A Poitiers, plusieurs familles ont manifesté hier avec des associations, place Le Petit à Poitiers. Elles demandent la régularisation de leur situation. Sans titre de séjour, pas de travail ni de logement. Plusieurs familles vivent depuis des années entre ces logements temporaires et les expulsions.
« On fait tout ce qu’il faut pour avoir un titre de séjour, un permis de travailler. Parce que sans travail, on ne peut pas être autonomes. On ne peut rien faire. » Elle et son mari ont des promesses d’embauche. Peut-être un poids dans la balance qui décidera de la suite de leur vie.
Maria * est hébergée par l’association Cent pour Un. Cela fait quatre ans qu’elle, son mari et ses deux enfants vivent entre les joies d’avoir trouvé un logement et le stress des expulsions. Ses deux petits sont scolarisés, tous parlent français. Elle espère que cela comptera dans sa demande de titre de séjour. La préfecture lui a déjà refusé une fois.
Sur la place Le Petit, des pancartes sont brandies : « l’éducation est un droit, avec ou sans papiers ». Des familles et associations, comme RESF86, Cent pour Un Grand Poitiers, ont manifesté hier pour demander la régularisation de familles, qui, sans travail, ne peuvent assurer un loyer. Elles n’ont d’autre choix que de vivre à la rue. Et leurs enfants aussi.
*prénom modifié
Une mère et quatre enfants bientôt à la rue
Au milieu des manifestants, Elise Balbon-Arnaud, la présidente de l’association Cent pour Un Grand Poitiers se tient debout: « On se retrouve toujours avec la même problématique. On essaie de trouver un hébergement pour ces familles. Elles ne refuseraient pas de travailler, loin de là, mais elles n’en ont pas la possibilité sans titre de séjour. »
Face à cette situation, l’association Cent pour Un a décidé de mettre en place une aide pour palier à l’absence de revenus de ces personnes, dans l’impossibilité de se loger : « Si Cent personnes donnent 5 euros, alors on peut financer un logement pour un mois », explique Elise ». Mais cette solution n’est pas adaptée à l’urgence de la situation de Nadine, qui a fui le Congo et Kinshasa il y a huit ans. La mère de quatre enfants de 2 à 10 ans doit quitter l’auberge de jeunesse où elle logeait depuis décembre dès la semaine prochaine.
Elle logera au 115, un hébergement d’urgence qu’elle ne pourra occuper que la nuit. Toute la journée, son fils de 2 ans l’accompagne en poussette, tandis que les autres sont à l’école. « On vit seulement avec 250 euros par mois, pour quatre. Je vais aux restos du cœur », souffle Nadine. Epuisée, la mère de famille est aussi très seule. « La journée, je range la chambre, je prépare à manger. Mais je ne vois personne ».
Nadine a quitté le Congo en 2014, recherchée et menacée par des personnes ayant des différends avec sa famille. Pour elle, rester en France, même à la rue, est préférable à prendre un billet d’avion pour Kinshasa.
La jeune femme de 35 ans ne peut penser à son passé. Ni à l’avenir. Nadine parle peu. « Je n’aime pas trop penser. Ça me donne mal au ventre », résume-t-elle. Nadine a refait une demande de séjour. Elle est prête à tout pour se changer les idées, et cherche même à faire du bénévolat.
Des papiers pour avoir le droit de travailler : une question de survie
La solution, ce serait que ces gens aient des papiers. Il y a énormément de secteurs en recherche, qui ne trouvent pas d’employés. Ces familles prêtes à aller travailler.
Elise Balbon-Arnaud, présidente de l'association Cent pour Un Grand Poitiers
Parmi les familles que l’association soutien, trois enfants français, nés de pères ayant la nationalité française. Malgré cela, ces enfants se retrouvent à la rue.
« On a demandé deux audiences à la préfecture. La première fois, nous n’avons pas eu de réponse. La deuxième fois, la réponse de la préfète qui était alors en poste était très dure : elle nous a dit que la loi se durcissait, et qu’ils faisaient déjà beaucoup de choses. »
Des enfants qui dorment dehors
« C’est dégueulasse, on vit dans un pays riche avec des enfants qui dorment dehors. Le lendemain, ils ont leur journée de classe à faire, c’est pas possible quoi. » S’ils ont la chance d’avoir un logement, c’est une chambre pour toute la famille.
Pour les enfants ayant l’âge d’être scolarisés, l’école est un sas de décompression. Pour les enfants de moins de trois ans, le quotidien signifie rester immobile, dans l’attente, à l’égal de leurs parents.
Le petit bout de deux ans, il est assis dans sa poussette, quand il fait froid dehors, quand il pleut, il est dehors avec sa maman
Elise Balbon-Arnaud, présidente de Cent pour Un Grand Poitiers
Les enfants portent sur leurs épaules le poids d’une vie de clandestin.
Une jeune fille de 14 ans qui parle très bien français, a des problèmes de cœur. Les médecins disent qu’elle est très très stressée. Depuis qu’elle a huit ans, elle traduit des procédures administratives à ses parents
Elise Balbon-Arnaud, présidente de Cent pour Un Grand Poitiers
Pas de logements disponibles
Pendant la crise Covid, l’auberge de jeunesse du quartier Bellejouanne a ouvert ses portes aux personnes sans papiers. Une mesure qui a pris fin : Nadine doit désormais quitter son logement, une chambre pour cinq personnes. La semaine prochaine, elle se retrouvera au 115. « la croix rouge n’a pas suffisamment de moyens pour faire en sorte qu’aucune famille ne retrouve à la rue ».
On a réussi à trouver des milliers de places pour des personnes qui venaient d’Ukraine. C’est très bien, mais pourquoi on n’a pas le même accueil. Ces familles fuient aussi des choses qui les mettent en danger, même si ce ne sont pas des guerres connues.
Elise Balbon-Arnaud, présidente de l'association Cent pour Un Grand Poitiers
Des bénévoles épuisés
A Cent pour Un, ils sont cinq bénévoles à chercher un logement pour les familles. Tous ont un travail à côté. Dix familles sont aidées en tout. Mais l’association est débordée par les demandes. Elle a besoin de dons pour louer les logements destinées à protéger des familles entières de la rue.
Mais aussi et surtout de temps : « Accompagner une famille, c’est créer un lien avec elle, aller la voir régulièrement, voir comment ça se passe, gérer un problème de fuite d’eau par exemple. »
Un travail de fourmi qui porte ses fruits
Pourtant, le travail de fourmi accompli par l’association n’est pas vain : des familles ont fini par obtenir un titre de séjour, malgré un premier refus. Une famille d’Arméniens a ainsi réussi à rester en France grâce à une promesse d’embauche. « On a des gens qui ont été déboutés de leur demande d’asile après une promesse d’embauche dans un secteur en tension, le bâtiment. Est-ce que ça a aidé la préfecture à réétudier le dossier ? » s’interroge Elise.