Eleveurs, tondeurs et fileurs lot-et-garonnais ont décidé de relancer une filière laine disparue. Et ce afin de revaloriser une matière première aujourd'hui brûlée ou bradée et produite en abondance dans le département.
En 10 ans, la laine a perdu plus de 100% de sa valeur. D'un euros trente le kg en 2012, elle a chuté à dix centimes en 2022.
Avant je faisais quoi de la laine ? Rien du tout ! Je la brûlais ou je la vendais pour pas grand chose à un grossiste
Mathieu Rond - Eleveur de brebisSource : France 3 Aquitaine
Un or blanc à revaloriser
Quand les 450 brebis à viande de Mathieu Rond donnent 2 kilos de laine en moyenne chacune, cela ne rapporte pas plus de 85 euros à l'éleveur de Villeneuve-sur-Lot. Contre plus de 850 auparavant.
"Il faut la stocker, la livrer, ça prend du temps, ça fait beaucoup de choses à faire alors que ça ne rapporte rien".
Chaque année, ce sont 15 à 20 tonnes de laine qui sont produites dans le département, la tonte étant obligatoire tous les ans. "C'est dommage de la foutre à la poubelle ou au compost. Autant la valoriser, la filière est exploitable" assure le tondeur Reinhard Poppe, "surtout avec les soucis actuels de mondialisation et de transport".
Appel aux savoir-faire
C'est lui qui a impulsé le mouvement visant à relancer la filière, se retrouvant avec d'énormes stocks que plus personne ne voulait. Il a lancé un appel aux éleveurs, aux transformateurs, aux revendeurs, aux teinturiers.
"Partout où il y a des brebis, le même problème se pose. Il y a plein d'initiatives comme celle-là en France qui ont l'air de fonctionner alors pourquoi pas ici aussi".
Désormais, l'éleveur Mathieu Rond donne sa laine au collectif spécialement créé pour revaloriser le produit. Ce qui permet de fabriquer vêtements, isolants, rembourrages..."J'espère plus tard pouvoir la vendre à un bon prix et que tout le monde puisse en vivre au niveau local".
Un travail manuel fastidieux, objectif : la mécanisation
Dans ce collectif, Adeline Gonnot est, elle, spécialiste du filage. Très heureuse de ne plus être seule face à ses problématiques.
Avec l'appel de Reinhard, on s'est retrouvé. Qui a une station de lavage, qui une vieille filature. Certains ont le savoir-faire, d'autres savent réparer les machines, c'est plus facile et plus motivant. Ensemble, on a créé une énergie et on s'est dit que c'était possible.
Adeline Gonnot - Fileuse de laineSource : France 3 Aquitaine
L'objectif est d'arriver à réindustrialiser une filière où tout se fait aujourd'hui à la main.
"Pour sortir une pelote ça me prend un peu plus de 15 heures de travail, sans compter la teinture. Et la teinture végétale, ça veut dire aller dans la nature, récupérer les végétaux, faire des bains de macération" explique Adeline. "A mon échelle je ne peux fabriquer que quelques kilos de pelotes par an, ce n'est pas un débit suffisant".
La fileuse lot-et-garonnaise confectionne aussi des chaussettes 100% locales, très demandées mais trop rares.
La mécanisation pourrait lui permettre d'augmenter sa production et d'en retirer un revenu un peu plus confortable.
On doit aussi faire circuler l'info, dire qu'on a cette matière première juste à côté de chez nous qui part à la poubelle. Se dire, je fais une action en achetant une pelote de laine ou une paire de chaussettes. Ca fera vivre l'éleveur, le tondeur, tout une chaîne de personnes. On a cette richesse, pour moi c'est de l'or, c'est une matière noble
Adeline Gonnot - Fileuse de laineSource : France 3 Aquitaine
En Lot-et-Garonne, la filière laine pourrait intéresser une centaine de personnes. Et faire revivre un patrimoine industriel et un savoir-faire trop vite oublié.
Voir le reportage de Jean Poustis et Chloé Peltin :