"Pomme du Limousin" : une charte suffira-t-elle à encadrer l'usage des pesticides ?

Depuis le mois de mars 2017, une charte de bonne conduite circule chez les producteurs de Pommes du Limousin (AOP). Une petite avancée pour tenter d’encadrer l’utilisation de pesticides aux abords des habitations.

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Cristina Sainte-Marie possède une jolie maison sur la commune du Vigeois. Installée en Corrèze depuis plus de 20 ans, cette professeure de yoga coule une vie tranquille… ou presque. Le tableau est noirci par son voisin qui empoisonne son quotidien : le verger d’en face.

A moins de 50 mètres de son jardin, se situe une parcelle exploitée par un producteur de Pommes du Limousin AOP. Une activité qui contraint Cristina à vivre portes et fenêtres fermées.

"Mon quotidien est un enfer"


Selon la riveraine, le pomiculteur sulfate ses vergers presque un jour sur deux. Une intervention couramment pratiquée par les arboriculteurs mais qui oblige normalement les exploitants et les riverains à prendre certaines précautions. Les produits répandus sur les pommiers sont toxiques (selon divers degrés). Ils ne doivent pas être respirés, ni entrer en contact avec la population ou les terres voisines. 

Cristina Sainte-Marie vit à coté d'un verger de "Pomme du Limousin". Sa vie quotidienne est contrainte par les pratiques d'épandage de pesticides à moins de 50 mètres de son domicile ©F3 Limousin

Pour répondre aux craintes des riverains et favoriser les bonnes pratiques, une charte a été réalisée. Ecrite en février 2017, une version provisoire rappelle la règlementation en vigueur et espère "mieux intégrer" la pomiculture à son environnement.

Certaines règles sont déjà établies pour les pomiculteurs. Un arrêté interministériel de 2006 interdit la pulvérisation ou le poudrage de produit par un vent supérieur à 3 sur l’échelle de Beaufort (soit 19km/h) et oblige l’exploitant à tout mettre en œuvre pour éviter la dérive des substances.

Le règlement européen définit l’obligation pour l’exploitant "d’aviser, avant l’utilisation du produit, tout voisin qui est susceptible d’être exposé à la dérive de pulvérisation et a demandé à être informé"


Une charte pour rassurer

Donc, la charte invite notamment tous les arboriculteurs qui s’engagent à prendre connaissance des conditions météo avant d’épandre des pesticides, ne pas traiter les parcelles les dimanches et les jours fériés, "sauf cas de force majeure" et prévenir "si possible le riverain concerné".
La charte prévoit également que les exploitants qui signeront la charte, s’engagent à planter des haies anti-dérives entre le verger et les habitations situées à moins de 50 mètres, et à fournir des filets de protection sur demande.

Par ailleurs, la charte demande aux arboriculteurs de "remplacer dans un délai aussi proche que possible les produits classés Toxique, Très Toxique et CMR (cancérigène, mutagène ou reprotoxique), et ceux considérés comme perturbateurs endocriniens dès lors qu’il existe des alternatives"

Tandis qu'une charte pour encadrer les bonnes pratiques des producteurs de "pommes du Limousin AOP" en terme d'épandage de pesticides a été réalisée, des riverains de vergers sont insatisfaits et dénoncent une situation intenable. ©F3 Limousin

Signée par six coopératives de producteurs dont le Syndicat de Défense de la Pomme du Limousin, et les présidents de trois associations : Œuvrons pour la Nature et les Générations Futures (ONGF) d’Allasac, Alerte des médecins sur les pesticides et Phyto-Victimes ; la charte n’a pas été acceptée ni par la Chambre d’agriculture de la Corrèze, ni par un représentant de la FNSEA.
Cette charte est envoyée aux différents producteurs de la région qui choisiront de la signer ou non. 


Des recommandations plus que des obligations

L’insuffisante charte. Pour certains riverains, le document n’a aucune valeur. Cristina Sainte-Marie raconte : "Ca fait deux mois que la charte a été signée, mais les choses sont pareilles. Ils sulfatent avec du vent même si je ne peux pas le prouver, ils sulfatent un jour sur deux. Je ferme ma maison, je ne peux pas sortir, je ne peux pas aérer".

La charte ne prévoit aucune obligation ni aucune sanction en cas de non-respect des règles. Il s’agit simplement d’un engagement volontaire de l’exploitant pour adopter une bonne conduite.

Une autre riveraine dont la maison est à moins de 20 mètres des pommiers témoigne : "ils passent quand ils veulent, il n’y pas de jour, il n’y a pas d’heure. On peut être dehors en train de manger, alors on est obligé de rentrer." Une exposition qui n’est probablement pas sans conséquence sur la santé. Cette riveraine a déclaré être malade, atteinte de fibromyalgie.
 

Tout ne peut pas changer du jour au lendemain

"Il faut donner du temps au temps. On ne peut pas révolutionner des modes de production agricole du jour au lendemain", déclare le président du Syndicat de Défense de la Pomme du Limousin, Laurent Rougerie. Selon lui, les riverains vont voir progressivement les améliorations promises par la charte. Deux mois après la signature, il faut laisser le temps aux exploitants d'installer les filets de protection tandis qu'une haie met 10 ans à pousser. 

 

Le Syndicat de Défense de la Pomme du Limousin a signé une charte de bonne conduite en termes d'usage des pesticides. Des mesures vont être prises pour protéger les riverains. ©F3 Limousin

"Les suspicions font beaucoup de mal et peuvent tuer des exploitations ou des filières", Laurent Rougerie

Laurent Rougerie espère également rassurer les riverains :"tout n'est pas excessivement nocif dans les pesticides", "ce sont des produits d'origine naturelle, mais pas forcément sans conséquence sur l'environnement".

Les conséquences sur la santé, quant à elles, ne sont pas prouvées :"aujourd'hui, à dire qu'il y a plus de gens malades autour des vergers qu'ailleurs, je serais malhonnête de répondre oui comme je serais malhonnête de répondre non. Je pense que le souci est ailleurs". 
 


L’espoir d’aller dans la bonne direction

Cette charte est néanmoins un pas en avant. Laurent Reyrolles est président de l’association Œuvrons pour la Nature et les Générations Futures à Allassac, il a signé ce document pour ce qu’il représente : "On nourrit quand même de l’espoir. Il faut savoir que depuis la création de l’association, il y a 10 ans, il ne s’était pas passé grand-chose, et aujourd’hui, on s’est quand même assis autour d’une table avec quelques représentants". 
 

Laurent Reyrolles, président d'ONGF Allassac est signataire d'une charte de bonne conduite pour les producteurs de Pommes du Limousin AOP. Lui même riverain de verger, il considère que même si elle est insufisante, cette charte est un premier pas. ©F3 Limousin



La production de la Pomme du Limousin AOP s’étend sur les quatre départements de la Corrèze, Haute-Vienne, Creuse et Dordogne. Chaque année, 90 000 tonnes de pommes représentent 7% de la production française de pommes et l'activité occupe 2 000 emplois directs.

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