La polémique enfle à Marmande, en Lot-et-Garonne, après le refus du maire, socialiste, de louer une salle pour un meeting de Jordan Bardella, président du RN. Le parti du Rassemblement National a décidé de porter plainte. Qui aura le dernier mot ?
Le maire de Marmande va-t-il être obligé de louer une salle au président du Rassemblement National ? Lui qui ne veut accéder à la demande du parti pour accueillir dans une salle municipale de sa ville Jordan Bardella. Question de valeurs, traduit le maire socialiste.
"Nous sommes une terre d'accueil", argumente Joël Hocquelet, le maire PS de Marmande, pour justifier sa décision. "Une ville qui a accueilli des immigrés espagnols, italiens, portugais, marocains,. Tous sont devenus marmandais. Je pense qu'on ne peut pas, deux mois après avoir fait un front républicain, se dire, oui, on peut venir exposer cette vision de la France qui oppose les Français les uns aux autres".
Le maire dit assumer sa décision politique même si c'est, avant tout, pour l'envergure nationale du meeting qu'il s'est prononcé.
C'est ce qu'il a argumenté auprès du Rassemblement national puisque le parc des expositions dispose "de 1200 places debout". Il a répondu le 27 septembre à la demande formulée mi-septembre par le RN de location de la salle des expositions de Marmande. "Dans un mail assez long, sans agressivité, j'ai posé les choses qui expliquent ma décision". Il dit notamment faire le distinguo avec la députée locale du Rassemblement Nationale qu'il dit accueillir sans problème : "Je la reçois, la salue, l'invite à toutes les cérémonies..." Le rendez-vous du meeting de Jordan Bardella a pour lui une envergure nationale qui change tout. "Là, pour un meeting national, on va parler évidemment des valeurs du parti"...
À Marmande, la 2ᵉ circonscription du Lot-et-Garonne, le parti de Jordan Bardella a totalisé 47,48% des votes au second tour des législatives. D'où des avis partagés parmi les passants de la ville. Certains se disent "fiers" de la décision du maire de "boycotter" le leader du RN, "un parti qui n'a rien à faire dans le paysage politique", quand d'autres estiment qu'il "est censé être neutre", qu'il n'est "pas dans son droit de refuser". Certains encore ne comprennent pas du tout et iront de toute façon "le voir, le 10 novembre, à Tonneins..."
"Atteinte à la liberté de réunion"
Hélène Laporte, sur sa page Facebook, dénonce dans un communiqué une décision qui porte "atteinte à la liberté de réunion" et qui traduit, selon elle, "une volonté manifeste de discrimination à l'encontre du Rassemblement National" et donc une violation de l'article 225-1 du Code pénal s'y rapportant. Elle rappelle que le maire a "l'obligation de garantir un traitement égalitaire aux différentes formations politiques". Dans ce communiqué, elle dénonce également le"sectarisme politique d'une partie de la Gauche qui n'hésite pas à bafouer les règles démocratiques", rappelant, au passage, que le Rassemblement National représente, "11 millions de Français et incarne la première force politique d'opposition".
C'est pourquoi le parti a décidé de porter plainte contre la ville de Marmande.
Devant la justice
Les juges devront trancher. Légalement, un maire peut refuser de louer une salle par crainte de troubles à l'ordre public. Ce que confirme Me Eléa Cerdan, avocate au barreau d'Agen. "Parfois les réunions publiques de partis extrêmes peuvent constituer un risque de débordements, notamment par leurs soutiens ou par leurs opposants".
En 2017, un maire du Jura avait refusé de louer une salle à Marine Le Pen. La justice l'avait contraint à faire machine arrière.
Face à cette plainte, le maire de Marmande, Joël Hocquelet assume sa décision. "La justice suivra. En tout cas, je préfère être dénoncé pour avoir maintenu ma position sur mes valeurs plutôt que d'avoir baissé ma garde et laissé la démocratie partir à vau-l’eau".