Près de deux mois après l'accident de train de Ciboure, dans lequel trois hommes sont morts, une victime a déposé une plainte. Son avocat espère obtenir des réponses sur le rôle qu'a joué un cinquième homme, également présent sur les lieux, et ressorti indemne de l'accident.
Ce terrible accident a endeuillé tout un territoire. Le 12 octobre, au petit matin, quatre hommes étaient percutés par un train, sur la commune de Ciboure, au Pays Basque. Trois sont décédés, le quatrième est grièvement blessé au bassin et aux membres inférieurs.
Rapidement, les premiers éléments de l'enquête ouverte par le parquet laissent apparaître que ces hommes, migrants originaires d'Algérie, étaient endormis sur la voie ferrée lorsqu'un train TER en provenance d'Hendaye les a percutés vers 5 heures du matin.
Une cinquième personne, également présente sur les lieux, a assisté à l'accident avant de prendre la fuite. Retrouvé deux jours après les faits, puis relâché,, il a confirmé que le groupe s'était assoupi sur les rails.
Un déroulé qui pose question
Mais les circonstances de ce drame restent encore floues. Ce 6 décembre Me Gabriel Lassort, avocat au barreau de Bordeaux a annoncé avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République de Bayonne, au nom du jeune rescapé blessé.
Une plainte à laquelle des proches des victimes, mais aussi l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe), le Groupe d'information et de soutien des immigré.es Gisti) et le Comité intermouvement auprès des évacués (Cimade) se sont joints.
L'objectif affiché est de faire la lumière sur le déroulé exact des faits. "A l'heure actuelle, il y a un certain nombre de questions sans réponse. Seule une enquête contradictoire, dans laquelle les parties pourront exprimer leurs demandes, pourra permettre de répondre à toutes ces questions", explique Me Lassort.
Des somnifères administrés ?
Ces questions en suspens concernent notamment le rôle du cinquième homme, retrouvé indemne deux jours après l'accident. Ce dernier avait alors expliqué s'être relevé pour faire quelques mouvements et se réchauffer dans la nuit glaciale. C'est, selon ses dires, ce qui lui aurait permis d'échapper à la collision. Mais sa version interroge.
"Tout le monde, dans le cadre de ce dossier, explique difficilement le fait que quatre personnes, quatre exilés, qui ont tout de même traversé quelque chose de très difficile pour arriver jusqu'à Ciboure, puissent s'endormir sur des rails de chemins de fer, alors qu'ils savent pertinemment la dangerosité de ce lieu", note Me Lassort.
"Au moment du drame, les personnes se déplacent de nuit, elles tentent d'échapper à des contrôles et sont donc sur le qui-vive, renchérit la Cimade, par la voix de son délégué pour le sud ouest Pierre Grenier. La personne qui a été blessée dans l'accident ne s'explique pas comment elle a pu s'endormir sur la voie ferrée. Cela lui cause un vrai problème".
On se pose la question de savoir si la cinquième personne n'aura pas un rôle direct sur l'endormissement. Avec, éventuellement, un empoisonnement via des somnifères administrés à ces quatre personnes.
Me Gabriel Lassort, avocat au barreau de BordeauxFrance 3 Aquitaine
Selon Me Lassort, l'hypothèse selon laquelle la cinquième personne pourrait avoir administré des somnifères pour ensuite dérober les économies de ses compagnons de route, n'est pas exclue. "Il faut absolument que cette enquête puisse déterminer la somme d'argent que ces personnes avaient sur elles avant le drame, et l'argent qui aurait été retrouvé sur les lieux du drame", poursuit l'avocat.
Me Lassort, qui a déposé plainte pour "homicide involontaire, blessure involontaire, mise en danger de la vie d'autrui et administration de substances nuisibles", espère notamment obtenir les résultats des expertises toxicologiques, réalisées sur les corps des victimes. Pierre Grenier, lui, s'interroge également sur l'éventuel rôle de passeur qu'aurait pu avoir le cinquième homme, et regrette que le rescapé blessé ait été entendu en tant que témoin "et non en tant que victime".
"Cette plainte sert aussi à mettre en lumière qu'aujourd'hui, avec la fermeture des frontières, on trouve la mort. Par respect pour toutes les personnes qui ont perdu leur vie, nous devons continuer à rappeler qu'il faut des voies d'entrée légales", ajoute-t-il.