deux parties depuis des semaines.
Ce 31 octobre, ils étaient une vingtaine d'entre eux affichant leur banderole et allumant un feu avec des palettes pour obtenir un dialogue. "Nous manifestons devant le Conseil départemental, sans savoir si on sera reçus", indiquait Christophe Vidal, le président du syndicat autonome 47, avant la manifestation.
On ne pouvait rester sans rien faire après l’annonce de la présidente de créer deux postes alors qu’il en faudrait vingt-et-un !
Christophe Vidalprésident du Syndicat autonome 47 (Lot-et-Garonne)
Pour le représentant syndical, c'est la sécurité des habitants de Lot-et-Garonne qui est en jeu, car le manque d'effectif allonge les temps d'intervention et isole de plus en plus les territoires ruraux éloignés des centres de secours. Des équipes également épuisées qui disent également souffrir, en interne, d'un "management de la peur" pour arriver à assumer leurs missions de secours.
Une rencontre informelle
Finalement, à la mi-journée et de façon informelle, la conseillère départementale en charge des finances, Valérie Tonin, aussi Vice-présidence du SDIS 47, est venue à leur rencontre pour discuter avec les pompiers réunis devant l'entrée. "On est surpris de cette mobilisation aujourd'hui, ça fait quelques semaines qu'on travaille avec les syndicats. Le SDIS est souverain dans la distribution des moyens. Nous travaillons sur une nouvelle organisation ". Elle rappelle que, depuis 2021, de nouveaux moyens ont déjà été alloués à ces services de secours : "on parle d'équipements, de moyens humains".
La population de Lot-et-Garonne n'est pas en danger. Mais c'est vrai que cela nécessite une réorganisation des moyens de plus en plus contraints pour l'ensemble des collectivités.
Valérie ToninVice présidente du SDIS 47
Elle rappelle que les SDIS sont financés à 60 % par le Conseil départemental et à 40 % par les communes. Un budget voté par un conseil d'administration annuellement. Ces fonds sont répartis pour organiser les secours "de la façon la plus efficiente possible".
Quant aux effectifs, elle indique que "sur les deux dernières années, on a déjà ouvert cinq postes, ce n'est pas neutre". Le conseil d'administration est en train de travailler à la consolidation de "deux postes supplémentaires".
"Je garantis aujourd'hui que les secours sont toujours assurés", même en zone rurale ajoute la vice-présidente du SDIS. Et de préciser qu'elle reste confiante sur la poursuite des échanges avec les syndicats, "pour trouver le meilleur compromis possible". Le dialogue n'a jamais été rompu".
Manque cruel de sapeurs-pompiers
Le chef de corps des sapeurs-pompiers du SDIS 47, Frédéric Tournay, fait également partie de la discussion informelle. Il assure, lui, qu'en moyenne sur les 26 000 opérations annuelles, ses hommes mettent "en moyenne, quinze minutes pour aller sur toutes les interventions en milieu urbain et moins de 20 minutes en milieu rural". Il concède que, "depuis 2021, on a des délais d'intervention parce qu'on a un manque de sapeurs-pompiers volontaires".
Côté budget, il précise les trois axes de dépenses prévus par le SDIS depuis 2021 : 30 millions alloués à la rénovation des casernes, 13 millions aux équipements. Concernant les effectifs, trois postes en 2023, deux postes en 2024 ont été créés selon lui avec, en prévision, "une réorganisation de la réponse opérationnelle pour être le plus performant possible".
Il rappelle par ailleurs qu'une campagne de recrutement de pompiers volontaires est en cours même si "la réponse du volontariat ne sera pas suffisant".
Plus de cinq semaines de grève
La grève, d'une heure quotidienne sans intervention, a été jusque-là assez suivie parmi les soldats du feu depuis le début du mouvement. Abandon des campagnes
Sur la banderole accrochée aux grilles devant le Conseil départemental du Lot-et-Garonne, on peut y lire "Abandon des secours en campagne", car c'est, selon eux, la conséquence de ce manque d'effectif.
"Aujourd'hui, on vient prolonger la grève pour un mois de plus, on n'a pas vraiment avancé. On demande des solutions, des efforts ", espère encore Jérôme Faurie, pompier à Villeneuve-sur-Lot, membre du même syndicat.
S'il y a eu des efforts financiers, où est passé l'argent ?
Jérôme FaurieSapeur-pompier de Villeneuve-sur-Lot et membre du Syndicat autonome 47
"On a un certain nombre de pompiers dans les casernes de ville, un nombre calculé pour couvrir la ville et ses alentours, mais avec ce même nombre, on est obligés de couvrir des cantons !", détaille-t-il.
Il explique également la difficulté d'une réelle prise en compte de leur alerte. "On a mis un mois à mettre autour d'une table, se réunir avec le conseil d'administration" composé de la présidente du conseil départemental et d'élus de plusieurs communes. "On parle de la même chose, on est tous d'accord : il manque des effectifs de secours, il nous manque des pompiers professionnels", mais la réponse est laconique, d'après Jérôme Faurie, "on n'a plus d'argent, on ne peut rien faire. En gros, on abandonne les secours !", se désole-t-il.
Un QR code pour une pétition populaire
"Deux postes alors qu’il en faudrait vingt-et-un pour arriver à faire fonctionner notre département à peu près normalement en termes de délai d’intervention pour la population", résume Christophe Vidal qui précise qu'en attendant la rencontre éventuelle avec leur tutelle, ils en appellent maintenant aux Lot-et-Garonnais.
Sur leur dernier tract, les mots sont forts : "Secours en soldes, liquidation des stocks jusqu'à épuisement total du personnel". Ils rappellent qu'en dix ans, les interventions ont augmenté de 12 % et que le nombre de sapeurs professionnels en caserne a, lui, régressé de 3 %.
"Nous avons créé un QR code sur le flyer qui renvoie sur un vote par internet pour nous soutenir dans notre action".
Vers une sortie de crise ?
Une démonstration de force des pompiers qui risque de rester lettre morte ce jour, en période des congés scolaires, la présidente n'étant pas présente dans les locaux du Conseil départemental.
La rencontre informelle permettra tout au moins de calmer les esprits et maintenir le lien entre les syndicats et la direction du Conseil départemental. Les deux parties vont enfin pouvoir débattre à une même table lors de deux prochaines réunions les 4 et 6 novembre prochains, cette fois-ci en présence de Sophie Borderie et des membres du Conseil d'administration du SDIS47.