Le confinement, la ruée dans les supermarchés, la progression du virus... Les Aquitains qui vivent à l'étranger regardent de près ce qui se passe chez nous. Tour d'horizon en Nouvelle-Zélande, Espagne et Allemagne.
" Quand on voit Paris, New-York ou encore Los Angeles vides, un milliard de personnes confinées... On est atterré de ce qui se passe ! " Valérie Janin-Lamouric n'en revient pas. Cette Paloise vit depuis 17 ans à Rotorua, l'une des villes les plus touristiques de Nouvelle-Zélande.
Tous les matins, je me réveille en me disant que ce n'est pas vrai, que c'est de la science-fiction !
Là-bas, le confinement ne débutera que ce mercredi, pour quatre semaines. Dans ce petit pays de cinq millions d'habitants, 102 cas ont pour l'heure été recensés, dont un cas à Rotorua. " Un touriste français qui aurait dû rester à Auckland où il a été testé, mais il ne voulait pas rater ses vacances ! "
Esprit de communauté
La Nouvelle-Zélande est un pays où les communautés sont très soudées. Valérie y a ouvert un café français, le Café de Paris. " Mon mari voulait faire des crèpes en Nouvelle-Zélande ! "Elle a préféré fermer son entreprise avant le confinement, " pour mettre les clients et mes 5 salariés à l'abri. Le gouvernement va aider pour les salaires, on va voir avec les banques si elles peuvent geler les prélèvements ".
Et même si l'inquiétude est bien là, l'esprit de solidarité est plus fort : " On se connaît tous, on va tous s'entraider, et on va tous se plier aux consignes, c'est comme ça en Nouvelle-Zélande! "
Valérie suit de près ce qui se passe en France. Sa cousine habite encore St Jammes, près de Morlaas, ses amis d'enfance sont toujours en Béarn. Alors quand elle a vu ces images de Français agglutinés sur les quais de Garonne à Bordeaux ou dans les rues de Paris, prenant cette crise pour des vacances, elle s'est interrogée:
En attendant le confinement, le fils de Valérie, Victor Janin, golfeur professionnel à Auckland, va venir à Rotorua avec sa femme. " Mais on ne s'embrasse plus, on garde nos distances, mon mari a 74 ans, nous devons rester prudents. "Pourquoi ce manque de respect des consignes? Tant que personne de proche n'est pas touché, on ne réalise pas le danger, mais il est bien là !
Rester prudent, c'est aussi le leitmotiv en Espagne. Virginie Viau habite Madrid depuis 2008. Mariée à un Madrilène, mère de 2 enfants de 3 et 5 ans, cette Bigourdane des Baronnies a monté son entreprise de communication et marketing spécialisée dans le tourisme. Tous les projets sont aujourd'hui arrêtés à cause du cornavirus.
Nous sommes confinés depuis le 15 mars. Depuis hier (dimanche 22 mars NDLR), le confinement est prolongé jusqu'au 11 avril. La situation est grave ici, plus de 30 000 cas en Espagne, près de 10 000 à Madrid. Tant que ça ne touche pas ton premier cercle de famille et d'amis, tu ne t'inquiètes pas trop. Mais quand tu as autour de toi plusieurs personnes qui connaissent quelqu'un qui a développé la maladie, ça fait peur !
Au coeur de l'épidémie
Madrid est au coeur de l'épidémie. Au début de la crise, la capitale espagnole concentrait la moitié des malades. L'armée est sollicitée: par exemple, le parc des expositions est devenu une zone sanitaire où ont été installés 5500 lits, dont plus d'un millier de lits de réanimation.Il y a quelques jours, Virginie a posté un coup de gueule sur son mur Facebook:Ce sont des images de guerre, c'est très effrayant parce que cela veut dire que les autorités s'attendent à une catastrophe sanitaire.
Je suis en colère à distance! On parle d'Europe, mais on s'aperçoit que personne ne s'intéresse à ce qui se passe chez le voisin. L'Espagne est en avance d'une semaine sur la France; ici aussi, on n'était pas lucide sur ce qui se passait en Italie, on se disait on est libre, on en profite! et les Français font la même erreur! Aujourd'hui, tout le monde a peur en Espagne. En France, personne n'a peur !
