Il n’a "pas du tout l'impression d'avoir 85 ans": Le musicien basque Michel Portal, figure du jazz contemporain a conservé tout son enthousiasme et son dernier disque "MP 85" qu'il défend sur scène cet automne, apporte la preuve éclatante de son étonnante vitalité.
"Enfant, j'étais toujours en train de penser aux gens qui allaient au fin fond du monde pour voir comment on vivait là-bas", raconte Michel Portal. "J'étais curieux de toutes les musiques".
Regard perçant, aux prunelles noires d'oiseau de proie, le musicien originaire de Bayonne a gardé cette curiosité, ce désir de rencontres, de découvertes. Tombé dès l'enfance dans les bras de la musique, Michel Portal a voulu en maîtriser les codes, pour tenter d'en percer les secrets.
"J'ai beaucoup travaillé, jusqu'à devenir dingue", rappelle-t-il. Dès huit ans, il s’adonne à la pratique assidue de la clarinette, apprend à l’école de musique de Bayonne, fréquente les groupes de folklore local, les orchestres de chambre.
Il obtient le premier prix de clarinette au Conservatoire de Paris en 1959. Le Portal d'aujourd'hui, qui multiplie les expériences, est déjà en germe. Mais à une carrière de concertiste, Portal va préférer la liberté et l'aventure tous azimuts.
La liste des musiciens avec lesquels ce multi-instrumentiste a joué depuis est interminable: Martial Solal, Bernard Lubat, Daniel Humair, Richard Galliano, Joachim Kühn, Mino Cinelu ...
- Soif d'apprendre -
La musique est pour lui un véritable sacerdoce. Dans les années 1970, avec son groupe, "Unit", il vit l'expérience du free jazz. Il se passionne aussi pour le tango, se frotte aux musiciens funk de Prince pour un disque qui fait date, "Minneapolis", compose des musiques de films, dialogue avec un didgeridoo (un instrument aborigène)... Le musicien est aussi interprète de Brahms, Mozart ou Telemann, et de partitions contemporaines (Boulez? etc.). Il lui arrive encore d'improviser avec la nouvelle génération, Emile Parisien et Vincent Peirani en tête, qui le stimulent. "J'ai tâté à tout finalement, tout le monde le sait, dans le but d'apprendre, c'est tout", constate Michel Portal.
L'aventure continue dans "MP 85", enregistré l'année dernière entre deux confinements. Pour le réaliser, Bojan Z, son pianiste depuis les années 1990 devenu au fil du temps le réalisateur des projets de Portal, a monté un groupe de musiciens de diverses origines et générations.
"Moi, je suis Basque, lui (Bojan Z) il est Serbe, l'autre (le tromboniste Nils Wogram) Allemand, l'autre encore (le batteur Lander Gyselinck) Belge. Chevillon (Bruno, contrebassiste), il est du Sud", s'amuse Michel Portal.
- "Dans la bourrasque" -
Dans cet album, il virevolte, promenant sa clarinette basse, sa clarinette et son saxophone soprano dans des compositions inspirées par l'Arménie, l'Afrique, l'Amérique ou les Balkans, entre airs de fêtes, hymnes à la joie et relents de fanfares...
"Dans ce disque, il y a une espèce de force vitale, ne serait-ce que rythmiquement. Avec cette façon de jouer avec des choses tout le temps un peu changeantes", s'enthousiasme Portal, les yeux pétillants.
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— Les Victoires du Jazz (@VictoiresduJazz) October 6, 2021
Michel Portal
Avec MP85, Album de l’année, Michel Portal a marqué les esprits prouvant que la jeunesse n’est pas une affaire d’âge mais de disposition d’esprit.
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"MP 85" a été élu disque de l'année par les Victoires du Jazz. Portal et son quintette le défendront lors de concerts cet automne, dont un lundi au Théâtre de l'Athénée à Paris.
Michel Portal reprendra ensuite son bâton de pèlerin: "Si demain on me propose d'aller jouer avec quatorze accordéonistes, j'y vais ! Je suis encore capable d'aller dans la bourrasque". "Je suis pareil qu'avant, pareil!", s'amuse-t-il.
"On a du mal à comprendre l'état de fraîcheur dans lequel il est à 85 ans", confirme Bojan Z. "Je n'en connais pas d'autre comme lui".