Le groupe suédois Essity qui possède une usine à Châtellerault dans la Vienne, a le projet d'équiper ses salariés de boîtiers anti-rapprochement destinés à lutter contre l'épidémie de Covid. L'idée, encore en discussion, est retoquée par la CFDT qui dénonce une atteinte aux libertés individuelles.
Le groupe suédois Essity est installé dans plus d'une centaine de pays à travers le monde. Il est spécialisé dans la fabrication de produits d'hygiène (papiers et serviettes hygiéniqes, couches, cotons démaquillants, etc...) et de santé. Son usine de Châtellerault, dans la Vienne, qui emploie 160 personnes, est spécialisée dans la fabrication de bas de contention.
Depuis plusieurs jours, c'est la nouvelle initiative proposée par la direction du groupe pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 qui fait beaucoup parler d'elle. Essity souhaite équiper ses salariés d'un boîtier qui les alerterait en cas de rapprochement physique trop important entre deux personnes. L'idée est décriée par la CFDT, le syndicat majoritaire dans l'entreprise, qui s'indigne et dénonce "une atteinte aux libertés individuelles".
C'est complètement anxiogène, ça infantilise les salariés. L'idée, c'est de discipliner les salariés et de les rappeler à l'ordre. C'est pour faire respecter les distanciations mais elles sont respectées. On a tous le masque, on n'est plus des gosses, on est tous responsables.
"Renforcer la prévention et préserver la santé des salariés"
De son côté, la direction du groupe, qui produit sous diverses marques des produits d'hygiène et compte plus de 2.500 salariés en France, se défend en invoquant son souhait de "renforcer la prévention et la sécurité des collaborateurs".
Nous essayons de faire en sorte d'explorer tous les systèmes qui pourraient contribuer à préserver la santé de nos salariés. Nous avons été précurseurs dans la mise en place des gestes barrières, du port du masque et du respect des distanciations. La sécurité et la santé de tous nos collaborateurs sont notre priorité absolue.
Les boîtiers Phi-Data, fabriqués en Belgique, qui seraient portés par chaque salarié pourront émettre un signal quand la distanciation physique entre deux personnes ne sera pas respectée. La direction du groupe précise qu'elle préfère l'option proposant une vibration plutôt qu'une lumière ou un bruit pour prévenir le salarié. "Ce boîtier pourra être mis dans la poche ou porté à la ceinture et pas autour du cou" précise le directeur de la communication du groupe. Il souhaite répondre ainsi à la polémique lancée par la CFDT qui parle dans un communiqué de "colliers" et compare "le système à celui qui dissuade les chiens d’aboyer".
"Une mesure injustifiée" pour la CFDT
Ce système permet d'alarmer en cas de rapprochement physique trop important, il permet de remonter aussi la chaîne des contacts d'un salarié. En interrogeant la base des données enregistrées par les boîtiers, le référent Covid du site pourra retrouver les cas contacts d'un salarié qui se serait au préalable déclaré malade du Covid.
"C'est un gain de temps et d'effacité pour la prévention du Covid au sein de l'entreprise" assure le représentant de la direction. Il s'agit d'une mesure totalement "injustifiée" répond la CFDT qui ajoute que l'Assurance Maladie et les Agences Régionales de Santé se chargent déjà de ce traçage des cas contacts d'un malade. Le syndicat s'interroge également sur la préservation des données personnelles et l'anonymisation des boîtiers. Comment le système peut-il remonter les contacts si chaque boîtier est anonymisé et identifié par un simple numéro comme l'assure la direction.
Ce dispositif serait sans système de géolocalisation et non relié à des informations personnelles sensibles. Les règles RGPD, de la CNIL et l’anonymat seraient bien évidemment respectés.
Pour l'heure, aucun boîtier n'a encore été distribué aux salariés français. Le projet n'en est qu'au stade de la concertation. Celle-ci se mène actuellement au niveau national.
En France, nous en sommes au stade des discussions avec les représentants du personnel. Nous souhaitons mettre en place des groupes de travail avec les équipes qui seraient volontaires pour tester ce dispositif sur le terrain. C'est de notre responsabilité de le faire tester par des volontaires. Il faut avoir le courage d'explorer des solutions nouvelles pour l'avenir. Nous ne sommes pas certains que demain d'autres variants ou d'autres épidémies n'apparaissent.
Discussions et concertations en cours
Le groupe Essity explique que "les modalités de fonctionnement seront à déterminer avec les instances représentatives du personnel" et assure que "des discussions sont en cours pour la mise en place de ce dispositif dans plusieurs sites européens du groupe". "Ce dispositif a été mis en place en Angleterre et est discuté aux Pays-Bas et en Allemagne" assure le directeur de la communication du groupe.
La discussion est en cours, à Châtellerault comme sur tous les autres sites français. "Ces boîtiers vont finir dans les poubelles ou rester dans les casiers, c'est n'importe quoi." a déclaré cette semaine à l'AFP Christine Duguet, déléguée syndicale centrale CFDT ESSITY alors que son syndicat a indiqué qu'un comité social et économique (CSE) doit se réunir la semaine prochaine lors duquel la direction doit préciser son projet.