À Saint-Sébastien, les touristes font grincer les dents des habitants. Face au mécontentement de la population, la ville met en place de nouvelles mesures pour résorber un flux, en augmentation depuis 2019.
La plage de la Concha, ses 180 bars à pintxos, les ruelles de la vieille ville, depuis deux cents ans, Saint-Sébastien ou San Sebastián, séduit les touristes par ses nombreux atouts. Parmi les plus friands de la cité basque espagnole, les Français se placent en tête, devant les Américains et les Anglais. “Il y a un charme, la gastronomie, l’architecture. C’est l’art de vivre basque qui nous séduit”, indique un touriste français.
"On cherche à aller ailleurs"
Au total, plus de 860 000 voyageurs posent chaque année leurs valises à Donostia, le nom basque de Saint-Sébastien, qui compte 190 000 habitants. “Cela représente neuf nuits dédiées au tourisme par habitants”, indique Kino Martinez, le secrétaire général de l’hôtellerie et de la restauration en Guipuscoa. Un chiffre en augmentation de 17 % par rapport à 2019, qui met en rogne les habitants de la cité balnéaire. “Il y a des valises par-ci, des valises par là, du bruit. Il faut qu’il y ait plus de contrôle qu’aujourd’hui, parce que ce n’est plus vivable”, lâche, en colère, une habitante. “L’été, il y a beaucoup de gens, plus que les habitants ne le souhaiteraient", avance un autre riverain.
Je comprends qu’on se sente incommodé et qu’on cherche à aller ailleurs.
Un habitant de Saint-Sébastien
Selon les dernières études menées par la ville, 80 % des habitants considèrent que l’activité touristique est importante pour la commune, mais 65 % alerte tout de même qu’une “limite est atteinte”.
Ce problème de surtourisme, Saint-Sébastien est loin d’être la seule à le subir. Venise en Italie, Barcelone ou encore les îles grecques peuvent en témoigner, en Europe, les touristes deviennent des nuisances et cristallisent les tensions. À l’échelle plus locale, Saint-Sébastien tente de s’inspirer de ses voisines bordelaises et barcelonaises.“C’est une réalité que rencontrent d’autres villes comme Bordeaux et nous échangeons pour voir quelles sont les mesures qui peuvent endiguer le phénomène”, détaille la directrice de l’office de tourisme de Donostia-Saint-Sébastien.
Fermée à cause des bouchons
Face au mécontentement, la ville avait déjà, en mars 2023, annoncé la suspension des licences d’ouverture des établissements destinés au tourisme. En somme, empêcher les travaux d’extension de restaurants, bars ou hôtels, notamment pour limiter le prix de l'immobilier. "C'est vrai que c'est devenu très cher maintenant", concède un habitant.
Cette année, la municipalité vient d’annoncer deux nouvelles mesures pour limiter le problème. “Il est désormais obligatoire de porter des kits audios lors des visites guidées pour ne plus entendre les haut-parleurs. Les groupes sont également limités à 25 personnes”, explique Isabel Aguirrezabala. Les entreprises de visites guidées devront donc remplir une attestation de responsabilité sur le site de la mairie.
Nous sommes face à un problème et il n’est plus question aujourd’hui de nous cacher.
Isabel AguirrezabalaDirectrice de l'office de tourisme de Donostia-Saint-Sébastien
Des mesures de long terme qui viennent en soutien en mesures d’urgence, comme le 14 juillet 2023. Face aux bouchons monstrueux provoqués par les touristes, les élus avaient choisi de fermer la ville aux véhicules.
Ces élus sont d’ailleurs régulièrement tiraillés. Impossible de tirer un trait sur un secteur qui représente 13,9 % du PIB de la ville, et en même temps, ils doivent prendre en compte l’avis des habitants, qui sont présents à l’année. “Le défi, c’est de gérer le flux de visiteurs au niveau de la cohabitation avec les habitants, la satisfaction de chacun et la rentabilité des entreprises”, détaille Isabel Aguirrezabala.
"On est loin d'Ibiza, des Canaries ou de Benidorm"
Les 1 444 professionnels du secteur dressent un bilan plus nuancé de la situation. “Il y a encore beaucoup de places. La preuve, de nombreux bars et restaurants ferment pendant les vacances. On est loin des situations de Benidorm, Ibiza ou les îles Canaries”, contrebalance Kino Martinez, le secrétaire général de l’hôtellerie et de la restauration de Guipuscoa. Attractive depuis plus de deux siècles, la cité balnéaire aurait même changé de visage grâce au tourisme.
Sans les visiteurs, il n’y aurait pas l’hôtel Maria Cristina, les thermes de La Perla et même le cinéma.
Kino MartinezSecrétaire général de l’hôtellerie et de la restauration de Guipuscoa
Pour eux, tout est question de répartition. “Il y a des quartiers très touristiques, comme la vieille ville ou Gros, qui peuvent être saturés par moment. Il faudrait que la mairie et l’office du tourisme travaillent pour étaler les activités dans toute la ville”, propose Kino Martinez.
Répartir aussi les touristes sur toute l’année. “Il faut travailler sur les marchés de niche comme les Australiens ou les Japonais qui pourraient venir en hiver, quand il y a moins de touristes”, explique le secrétaire général de l’hôtellerie et de la restauration de Guipuscoa. Pour ses professionnels, le problème de surtourisme ne s’illustre réellement qu’une “vingtaine de jours pendant l’été”. Fer de lance de l’économie locale, à San Sebastián, le secteur du tourisme emploie plus de 9 000 personnes à l’année.