La boule au ventre
De l'autre côté des Pyrénées aussi, les sorties sont autorisées pour faire des courses: " La semaine dernière, j'y suis allée la boule au ventre. Et encore, j'ai pris la voiture. J'ai fait la queue à l'extérieur du supermarché attendant qu'une personne sorte. A l'entrée, du personnel nous donne des gants, les caissiers ont une vitre en plexiglass pour les protéger, les horaires sont limités. Il faut tout faire pour limiter la circulation du virus ! "Virginie habite le quartier populaire de Vicalvaro, d'où son mari est originaire. " D'habitude, c'est un endroit qui bouillonne, avec beaucoup de monde dans les rues. Aujourd'hui, c'est très calme. Les seules personnes que je vois sont celles qui font la queue à quatre mètres les unes des autres pour entrer à la Poste en face de chez moi. "
Pour autant, Virgine relativise ses conditions de confinement :
Nous vivons dans une maison avec un patio. Je pense à tous ces gens qui vivent dans de minuscules appartements, là ce doit être très dur.
Les Allemands trop optimistes ?
Même ressenti en Allemagne, chez Valérie Portel-Büchner. Cette Médocaine est partie vivre outre-Rhin il y a 31 ans. A 50 ans, cette enseignante est mariée avec un Allemand et mère de deux enfants de 17 et 12 ans. Valérie prend son mal en patience en corrigeant les copies de ses élèves dans sa maison de Brühl, dans le Bade-Würtemberg, à une soixantaine de kilomètres de la frontière avec la France. Un quartier résidentiel, un jardin, pas de quoi se plaindre, sauf peut-être de l'attitude des Allemands :Toute la famille a dû néanmoins respecter une quatorzaine pour avoir traverser la région Grand-Est en France au retour des vacances de février.Ils sont trop optimistes ici. Ils viennent à peine de fermer les écoles. J'ai croisé le maire de Brühl l'autre jour, il m'a dit, c'est rien, dans 15 jours ce sera fini !
Loin de la famille en France
Le plus difficile est bien-sûr d'être loin de sa famille: "Mes parents sont confinés à St Laurent-de-Médoc, on s'appelle tous les jours en visio, ma soeur leur fait les courses et les pose devant le portail pour ne pas avoir de contact. Mais ce qui m'alerte, c'est l'inquiétude de mon frère qui est pneumologue à l'hôpital de Libourne alors que d'habitude, il ne s'inquiète de rien!" L'attitude des Français l'a aussi agacée :A Brühl, dix personnes ont été testées positives, mais elles sont restées chez elles. Cette ville de 14 000 habitants est située le long du Rhin, dans le Sud-Ouest de l'Allemagne. " Vu d'ici, on a l'impression que le virus est resté à gauche (en France NDLR), qu'il n'a pas passé la frontière ! ".L'information passe en France, les média et les politiques communiquent, vous devriez comprendre la situation! En Allemagne, on n'a pas encore réalisé, on a une semaine de retard par rapport à la France, ça va arriver ici aussi.
Chaque land fait ce qu'il veut
La chancelière Angela Merkel ne s'est adressée aux Allemands que le 18 mars :Et pour cause: le Bade-Würtemberg compte quelque 800 malades, alors que l'Est de l'Allemagne est très peu touché.C'est une grosse erreur, elle aurait dû le faire depuis longtemps. D'autant que dans cet Etat fédéral, chaque land (région allemande NDLR) fait un peu ce qu'il veut !
La carte de l'épidémie en Europe en temps réel: https://interaktiv.morgenpost.de/corona-virus-karte-infektionen-deutschland-weltweit-teaser/
" On s'occupe comme on peut. Je corrige les copies de mes élèves. Ma fille va faire un peu de patin à roulettes dans la rue vide de notre lotissement. On vit tranquille. Je pense à tous ceux qui sont ou seront touchés par le virus. Quand est-ce que cela va s'arrêter ? "