La commune de Mauléon-Licharre, dans la Soule, est la capitale de l'espadrille. Mais entre la baisse du pouvoir d'achat et la météo maussade de ces derniers mois, les ventes sont en forte baisse, entraînant des épisodes de chômages technique dans de nombreux ateliers du secteur.
Dans les ateliers, les machines de tressages tournent à pleine vitesse. Les fibres de jutes, soigneusement sélectionnées, sont torsadées pour fabriquer les semelles des espadrilles. Vient ensuite la couture de la corde, puis de la toile, qui aboutira sur une chaussure reconnaissable entre mille : l'espadrille de Mauléon. Un savoir-faire unique, qui fait de Mauléon Licharre, commune souletine de 3 000 habitants, la capitale en la matière. .
Moins de demandes
Seulement, le fleuron de l'économie locale est en petite forme ces derniers mois. Les commandes sont en berne et l'emploi local est menacé. Espadrille Zétoiles à Chéraute, près de Mauléon emploie six personnes. Une entreprise artisanale, dédiée à la fabrication de semelles, qui ressent fortement cette baisse d'activité.
"Entre les problèmes de pouvoir d'achat, les derniers événements politiques, qui ont fait que les Français ont décalé leurs vacances, oui, on vend un peu moins, reconnaît Marjorie Vandevenne, la responsable commerciale. En 2023, une baisse des ventes, liée à la diminution du pouvoir d'achat des consommateurs, avait déjà été relevée. Aujourd'hui, on s'inquiète désormais de voir l'appétit des clients diminuer chaque année.
On sent que le Français n'a plus d'argent : l'an dernier, on vendait trois paires d'espadrilles. Cette année, on en vend une par client.
Marjorie VandevenneResponsable commerciale Espadrille Zétoiles
Un contexte qui a contraint la petite structure à se diversifier, en proposant de nouvelles matières, comme le cuir ou encore le chanvre. "Pour l'instant, on a évité le chômage technique. On espère que ce sera juste passager, mais on ne sait pas de quoi demain va être fait. On ne sait pas du tout ou on va", soupire la responsable commerciale.
Chômage technique
À quelques kilomètres de là, Pascale Pereira ne dresse pas d'autre constat. Dans son entreprise familiale, Armaïté, créée en 1979 "dans la cave de la maison" et au savoir faire artisanal reconnu, la conjoncture n'est pas plus reluisante. La météo maussade n'arrange rien. "C'est un peu compliqué. Cette saison, on a un jour de pluie, deux jours de beau temps", déplore la cheffe d'entreprise.
"On a une diminution de 25 à 30 % des ventes. On a eu des périodes chômées cet hiver, pendant deux mois et demi", illustre-t-elle.
"Une fois de plus, on est dans la turbulence", regrette le maire de Mauléon Licharre. Louis Labadot constate, lui aussi, le déclin de l'économie du secteur.
En 1978, on avait 1 800 salariés dans l'industrie de l'espadrille. Aujourd'hui, on est 150.
Louis LabadotMaire PC de Mauléon-Licharre
"Les importations abusives et la crise sont passées par là. Mais on a aujourd'hui des producteurs qui essaient de s'en sortir", note l'élu. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Si les petits ateliers gardent espoir, d'autres restent confrontés au chômage technique, à raison de plusieurs jours par semaine " et à des perspectives, malheureusement, de suppression d'emploi", poursuit-il.
"Nous nous en sortirons"
Le secteur se bat depuis plusieurs années pour une valorisation de son savoir-faire. Après avoir échoué à obtenir une indication géographique protégée, il mise désormais sur un centre des vocations de l'espadrille, un projet porté par le Conseil municipal. Ainsi que sur la mobilisation des politiques : "Je vais signaler à Iñaki [Echaniz, député PS de la 4ᵉ circonscription des Pyrénées-Atlantiques, ndlr] qu'il faut qu'il se penche sur notre petite production, et il le fera", assure Louis Labadot.
D'ici là, c'est toute la commune de Mauléon et ses alentours qui vont se mobiliser le 15 août pour la fête de l'espadrille. "L'espadrille, c'est Mauléon : il faut sauver l'espadrille. Nous sommes tombés dedans comme Obélix est tombé dans la potion quand il était petit. Donc, nous nous en sortirons", veut croire le maire.