À compter du 1ᵉʳ février 2024, le prix de certains paquets de cigarettes, cigares et tabac à rouler va augmenter de 10 centimes à un euro. Une mesure dissuasive, bien accueillie par les addictologues. Philippe Dauzan, directeur régional de l'Association Addictions France en Nouvelle-Aquitaine, estime qu'il faudrait aller encore plus loin.
Mauvaise nouvelle pour les douze millions de fumeurs quotidiens français. À partir de ce jeudi 1ᵉʳ février, les consommateurs de Vogue L’Originale, Dunhill, Camel, Lucky Strike ou encore Winston devront débourser quelques centimes de plus pour obtenir leurs paquets de cigarette. Certaines marques de tabac à rouler et de cigares vont aussi augmenter leurs prix. En Nouvelle-Aquitaine, le nombre de fumeurs quotidiens était de 28,1 % (18-75 ans) en 2017, contre 26,9 % pour la moyenne nationale, selon Santé publique France.
Directeur régional de l'Association Addictions France en Nouvelle-Aquitaine, Philippe Dauzan est favorable à l'augmentation du prix du tabac. Selon l'expert, mettre fin à une addiction demande avant tout de la motivation.
L'augmentation du prix du tabac permet-elle de réduire le nombre de fumeurs quotidiens ?
Philippe Dauzan : Le tabac est une arme de destruction massive : c’est la première cause de mortalité évitable en France, à l’origine de nombreux cancers. L’augmentation du prix du paquet de cigarettes est une mesure absolument essentielle dans la lutte contre le tabagisme. Mais les tarifs actuels ne sont pas encore assez élevés pour être pleinement dissuasifs. Dans certains pays, le coût du paquet peut grimper jusqu'à une vingtaine d’euros. À ce montant-là, la diminution du nombre de consommateurs de tabac chez les mineurs est massive et immédiate.
À l’annonce de l’augmentation du prix du paquet de cigarettes, plusieurs organisations de buralistes ont avancé que les consommateurs pourraient désormais se tourner vers la contrebande. Aucune étude ne le montre pour l’instant. Buraliste ou contrebandier, en vendant du tabac, on vend la mort. Pour les professionnels de l’addictologie, c’est un argument qui ne tient pas debout.
Quelles sont les autres mesures mises en place pour diminuer la consommation de tabac ?
Pour certaines mesures comme l’anonymisation des paquets de tabac, illustrés avec des images de cancer de la gorge, nous n’avons pas de retours chiffrés permettant d’établir si elles ont bien permis de réduire le nombre de fumeurs. C’est en mettant simultanément en place plusieurs initiatives que nous pouvons faire reculer le tabagisme en France. Les campagnes de sensibilisation doivent être poursuivies à l’échelle nationale. D'autres actions comme le mois sans tabac, qui ont porté leurs fruits, doivent être intensifiées. Il faut montrer aux consommateurs qu’il existe plusieurs façons d’arrêter de fumer : le sevrage bien sûr, mais aussi l’usage de gommes ou de patchs anti-tabac, l’hypnose, la consultation de professionnels de l’addictologie en centres spécialisés…
Qu’en est-il de l'interdiction des puffs, très prisées par les jeunes ?
Pour réduire durablement le nombre de fumeurs, il faudrait réellement faire respecter l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs. L’interdiction prochaine des puffs, ces cigarettes électroniques jetables très prisées par les jeunes, par le gouvernement, est un premier pas. Ces produits ont été créés par l’industrie du tabac pour rendre les usagers addicts.
Comment arrêter durablement de fumer ?
Imaginer une France sans fumeurs, c'est un peu idéaliste. Si l’on est réaliste, un monde sans drogue n’existe pas. Mais pour arrêter un produit auquel on est addict, quel qu’il soit, il faut s’armer de motivation. Elle peut être de toutes sortes : parce que cela coûte cher, parce que l’on craint pour sa santé, parce que c’est interdit en entreprise, parce que l’on a vu un proche s’éteindre des suites d’un cancer dans des conditions terribles, parce que l’on a un enfant et que l’on ne veut pas qu’il grandisse dans un environnement enfumé.
Chez les adultes, le passage à la cigarette électronique est un bon compromis, et une mesure préconisée par les addictologues pour arrêter sa consommation de tabac. Vous gardez le geste, l’aspiration. Votre cerveau n’est pas perturbé. Sauf que sur le plan sanitaire, c’est beaucoup moins toxique que la cigarette. En utilisant la cigarette électronique, vous pouvez aussi continuer à fumer dans certains lieux publics. Ce que la cigarette ne peut plus vous offrir depuis qu’elle a été bannie de la sphère sociale, pour le mieux.