Coronavirus. Le McDonald's de Châtellerault a-t-il servi de "laboratoire" pendant la crise sanitaire ?

Alors que les bars et restaurants ont fermé dès le 14 mars, douze restaurants McDonald’s sont restés ouverts en livraison et en drive. Parmi eux, celui de Châtellerault Sud. Les syndicats et les ONG dénoncent des règles sanitaires non respectées et des manquements au droit du travail.
 

Le samedi 14 mars, Édouard Philippe annonce la fermeture des bars et restaurants. Les fast-foods de l’enseigne américaine McDonald's ferment leur porte. Tous ? Non. D'après une enquête de nos confrères de Mediapart, douze restaurants dans le Centre-Ouest de la France appartenant au franchisé Bernard Simmenauer restent ouverts en livraison et en drive. Dont celui de Châtellerault-Sud. Loïc Roldan, représentant CGT au sein de l’enseigne dénonce les conditions sanitaires à l'ouverture. Nous l'avons contacté et selon lui, le restaurant a servi de "laboratoire".

Pendant cette période, la situation était catastrophique. C'était une prise de risque considérable pour les salariés. Il n’y avait pas les gestes barrières, pas de sécurité alimentaire garantie et des passations de produits et d’ustensiles non aseptisé.
- Loïc Roldan, représentant CGT au sein de McDonald's

Julie*, employée dans le McDonald's de Châtellerault, nous raconte les faibles conditions sanitaires par rapport à la crise du Covid-19 lors des premières semaines.

Les règles n'étaient pas au point les premiers jours. Nous essayions de garder notre distance avec les autres. Les masques n'étaient pas encore obligatoires. Ce n'est qu'au bout d'une semaine que les premières mesures ont été appliquées. Des marques au sol pour faire respecter les distances entre les employés sont apparues.
- Julie*, employée du McDonald's de Châtellerault Sud

L’ONG React, qui lutte contre les abus des multinationales, a lancé une action de sensibilisation. Elle a recueilli les témoignages de salariés dans les douze McDonald’s ouverts. L’ONG pointe aussi du doigt les conditions sanitaires. « Dans un restaurant, on a demandé aux employés de se faire des masques en sopalin », relève-t-elle. 

Des mesures sanitaires tardives

Aujourd’hui, Julie* nous dit se sentir « plus rassurée d’aller travailler ». Le géant du fast-food a pris des dispositions. Les masques sont obligatoires, des mesures de distanciation ont été adoptées et le paiement en espèce proscrit. « Mais ces décisions ont été prises un peu tard », déplore Julia.

Même son de cloche du côté de Loïc Roldan. Le syndicaliste CGT reconnaît que les conditions sont meilleures aujourd’hui. Mais il fustige l’attitude de l’enseigne américaine qui aurait testé les mesures sanitaires au détriment de la santé des employés. « Au siège, tout le monde s’est félicité des ouvertures de ces restaurants. Ils ont pu voir ce qu’il fallait mettre en place ou non. »

Du côté de la direction, Bernard Simmenauer l’assure : la priorité c’est « la sécurité des équipes ».

Nous nous sommes améliorés tous les jours avec rigueur et détermination avec la volonté d’être mieux disant que les recommandations sanitaires. Aujourd’hui, un guide de nouveaux process très robustes de préparation, de prise de commande ou de délivrance des sacs est en place pour aller au-delà de l’ensemble des mesures barrières recommandées. Ce guide a fait l’objet d’une validation de plusieurs médecins spécialistes. 
- Bernard Simmenauer, propriétaire du McDonald's de Châtellerault Sud

L’entrepreneur ajoute par ailleurs :

L’ensemble des salariés mobilisés pour continuer à servir les clients le sont dans le respect le plus strict de la loi, des arrêtés, des décrets, des ordonnances ainsi qu’évidement du code du travail.

« Nous n’avons pas eu le choix d’aller travailler ou non »

Pourtant, les syndicalistes et l’ONG React ont remarqué ce qu'ils considèrent comme des manquements au droit du travail. Exemple à Châtellerault où l’association est en contact avec une autre employée de l'enseigne.

Elle nous a fait remonter le SMS de la directrice, qui dans un premier temps leur avait laissé le choix de travailler ou non. Ce texto sommait aux employés de venir travailler faute d’absence considérée comme non justifiée. Il indiquait aussi que le droit au retrait ne marchait pas car l’entreprise compte moins de 50 personnes et qu’il y avait tout le nécessaire pour leur sécurité. Or, ce n’est pas à l’entreprise de décider si le droit de retrait ne fonctionne pas.
- Adèle Lepoutre, membre de l'ONG React


Julie* n’était pas au fait de ce droit. Elle confirme que dans un premier temps, la directrice leur a accordé le droit de retrait. Mais, dans le doute, avec la menace de jours impayés, elle s’est quand même rendue au restaurant.

Nous n’avons pas eu le choix d’aller travailler ou non. Au début on nous avait dit que c’était possible puis finalement le contraire. C’était flou. Comme nous n’y connaissons rien à ce droit et que les restaurants étaient ouverts, je me suis dit que la direction était dans son droit. Je ne voulais pas prendre le risque de ne pas être payée.
- Julie, employée du McDonald's Châtellerault


Depuis, la firme américaine travaille pour réouvrir les restaurants. Mercredi 8 avril, trois McDonald’s ont ainsi ouvert en Île de France en tant que « site pilote » malgré la polémique. Ils devraient servir de rampe de lancement pour une ouverture à plus grande échelle. Mais Loïc Roldan s’inquiète : « Si les conditions sanitaires sont risquées, les employés doivent faire valoir leur droit de retrait. Je ne pense pas que vendre un burger soit une nécessité sanitaire et alimentaire pour les Français. »

* Le prénom a été modifié
Comment fonctionne le droit de retrait ?
Selon le site gouvernemental service-public.fr, un employé peut exercer son droit de retrait, sans l'accord de son employé, à deux conditions :
  • "si la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
  • ou s'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection."
Pour le cas du Covid-19, le site précise :
"Si l'employeur met en œuvre les recommandations du gouvernement, les conditions d'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux. Si ces recommandations ne sont pas suivies par l'employeur, alors le travailleur peut exercer son droit de retrait jusqu'à ce que celles-ci soient mises en œuvre."

Lorsqu'un employé exerce ce droit de retrait, "l'employeur ne peut effectuer aucune retenue sur salaire, ni sanctionner un travailleur ou un groupe de travailleurs qui a exercé son droit de retrait de manière légitime. Mais lorsque les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies, le travailleur s'expose à des retenues sur salaire ou des sanctions, voire un licenciement."
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