Il y a dix ans, le 5 février 2014, l’échouage du Luno sur les côtes basques faisait le tour du monde. À son bord, douze marins sont piégés par une houle déchaînée. Après plusieurs heures, ils seront tous secourus, sains et saufs.
Il est 10 h 30. Ce 5 février 2014, le ciel d'Anglet n’est pas clément. Un vent fort souffle sur les côtes, dans le froid hivernal. L’océan est, lui aussi, déchaîné. Des vagues de sept mètres s’effondrent à rythme régulier. Dans ce paysage, un bateau espagnol, le Luno, entre dans le port d’Anglet. Le pilote du port de Bayonne vient d’en prendre le contrôle. Pour quelques minutes seulement.
Retrouvez l'édition spéciale du 6 février 2014, au lendemain du naufrage
"Je me souviens surtout du bruit"
Sous la violence de la houle, le bateau devient incontrôlable et se fracasse, en deux vagues, sur la digue de la plage des cavaliers. “Quand je suis arrivé, il était encore intact, ballotté par les vagues”, se souvient Pascal Bourricot, responsable du service des plages d’Anglet.
Je me souviens surtout du bruit de la ferraille sur les rochers et ce bateau qui tapait de droite et de gauche.
Pascal Bourricotresponsable du service des plages d’Anglet
La proue est cassée. Elle s’échoue rapidement sur le sable de la plage. Le château, tour de commandement du bateau, est encore debout. Elle se brisera dans la nuit.
Sur la plage où les badauds se sont massés, tout comme sur le pont inondé du navire espagnol, l’inquiétude monte. Douze marins sont piégés, entre les vagues et les rochers. “On avait l’impression d’être dans un film catastrophe. Il y avait beaucoup de vent et des vagues extrêmement puissantes”, se souvient Benjamin Bougault, capitaine du commandement du Puma, l’hélicoptère chargé du sauvetage.
L'opération est périlleuse, loin des schémas d'entraînements. “Le bateau était particulièrement agité et sa position n’était pas idéale pour faire un treuillage. Il a fallu qu’on s’adapte”, précise Benjamin Bougault.
Au bout de la corde, Philippe Sibon se relaie avec son collègue. Les deux plongeurs sauveteurs vont, malgré les conditions “dantesques”, secourir les douze marins, un à un. “On m’a descendu au bout du treuil pour faire un premier bilan. Puis, on s’est relayés pour les remonter le plus vite possible”, explique le sauveteur plongeur, dépêché de la base de Cazaux, en Gironde.
20 tonnes de gazole dans l'océan
Sur terre, les applaudissements de la foule, les lumières des photographes et des caméras entourent les rescapés. Des dizaines de médias français et espagnols documentent ce moment historique. Les pieds de nouveau sur le sable, les marins les aperçoivent à peine, choqués de ce qu’ils viennent de vivre. Le regard hagard, tournés vers l’épave de leur navire, ils sont interrogés et inspectés par les secours et les forces de l’ordre. “On les a réchauffés avec des couvertures de survie, on leur a donné à manger”, se remémore Pascal Bourricot.
Sur le rivage, le bilan écologique n’est pas aussi positif que son pendant humain. Lors du premier choc, le Luno laisse échapper près de vingt tonnes de gasoil dans l’océan. Dans sa carcasse, plus de 100 m³ de carburant sont encore piégés.
L’urgence s’impose aux secouristes : il faut pomper ce gazole au plus vite.“La proximité du bateau par rapport à la digue a permis au camion citerne d’intervenir rapidement”, souligne le responsable du service des plages d’Anglet.
Les deux cuves et la cargaison de gazole récupérées intactes, l’heure de l’enquête s’ouvre concrètement. Échouement par négligence, non-respect des règlements sanitaires, pollution des eaux due à un accident de la mer ou encore blessures involontaires subies par un marin, trois infractions sont rapidement constatées. Sept mois plus tard, l’enquête sera finalement classée sans suite, concluant à un défaut technique du système de refroidissement du cargo.
Devenu une attraction d’Anglet, le Luno a disparu de la plage en juin 2014, laissant des souvenirs impérissables dans la tête des Angloys.