Une mère de famille, souffrant d'un rare syndrome de maltraitance dit "de Münchhausen par procuration", sera jugée à partir de lundi aux Assises de Pau pour avoir étouffé sa fille de deux ans et demi en 2014. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le 21 juin 2014, la petite Lilyana, deux ans et demi, était retrouvée morte étouffée au domicile familial à Bussunarits-Sarrasquette, petit village proche de Saint-Jean-Pied-de-Port.
La mère, originaire de Charleville-Mézières (Ardennes), y vivait avec son mari et ses sept enfants, et c'était elle qui avait donné l'alerte.Laëtitia Pita-Viera, sortie depuis un mois de l'hôpital psychiatrique de Bayonne et traitée aux anti-dépresseurs, a alors 1,40 gramme d'alcool par litre de sang, selon les enquêteurs.
En l'absence de trace sur le corps de l'enfant, une première expertise conclut à une "défaillance cardio-respiratoire" pouvant être d'origine accidentelle.
Mais peu après, un médecin chargé du suivi de la jeune femme, hospitalisée de nouveau en psychiatrie, alerte la justice. Sa patiente, citant des cauchemars, lui a confié "avoir pu jouer un rôle actif dans le décès de sa fille".Un examen met alors en évidence chez la mère un "syndrome de Münchhausen par procuration" (SMPP, par référence au baron de Münchhausen et ses affabulations), une forme grave de maltraitance par laquelle une personne blesse ou rend volontairement malade autrui, souvent un enfant dont il a la charge, dans le but d'attirer l'attention sur lui-même.
Un collège d'experts validera par la suite cette hypothèse d'infanticide par SMPP, écartant toute possibilité de cause naturelle dans le décès de la petite Lilyana.Les enquêteurs retrouveront un signalement remontant à 2005 concernant l'hospitalisation d'un autre enfant du couple, âgé de sept mois, pour une série de malaises. A l'époque déjà, un médecin avait diagnostiqué chez la mère un SMPP et évoqué le risque de récidive, sans pouvoir établir formellement qu'elle était coupable de mauvais traitements sur son fils.
Elle reconnaît les faits
Placée en garde à vue en octobre 2014, Laëtitia Pita-Viera avait reconnu les faits.Evoquant son fils en 2005, elle raconte alors :
Mise en examen et placée depuis en détention provisoire, la mère se rétractera plusieurs fois par la suite.Je voulais que le petit ne respire plus pour que les infirmiers viennent s'en occuper... je faisais pareil avec Lilyana. Je l'étouffais avec ma main.
Pour les experts qui l'ont examinée, elle souffre du fameux syndrome qui a certes pu altérer son discernement lors des faits, mais ne l'a pas aboli complètement, ce qui la rend pénalement responsable.
Déjà elle-même maltraitée
Après une enfance malheureuse entre un père inexistant et une mère alcoolique, l'accusée, qui déclare avoir été violée à l'âge de six ans par un "ami" de la famille, a connu une longue succession de placements en foyer. Mariée à 17 ans après avoir eu un enfant dès 16 ans, elle souffre d'alcoolisme chronique depuis 2012 et a enchaîné les séjours en psychiatrie.Une personnalité border-line avec des troubles importants
résument les médecins.
Syndrôme et responsabilité
Le syndrome de Münchhausen par procuration et son influence sur la capacité de l'accusée à distinguer le bien du mal seront au coeur des débats à Pau."J'attends beaucoup de l'audience, les experts cités vont devoir s'adresser aux jurés, à nous, à des non scientifiques. On va comprendre des choses", estime Jean-Baptiste Bordas, avocat de la jeune mère, qui se refuse à comparer ce cas à d'autres affaires similaires déjà jugées.
indique pour sa part Jon Bertizberea, avocat du père et des enfants, parties civiles.Plus qu'un quantum de peine, nous attendons la vérité. Pour se reconstruire, la famille a besoin de savoir ce qu'elle a fait. Ils sont doublement victimes
Laëtitia Pita-Viera encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le verdict est attendu jeudi.