Suite à l'annonce gouvernementale de la semaine dernière, les organisateurs de la course avaient confirmé ce que tout le monde craignait : fermeture du village et départ sans public dimanche aux Sables d'Olonne. Une décision lourde de conséquences notamment pour les sponsors des bateaux engagés.
Plus que de longs discours, le bilan chiffré du dernier Vendée Globe il y a quatre ans est sans équivoque : plus de 1.200 heures de temps d'antenne sur 190 télévisions dans le monde, plus de 40 millions de vues sur les vidéos du site de la course et 350.000 personnes aux Sables d'Olonne et sur le littoral vendéen pour le départ. On parle là d'un événement planétaire. Pour la voile, le "Vendée", c'est un peu comme les Jeux Olympiques ou la coupe du monde de football. On n'imagine donc pas la déception des sponsors qui ont investi, pour la plupart, plusieurs millions d'euros pour être au départ de cette édition 2020. Dimanche matin, la jetée généralement noire de monde sera désespéremment vide. Le coup de corne de brume qui retentira à 13h02 résonnera étrangement sur un plan d'eau presque désert. Décidément, cette pandémie ne nous aura rien épargné. "Quand il se passe ce qu'il se passe au niveau national, je pense qu'il faut faire preuve de civisme" déclarait Yves Auvinet sur l'antenne de France 3 Pays de Loire la semaine dernière. Pour les conséquences économiques, le président du Conseil Départemental de Vendée se montrait plus prudent.
C'est trop compliqué au moment où l'on parle parce que c'est une machine qui est relativement lourde et il faudra attendre. Le Vendée Globe, c'est certes un village, certes un départ mais c'est aussi des arrivées donc c'est là qu'il faudra regarder tout ça de plus près et, évidemment, nous sommes très ouverts aux différents partenaires et prestataires qui nous entourent.
"C'était prévisible !"
De fait, quelques coups de téléphone vous font vite comprendre que ce départ à huis clos va, sans aucun doute, faire l'objet de quelques contentieux juridiques entre prestataires de service désarmés, clients frustrés et compagnies d'assurance peu enclines à couvrir un risque comme le coronavirus. "C'était prévisible ! Il fallait reporter en 2021", nous dit sous couvert d'anonymat un professionnel, "ils se sont entêtés et, au final, on part sur un fiasco !". Une amertume certes légitime, mais on voit mal comment annuler ou reporter un tel événement.Christophe Guyoni lui aussi forcément est déçu. Le directeur Général de Maître CoQ, sponsor du rochelais Yannick Bestaven, avait, tenez-vous bien, invité 900 personnes pour le départ. Salariés, éleveurs, partenaires, clients, tous devaient participer à cette grande fête maritime. L'intérêt de ce départ du Vendée Globe allait bien au-delà de la simple visibilité de l'entreprise.
Notre taux de notoriété assistée (pourcentage de personnes qui disent connaître une marque présentée dans une liste-ndlr) est de 73%, donc on a encore de la marge ! Mais, pour nous, c'était surtout l'occasion de communiquer sur nos engagements pour l'environnement. C'est aussi beaucoup de communication en interne pour nos collaborateurs et, sur le village, on espérait également recruter de nouveaux salariés. Et puis on devait embarquer une centaine de personnes pour accompagner Yannick. Là on n'aura que deux semi-rigides.
"En 2016, la visibilité avait été extraordinaire."
Reportage de Jaël Galichet, Loïc Gazar et Maud Coudrin
On comprend aussi très rapidement qu'il n'est pas de bon aloi de parler ouvertement gros sous dans le milieu de la course au large. Certains affirment que c'est un sport où un euro investi en rapporte dix fois plus. Etrangement, ce sont ceux qui cherchent un sponsor qui avancent ce genre d'argument. En tout cas, on ne soupçonnera pas Éric Romedenne de vouloir outrageusement spéculer sur les retombées économiques du Vendée Globe. Cela fait à peine deux mois que, dans l'urgence, il a décidé de mettre le nom de sa société, La Compagnie du Lit, sur la grand-voile de Clément Giraud. Un coup de coeur pour un skipper sans sou qui lançait un SOS. La déception est peut-être d'autant plus forte de ne pas pouvoir profiter comme il l'espérait de ce départ mythique, comme il y a quatre ans quand il sponsorisait Stéphane Le Diraison.
En 2016, la visibilité avait été extraordinaire. Depuis on nous parle toujours du Vendée Globe. Pour avoir de grosses retombées, il faut s'engager au moins deux ans avant. Là, j'y vais parce que sinon Clément ne pouvait pas partir et son histoire était trop belle. Ce qui m'intéresse en terme d'images, ce sont les valeurs véhiculées par le sport. Pourtant, très honnêtement, la période n'est pas très propice à ce genre d'investissement.
"L'audience du Vendée Globe va être encore plus forte qu'il y a quatre ans."
Les professionnels de la communication aussi ont du s'adapter en urgence à cette décision de dernière minute de fermeture du village course et d'un départ en catimini. Tanguy Blondel de l'agence TB Press s'occupe de Maxime Sorel sur "V&B-Mayenne" et de Thomas Ruyant sur "LinkedOut". "On avait anticipé les risques de la crise sanitaire depuis septembre" nous explique-t-il. Des vidéos et des articles avaient été produits en avance pour pouvoir répondre aux demandes médiatiques de dernière minute. Les skippers aussi avaient été préparés à devoir, par exemple, faire des interviews en visioconférence. Pour le reste, le communiquant se veut optimiste et préfère positiver.Un suivi de course facilité par l'obligation qu'ont désormais les marins d'envoyer toutes les semaines photos et vidéos. Comme tous les quatre ans, les passionnés pouront aussi embarquer pour "leur" tour du monde sur Virtual Regatta. Et pour suivre en direct ce départ inédit du vendée Globe - un petit coup de pub, ça ne fait pas de mal - rendez-vous dimanche matin devant vos téléviseurs... sur France 3 évidemment.À cause du confinement, je pense que l'audience du Vendée Globe va être encore plus forte qu'il y a quatre ans, surtout sur internet et les réseaux sociaux. Ça ne pourra pas compenser les opérations en physique sur le village, la venue de prospect, de partenaires, de VIP et du public au départ. Ça, rien ne pourra le rattraper. Par contre, l'animation pendant la course va être énorme. Plus que jamais, les gens vont suivre la course dans la longueur et ça, c'est une nouveauté.